Du haut de ses 24 ans, il vient de gagner ses premiers millions. Pas quatre, ni six, comme les 3e et 2e lauréats de l’édition 2016 du challenge ‘Startupper de l’année par TOTAL’, mais 9,5 millions de francs Cfa.
Le choix fait par le jury a rencontré l’unanimité du public, qui a assisté à la présentation ‘très pratique’ de la startup MOBILELABO, à croire le tonnerre d’applaudissements à l’issue du pitch.
‘Sa méthode a encore marché’, diraient ceux qui le connaissent de par le passé. Une méthode qui trouve son origine dans l’une de ses assertions préférées : « On ne peut enseigner la science qu’en la faisant faire. »
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Naissance d’une passion pour l’expérience scientifique
Né le 27 juillet 1991 dans le village de Batoumé (préfecture de l’Avé) à 18 kilomètres d’Assahoun, le jeune Dodzi effectua la majeure partie de son cycle secondaire dans la localité avec brio, où il était déjà épris des matières scientifiques, et majeur de ses promos.
Porté sur la pratique bien que les écoles qu’il fréquentait au secondaire ne disposassent pas de laboratoires (CEG Batoume, classes de 2nd et 1ère au Lycée de Kévé -préfecture de l’Avé-, et la classe de Terminale C4 au Lycée de Kpodzi à Kpalimé), il organisait à ses heures libres, des manipulations à partir des formules et des théorèmes qu’il baptisait de son nom.
Un parcours aux antipodes de celui des jeunes de sa génération mordus de football avec la démocratisation des petits écrans dans la localité et les deux mondiales de 2002 et 2006 avec respectivement en vedette Ronaldo et Adébayor.
C’est naturellement qu’arrivé à l’Université de Lomé, il choisit le parcours Sciences et Technologies à la Faculté des Sciences, mention Sciences de la matière, et comme spécialité, la Physique. Il décrocha une Licence en 2013 et poursuit un parcours Master dans la même spécialité.
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L’histoire MOBILELABO
Dans l’entendement profane, un étudiant qui opte pour cette filière, se destine a priori à l’enseignement.
Lui, à l’issue de son parcours Licence, ne se fit pas prier avant de lancer le Centre de Développement Amenuveve (la grâce en langue éwé) de Batoumé pour promouvoir les sciences auprès des jeunes de la localité. Un centre qui, à part les initier à l’informatique et à la lecture, dispose d’une coopérative pour les initier à des activités génératrices de revenus, dans le but de lutter contre l’exode rural.
En fin 2013, parallèlement à ses activités, il se lança dans l’enseignement des sciences physiques et mathématiques au niveau secondaire, où il aura le déclic du MOBILELABO.
« Ce déclic est né suite à ma participation aux corrections des examens secondaires en 2014. En effet, sur plus de 240 copies corrigées en Sciences Physiques, seules 33, soient 14 % eurent la moyenne. Frustré, je m’approchai des collègues et de l’inspecteur, qui m’ont fait savoir qu’à mon niveau, c’était mieux, car avec eux, le nombre de moyennes oscillait entre 5 et 10 %. Ce constat m’a beaucoup affecté et fut le point de départ d’une recherche pédagogique. »
Dans ses réflexions et recherches sur le problème, Dodzi s’est vu renforcer son avis sur l’assertion, « On ne peut enseigner la science qu’en la faisant faire » qui préface d’ailleurs la plupart des documents scientifiques qu’il possède.
« Au départ, j’ai voulu juste créer un laboratoire pour mes élèves et moi-même, mais mes engagements sociaux m’ont amené à rendre le concept ‘mobile’ afin de toucher le maximum d’élèves et créer aussi de l’emploi. »
Comme il l’explique, « MOBILELABO est un laboratoire scientifique mobile qui propose des matériels de laboratoire et des Travaux Pratiques (TP) aux écoles, afin qu’elles assurent outre l’éducation théorique, celle scientifique et expérimentale aux élèves. »
Afin de rendre le concept viable, le « modèle économique consiste à confectionner et à vendre des kits didactiques scientifiques ; à aller dans des écoles et y organiser des TP ; et aussi fournir des résultats des recherches scientifiques aux entreprises », ajoute-t-il.
MOBILELABO comprend pour l’heure, huit unités entre autres la chimie ; la physique ; la géologie ; la biologie et la physiologie animale ; le génie civil, électrique et mécanique ; l’informatique et les mathématiques ; et la médecine.
Le challenge Startupper de l’année par TOTAL
L’annonce du challenge, il l’a su à la radio. S’ensuivit la lecture des journaux pour avoir les détails et ensuite le site web pour se renseigner et s’inscrire avec l’Association des étudiants, enseignants, professeurs et chercheurs scientifiques, ‘Les ARCHIMEDES’, créée en 2015. Association qu’il préside et qui porte le projet MOBILELABO.
« Ce n’était pas facile vu que nous sommes des scientifiques et que nous n’avions pas assez de notions d’entrepreneuriat pour rédiger un bon plan d’affaire, et faire une bonne présentation en termes d’art oratoire. Il a fallu vite lire, s’adapter et comprendre les codes du domaine entrepreneurial pour être réellement dans la course », explique-t-il.
« Le jour de la dernière épreuve, j’ai prié en ces termes : ‘Seigneur, je ne suis qu’un homme ; et je crois que c’est toi qui m’as donné cette vision pour laquelle nous nous battons déjà depuis quelques mois. Si tu le désires, accordes-nous (LES ARCHIMÈDES, et moi) cette opportunité pour apporter plus de joie à travers une éducation de qualité à tous tes enfants’. Je lui rends grâce parce qu’il nous a exaucés ! »
Avec le chèque de 9,5 millions de frs Cfa et la promotion dont ils sont l’objet, « nous pensons à court terme acquérir de nouveaux clients tels que des écoles, les ministères en charge de l’éducation, et autres partenaires de l’éducation au Togo, et nous lancer dans la production. »
« A moyen et long termes, poursuit-il, nous envisageons nous transformer en une entreprise et augmenter le chiffre d’affaires afin de conquérir le marché régional, avoir une certification ISO pour nos produits et prestations ; et pourquoi pas devenir la NASA ou le CNRS de la sous-région ? (sourire) ».
« En confidence, MOBILELABO en collaboration avec Les ARCHIMEDES mettront en place dans les prochains jours, la formule des 3T (né Total, on grandit Total, pour devenir Total) pour remercier TOTAL ; et aussi mettre à disposition de l’État, les fruits de nos travaux sur les carburants illicites avec le ‘Bourémètre’, un appareil pour détecter les carburants illicites qui équiperait les forces de l’ordre dans cette lutte. »
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Le message de la fin
« Nous voudrions rassurer le holding français, TOTAL, ainsi que les mentors qui nous accompagnent qu’ils ont fait le bon choix. Nous ne les décevrons pas, et nous travaillerons pour être un modèle d’entrepreneur et une source d’inspiration pour nos concitoyens.
Aux jeunes sans distinction, je voudrais finir sur cette pensée d’Albert Einstein : ‘Le monde ne sera pas détruit par ceux qui font le mal, mais plutôt par ceux qui le regarde sans rien faire.’
Nous devons donc garder espoir et nous mettre sérieusement au travail, car l’avenir nous sera radieux !
Je vous remercie. »