D’UN MAL PERNICIEUX A UNE PATHOLOGIE SOCIALE
Dossier réalisé par Ouro-Adoï Farrida
Ce vendredi 8 mars, l’humanité célèbre la journée internationale de la Femme. Cette journée a été instaurée en 1909 par le comité national des femmes du parti socialiste américain pour lutter en faveur du suffrage féminin.
En effet, la constitution togolaise en son article 11 reconnait légalité entre l’homme et la femme devant la loi, en dignité et en droit. Mais de nombreuses pesanteurs économiques, sociales et culturelles empêchent la femme d’évoluer au même titre que l’homme et de jouir pleinement de ses droits. Au nombre de ses embûches, le harcèlement sexuel, un phénomène largement répandu mais banalisé à tel enseigne que ni les autorités dirigeantes, ni les institutions et organisations féministes ou même les victimes n’osent en parler.
La manifestation nous permet de lever le voile sur ce phénomène en vue d’interpeler les décideurs à œuvrer pour l’élimination de ce qui tend à devenir une gangrène. Le harcèlement est l’ensemble des pratiques physiques ou psychologiques répétées à l’encontre d’une personne ou d’un groupe de personnes. Le harcèlement sexuel désigne les situations dans lesquelles une ou plusieurs personnes sont soumises, de manière répétée, à des propos ou pratiques ayant une connotation sexuelle et susceptibles de porter atteinte à leur dignité. C’est donc un abus d’autorité pour avoir des faveurs sexuels.
PRATIQUES ET CONSEQUENCES
Au Togo, le phénomène est bien connu mais il est difficile de connaître son ampleur faute d’étude ou d’enquête sociologique. Néanmoins, selon le rapport de l’Organisation Mondiale Contre la Torture (OMCT) sur la violence à l’égard des femmes au Togo, 37% des Togolaises affirment avoir été harcelées au moins une fois.
Ce phénomène est présent dans tous les milieux, certains constituant pour lui un terreau plus fertile que d’autres. Les manifestations du harcèlement sexuel sont multiples et varient selon les différents secteurs d’activités. Dans les établissements scolaires et centres d’apprentissage, le harcèlement est essentiellement exercé par les enseignants et les patrons sur leurs élèves et dans une moindre mesure par leurs collègues apprenants.
Le refus de celles-ci peut créer des relations de pression et de tension débouchant parfois sur l’abandon des cours ou de l’apprentissage. A titre d’exemple, un enseignant qui a voulu laver l’affront que lui a fait une de ces élèves lui a donné une moyenne trimestrielle de 2 sur 20 alors que celle-ci sur la base des deux devoirs effectués devait avoir 8. En réponse à sa réclamation, l’enseignant lui fait savoir qu’il note des élèves à la maison. La situation n’a été régularisée que grâce à l’intervention du censeur de l’établissement.
Une autre conséquence du harcèlement est la déperdition scolaire à l’actif des filles dans le secondaire et ceci à partir de la classe de 4e. A en croire l’association Conseil consultatif des femmes du Togo, le Togo a le plus faible taux de scolarisation des filles dans la sous-région. Au cours de l’année scolaire 2010-2011, ce taux était de 23,63%. Dans une classe de terminale de cette année scolaire, on compte 7 filles sur 58 élèves. Cette situation est pratiquement la même dans tout le pays et catastrophique dans les séries scientifiques où le nombre des filles est minime.
Dans les centres d’apprentissage, l’atmosphère invivable oblige souvent les apprenties à quitter leur patron.
Dans les villages, certaines filles affirment qu’elles se marient précocement pour éviter « d’être envoutées ». En effet dans ces milieux, les filles qui résistent ou rejettent les avances peuvent être victimes de pratiques occultes pour les obliger à revenir sur leur décision.
Sur les lieux de travail aussi bien dans les services publics que privés, le harcèlement se pratique sous plusieurs formes. Certains chefs utilisent divers stratagèmes pour retenir celle sur qui ils ont jeté leur dévolue : les acculer de travail ou leur tenir des propos discourtois. D’autres procèdent par des visites ou des appels intempestifs. Et ces dernières pratiques ne sont pas l’apanage des seuls chefs. D’autres encore animent des conversations impudiques pour influencer la personne ciblée. Il peut en résulter des attitudes mesquines, des relations heurtées et à terme le dysfonctionnement du service. Dans nombre de cas, la quiétude ne revient qu’après le départ de l’un ou des deux acteurs à l’origine du malaise.
Les victimes du harcèlement sexuel sont assujetties à plusieurs conséquences qui vont de la perte de l’estime de soi à la dépression en passant par les troubles de l’appétit, l’alcoolisme, le tabagisme, la fatigue et l’anxiété.
Au Togo, l’article 40 du code du travail stipule qu’ « Aucun salarié ne peut être sanctionné, ni licencié pour avoir subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement d’un employeur, de son représentant ou de toute autre personne qui, abusant de l’autorité que lui confèrent ses fonctions a donné des ordres, proféré des menaces, imposé des contraintes ou exercé des pressions de toute nature sur ce salarié dans le but d’obtenir des faveurs de nature sexuelle à son profit ou au profit d’un tiers. » L’article 42 du même code stipule : « Le chef d’entreprise a obligation de prendre toutes les dispositions nécessaires en vue de prévenir les actes visés aux articles 39 et 40 précités ». Toute personne qui commet ses actes court des sanctions pénales et est contraint à payer des dommages et intérêts.
Il s’avère donc nécessaire à toute personne victime de ces pratiques de les dénoncer afin de décourager les auteurs de ce fléau puni par la loi.
Source : Atop Togo