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Me Thérèse DONU, l’avocate des causes (presque) perdues, lauréate de JusticeMakers 2017

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Me Thérèse Donu

La trentaine, cette jeune femme, issue d’une famille à longue tradition de professions judiciaires, met son génie d’oratrice et sa forte capacité de persuasion au service des « minorités vulnérables ». Déterminée à défendre ces dernières, son rôle de femme au foyer ne l’empêche pourtant pas de gérer sa carrière professionnelle et de poursuivre son combat pour l’égalité et la justice pour tous. Dans cette interview accordée à Lfrii l’Entreprenant, elle nous retrace son brillant parcours professionnel et nous plonge dans l’are de son projet  “Justice pour tous” qui lui a valu le sacre à l’édition 2017 de la compétition JusticeMakers.

Lfrii l’Entreprenant : Me Thérèse Donu, vous faites partie de ces rares femmes qui ont choisi de porter la toge de l’avocat. Qu’est-ce qui vous a poussé à embrasser ce métier ?

Me Thérèse DONU : « Etant issue d’une famille de juristes, j’ai très tôt été familiarisée aux professions judiciaires et cette promiscuité m’a fait développer le goût de la justice et le désir ardent de défendre les plus faibles. Aujourd’hui, ma plus grande satisfaction chaque fois que je porte ma toge, est de voir une injustice corrigée, une victime rétablie dans ses droits. Plus qu’une passion, le métier d’avocat est pour moi un sacerdoce ».

Pourriez-vous partager avec nous votre parcours professionnel ?

Après la Maîtrise en Droit des affaires et carrières judiciaires obtenue en 2009 à l’Université d’Abomey-Calavi au Bénin, j’ai eu en 2011 le Certificat d’Aptitude à la Profession d’Avocat et j’exerce en cette qualité depuis 2012.

J’ai participé à plusieurs compétitions internationales dans le cadre de ma profession. C’est ainsi qu’en 2012 juste quelques mois après ma prestation de serment d’avocat, j’ai représenté le Barreau du Togo au concours international d’art oratoire organisé par la Conférence Internationale des Barreaux (CIB) à Kigali au Rwanda lors de son 27ème Congrès annuel.

En 2013, j’ai obtenu à Lomé le premier prix d’art oratoire ce qui m’a valu le titre de première Secrétaire de conférence. Au cours de la même année, le troisième prix du concours annuel de plaidoirie organisé par le Centre International de Formation des Avocats d’Afrique Francophone (CIFAF).

De juillet 2014 à août 2014, j’ai eu le privilège de participer à l’université d’été organisée conjointement par deux universités américaines et l’Université de Giessen (Allemagne).

Pour répondre au mieux aux demandes du marché devenu très compétitif, j’ai suivi une formation sanctionnée par un Master II en Droit International et Comparé de l’Environnement (DICE) à l’Université de Limoges en France.

En Décembre  2016, j’ai participé à la compétition JUSTICE MAKERS édition 2017 et je fais partie des 10 lauréats mondiaux.

Pour finir, je voudrais préciser que je nourris mon goût des échanges à travers des associations nationales et internationales. C’est le cas de l’Union des Jeunes Avocats du Togo (UJA), de la Legal and Business Women For Africa (LABFA) et de la Société Française du Droit de l’Environnement (SFDE).

De la faculté au barreau, avez-vous rencontré des difficultés ? Si oui, comment êtes-vous arrivée à les surmonter ?

Evidemment. Comme dans toutes corporations, il y a des obstacles auxquels l’on est confronté lorsqu’on s’adonne consciencieusement à son travail. Les premières difficultés de l’avocat sont liées à son quotidien.

L’avocat est celui qui console, qui rassure, qui soutient et ce faisant, il porte sur lui les souffrances des autres et donc de ses clients. Il n’a pas de vie. Il passe sa journée entre deux audiences, entre son cabinet et le Tribunal… Pire, il peut lui arriver d’être hanté dans son sommeil par des dossiers auxquels il n’a pu trouver de solution.

Mais malheureusement, « le premier ennemi de l’avocat, c’est son client » selon l’adage bien connu de tous. En clair, le client est aussi au centre des difficultés rencontrées par l’avocat dans l’exercice de sa profession.

Personnellement, certains clients au début avaient une préférence pour les hommes, ils n’avaient pas confiance en ce qu’une femme peut valablement gérer de bout en bout leurs dossiers. Mais aujourd’hui, le temps a fait son œuvre et je crois que ces préjugés n’ont plus leur raison d’être puisque je peux affirmer en toute modestie que j’ai fait mes preuves en cinq (05) années de barreau.

Me Thérèse Donu au cours de l’atelier de sensibilisation sur le thème « l’égalité et la non discrimination dans l’accès à la justice » ce samedi 30 septembre à Lomé

Vous faites partie des dix (10) lauréats mondiaux à l’édition 2017 de la compétition JusticeMakers. Pourriez-vous nous dire davantage sur cette compétition ?

Justicemakers est une compétition internationale ouverte aux avocats et aux associations de défense des droits de l’homme. Il s’agit d’un projet de International Bridge To Justice (IBJ). Cette année encore, la compétition a été lancée et je suis l’un des dix (10) lauréats proclamés.

La particularité de cette compétition réside en la présentation et la défense d’un projet réalisable sur une période de huit (08) mois. Ce projet est soumis à un jury qui après examen, décide du choix des lauréats.

Chaque lauréat a droit à une bourse qui devra exclusivement servir pour la réalisation du projet défendu.

Je précise que c’est la première fois que la compétition a été élargie aux pays d’Afrique francophone et cette initiative doit être saluée.

Mieux encore, vous êtes l’une des cinq (5) femmes lauréates et vous représentez le Togo. Quelles furent vos motivations pour la participation à cette compétition ?

Mes motivations sont multiformes. D’abord, dans l’exercice de ma profession, il m’arrive de rencontrer des cas comme ceux des personnes que nous pouvons nommer les minorités vulnérables. Ces minorités qui sont en grande majorité constituées des femmes, des enfants, des professionnelles de sexe, des LGBT (lesbiennes, gay, bisexuels et transsexuelle) entre autres, n’ont pas un accès facile à la justice. Leur crainte a trait au manque de moyens financiers et aux barrières culturelles entre autres.

Ensuite, mon souhait a toujours été de soutenir cette catégorie de personnes et je l’ai toujours fait dans la mesure de mes capacités. Ainsi, j’ai trouvé en JusticeMakers un canal par lequel mon projet pourrait être soumis à des experts internationaux. Le seul fait pour moi d’être retenue pour cette compétition est plus qu’une victoire. C’est l’accomplissement d’un vœu, c’est une attente comblée.

Enfin, c’est toujours une fierté de porter haut le flambeau de son pays et c’est ce que j’ai souvent tenté de démontrer à travers les différentes compétitions auxquelles j’ai pu prendre part.

En quoi consiste l’International Bridges to Justice ?

International Bridges to Justice (IBJ) est une communauté qui s’engage dans la protection et la défense  des droits fondamentaux des citoyens ordinaires dans les pays en développement.

C’est justement dans la réalisation des visions de IBJ qui consistent fondamentalement à garantir à tous les citoyens le droit à une représentation juridique compétente, le droit d’être protégé contre des peines cruelles ou inhabituelles, et le droit à un procès équitable, que la compétition JusticeMakers est lancée chaque année.

En constituant une communauté de défenseurs des droits humains, IBJ réussit à fournir une aide juridique aux citoyens, à construire des communautés de conscience prêtes à soutenir les organisations d’aide juridique et à soutenir l’amélioration du système judiciaire dans les pays où les droits d’accès à la justice sont encore violés.

Me Thérèse Donu

Pourriez-vous nous en dire plus sur votre projet IBJJUSTICEMAKERS ?

J’ai porté auprès de JusticeMakers, le projet qui me tient le plus à cœur, garantir le droit d’accès à tous : d’où l’intitulé de mon projet ‘JUSTICE POUR TOUS’.

JUSTICE POUR TOUS est un projet qui vise à garantir aux minorités vulnérables, leur droit d’accès à la justice comme dit plus précédemment.

Ce projet est mis en œuvre à travers des campagnes de sensibilisation et des ateliers de formation. Ceci me semble nécessaire dans la mesure où lors des enquêtes menées par mon équipe, il nous a été donné de constater qu’aujourd’hui encore, des femmes, des enfants et des catégories de personnes clés sont victimes d’un certain nombre d’abus mais ignorent leur droit d’accès à la justice. Pire, d’autres subissent des abus sans toutefois en avoir conscience mais en évoquant des questions culturelles ou celles liées à la tradition.

Une fois que la population sera imprégnée de ses droits, nous recueillerons quelques cas d’abus qui seront portés à notre connaissance et verrons dans quelle mesure orienter les intéressés.

Quelle sera sa contribution pour pallier le problème lié à l’égalité d’accès à la justice ?

Ce projet permet dans un premier temps, de sensibiliser la population sur leur droit d’accès à la justice. Celui qui ignore son droit ne peut pas prétendre se défendre. C’est la raison pour laquelle nous avons animé des émissions radio et avons organisé le 30 septembre 2017, un atelier de sensibilisation sur le thème « l’égalité et la non discrimination dans l’accès à la justice ».

A la suite de cet atelier, il sera organisé une table ronde avec les responsables des associations de défense des droits des minorités telles que décrites ci-dessus et lors de cette rencontre, nous recenserons les cas d’abus en tentant d’y apporter des solutions dans la mesure de nos moyens.

Votre mot de la fin

Je voudrais clore mes propos en rappelant à tous que le droit d’accès à la justice est un droit inhérent à la personne humaine et il est reconnu par tous les textes en vigueur en matière de protection des droits de l’homme. J’invite donc toute personne victime d’abus sous quelque forme que ce soit, à saisir les autorités pour se faire entendre. Que l’on soit victime ou auteur d’un fait répréhensible, l’égalité d’accès à la justice s’applique à tous sans exception. Tel est le combat que je mène actuellement avec mon équipe et j’espère qu’à la fin de ce projet qui ne durera que huit (08) mois, nous aurons le soutien nécessaire pour achever cette lutte que nous avons commencée.

Je vous remercie.