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Erik Schaix, le couturier des Premières Dames d’Afrique

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Dans sa parution de cette semaine, Jeune Afrique consacre un article au couturier et joaillier français Erik Schaix établi à quelques pas de la place de la Concorde et compte parmi sa clientèle plusieurs épouses de chefs d’État africains.

Savoir-faire français et tradition africaine

À coup sûr, Erik Schaix n’a jamais entendu parler d’un Chris Seydou ni même d’un Pathé’O. Il argue qu’au moment où la Fédération africaine de la mode organisait des défilés parisiens, à l’orée des années 1990, il était occupé à confectionner pas moins de six collections par an. Et pourtant, ce couturier-joaillier de 60 ans, natif de Paris et d’origine grecque, clame qu’il est un précurseur en matière de mode africaine.

Sa signature : marier savoir-faire français et tradition africaine. Et ce, en utilisant wax, bazin, java, kita… Au commencement de son aventure avec l’Afrique, il y a Patience Dabany, à l’époque où elle est encore l’épouse d’Omar Bongo. Peu avant de s’installer à son compte, rue Saint-Florentin, cet autodidacte travaille notamment comme couturier chez Harry Algo.

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« Quand j’ai quitté ce dernier pour lancer ma propre affaire, j’ai repris contact avec les Bongo. Patience n’était plus première dame. J’ai rencontré Édith, qui a adoré ce que je faisais. Dès lors, je me suis occupé de ses tenues officielles », se souvient Erik Schaix, qui, alors qu’il livre son récit, sur fond de swing, au rez-de-chaussée de son atelier-boutique lumineux et cossu, est entouré de son attachée de presse et sa responsable de la communication. C’est bien la première fois qu’il parle de sa clientèle de premières dames africaines.

Sa complicité avec Édith Bongo

Pourquoi aujourd’hui ? Il serait sans doute temps de reconnaître sa « contribution à la mode africaine », peut-être… Mais à voir les pièces qu’il propose, notamment des robes en wax, force est de constater que ladite contribution n’a rien de bien extraordinaire : le télescopage entre textiles africains et occidentaux se voyait déjà chez un Chris Seydou ou chez un Alphadi dans les années 1980. « J’apprécie énormément la création africaine actuelle, dit pourtant Schaix. Les designers cherchent leur propre style, ils sont pleins d’idées. Mais ils oublient que je suis passé avant eux. » Rien que ça…

Il faut, toutefois, lui reconnaître que peu de couturiers de la place parisienne peuvent se targuer d’avoir vécu une relation des plus intimes avec feu Édith Bongo. « Nous nous appréciions énormément et étions très complices. Un jour, elle est arrivée en catastrophe à ma boutique. Elle avait besoin d’une jupe pour un mariage coutumier qui se tenait à Paris. Elle m’a remis du tissu en wax et je me suis exécuté. Quand elle a vu la jupe, elle a décidé que c’était moi qui travaillerais dorénavant sur ses tissus. Elle m’a dit que, jusque-là, elle s’habillait toujours « à l’européenne » parce qu’elle trouvait qu’il n’y avait pas beaucoup de créativité chez les stylistes africains. C’était il y a plus de vingt-cinq ans. »

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Dès lors, le couturier parisien devient le tailleur attitré de Mme Bongo, avec qui il dit avoir passé, dans sa boutique, des soirées à refaire le monde de 19 h 30 à 1 heure du matin. « C’est Édith qui m’a fait découvrir l’Afrique. Aujourd’hui, je suis incollable sur l’histoire des tissus et des motifs. » Au bout d’un an et demi, ce ne sont pas moins d’une dizaine de femmes de chefs d’État qui défilent dans sa boutique grâce à celle qu’il appelle « Édith » – quand les autres restent « mesdames ». « De Mme Obiang à Mme Mugabe, elles voulaient toutes ressembler à Édith. Si cette dernière n’est plus là aujourd’hui, je continue à travailler avec le tissu wax, notamment pour Mme Sassou Nguesso. Pratiquement tout ce que porte cette dame vient de chez moi. »

Mugabe, Patassé, Biya

Grace Mugabe ? « Je trouvais qu’elle portait vraiment de petites choses. C’était une cliente que je tenais à distance, tout se passait par e-mail. Ça a duré cinq ou six ans à partir des années 1990. » Chantal Biya ? Une femme qui aime le rouge et pour qui il a juste confectionné deux pièces. Angèle Patassé ? « C’était la joie de vivre et un bonheur de femme. En règle générale, je n’ai jamais accepté les invitations de mes clients, mais quand il m’arrivait de lui livrer des tenues à l’aéroport, elle m’invitait à prendre un verre avec le président Patassé. » Constancia Mangue de Obiang ? « Ce n’est pas quelqu’un qui s’habille. C’est quelqu’un qui construit, qui s’occupe de ses fermes, de ses bâtiments, et qui se fiche éperdument de ce qu’elle porte. Elle n’est pas très élégante. »

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Quand il évoque Antoinette Sassou Nguesso, qu’il a connue grâce à « Édith » – qui n’était autre que la fille de son époux, Denis Sassou Nguesso –, Erik Schaix chuchote presque. « Si j’ai créé 3 500 tenues pour Édith, en ce qui concerne Mme Sassou Nguesso, on peut parler de quatre ou cinq tenues par an. » C’est qu’Antoinette Sassou Nguesso, discrète, n’est pas une grande dépensière, affirme-t-il. « C’est une grande amie, quelqu’un que j’adore et que je respecte parce qu’elle respecte les autres. » Au sous-sol de son atelier- boutique, on trouve un salon privé où trônent des photos d’« Édith » et de « Mme Sassou ». Parlait-il politique avec toutes ces femmes ? « On ne fait pas de politique chez moi, lance-t-il. Bien sûr que je sais ce qu’il se passe dans les familles. Je suis un peu l’homme de l’ombre. »

Pour toute anecdote, celui qui habille aussi les princesses de la famille du roi Abdelaziz d’Arabie saoudite ou Farah Diba, veuve du chah d’Iran et « grande amie », raconte qu’Omar Bongo, un brin jaloux de sa proximité avec « Édith », le surveillait quand il se rendait à Libreville ou à Franceville. Et dernièrement, il affirme avoir pris un verre avec Denis Sassou Nguesso. « Je m’occupe de sa femme et j’ai habillé sa fille pendant plus de vingt-cinq ans. On a énormément de choses à se dire… »

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Combien ça coûte ?

C’est à Cannes qu’Erik Schaix a appris la couture et a lancé sa toute première affaire, avant de mettre le cap sur Paris. Il y travaille pour le compte de plusieurs maisons avant de s’établir rue Saint-Florentin, à l’âge de 26 ans. Aujourd’hui, la maison Erik Schaix, qui existe depuis trente-trois ans, emploie quinze personnes et propose deux collections par an ainsi que du sur-mesure pour sa clientèle privée. Budget pour une collection : 50 000 euros.

Il faut compter au moins 950 euros pour une robe sur mesure et 750 euros pour un modèle en pagne. « La plus grosse pièce que j’aie vendue à une première dame est une robe du soir en pagne perlé que j’ai fait broder en Inde. » Qui est l’intéressée ? On ne le saura pas. Chiffre d’affaires annuel : 1,5 million d’euros.