Ingénieur agronome de formation et diplômé de la prestigieuse Université de Laval (Canada), le jeune entrepreneur ivoirien Aboubacar Karim, âgé de 22 ans, fait partie des rares jeunes africains à implémenter les nouvelles technologies à l’agriculture. Et la recette marche. Moins de 12 mois après le lancement de sa start-up technologique Investiv, dont il est co-fondateur, le bébé a déjà à son actif plus de 50.000 dollars US de reconnaissances et de prix qui font pâlir plus d’un : boursier du programme de la fondation Tony Elumelu, lauréat du Grand Prix 2017 de la CGECI Academy (Confédération Générale des Entreprises de Côte d’Ivoire), le patronat ivoirien, etc.
Croisé à Nairobi, dans les couloirs du Senteu Plaza, building de six étages abritant l’Ihub, ce mercredi 7 mars au cours du Forum Stars in Africa organisé par le patronat français le Medef (Mouvement des entreprises de France), Karim a partagé avec nous sa jeune expérience dans le domaine, lui qui a délaissé le Canada pour rentrer au pays pour vendre du poulet et des vêtements jeans pour réunir des fonds afin de lancer son entreprise.
Aboubacar Karim promeut une agriculture hyper-connectée en Afrique
Demandez-lui, que veut-il apporter à l’Afrique ? Il vous répondra sans hésiter et sûr de lui-même : ‘Bâtir le futur de l’agriculture africaine en mettant l’agriculture de précision à disposition des petits et moyens producteurs’.
Et tous les moyens sont bons pour ce faire, même ceux qui étaient impensables jusqu’à ce qu’il ne le fasse : utiliser des drones dans l’agriculture en Afrique.
‘Aujourd’hui, notre start-up dispose de drones qui ont la possibilité, en un vol, de détecter sur les parcelles, les zones les moins fertiles, les moins hydratées ou même de faire le diagnostic des maladies phytosanitaires qui sévissent… Cette technologie permet à l’agriculteur d’être plus efficace dans sa manière de gérer ses ressources et intrants et d’optimiser son travail’.
Elle permet également à l’agriculteur de connaître les limites exactes de sa parcelle, afin d’éviter aussi les différends terriens entres producteurs, et même de faire la simulation prévisionnelle des récoltes, poursuit-il.
‘La dernière innovation de notre start-up est la possibilité donnée à des exploitants agricoles qui résident à l’étranger de garder un œil et de faire un suivi de leur exploitation. Et ce, grâce à une plateforme que nous avons développé en ligne où il y a des rapports de visite agronomique. Et même la possibilité d’effectuer une visite de son champ avec des images en 3D grâce à des casques de réalité virtuelles’.
L’Agro-business de A à Z
Même si le modèle économique de sa start-up semble être basé sur l’utilisation de drones et des technologies, fort de ses atouts d’ingénieur agricole, Karim s’est également positionné sur la chaîne de l’agro-business : de la production à la commercialisation.
‘Pour diversifier le modèle, nous livrons des intrants agricoles après évaluation de leur qualité aux producteurs que nous suivons, explique-t-il. Et ce n’est pas tout, nous avons également développé une marque pour permettre d’écouler la production de ces plantations et leur permettre d’optimiser les revenus’.
‘Finalement, nous nous retrouvons dans un modèle circulaire où nous aidons le producteur depuis la production jusqu’à la commercialisation’, conclut-il.
Aboubacar Karim, un jeune qui sait surmonter ses difficultés entrepreneuriales
Les difficultés n’épargnent aucun entrepreneur. Et Aboubacar Karim n’a pas fait exception. Mais celui-ci a su les surmonter pour construire son entreprise. Des expériences qu’il n’hésite pas de partager comme ‘ses leçons entrepreneuriales’ avec ses congénères.
Les défis rencontrés au lancement de l’entreprise ont été de divers ordres, nous dit-il. Au niveau du financement, nous avons pu palier cette situation en vendant des produits où l’investissement n’était pas élevé pour pouvoir engranger des fonds pour ensuite l’investir dans le projet entrepreneurial. ‘J’ai par exemple vendu des vêtements jeans, des poulets, et fait de petits métiers pour avoir des bénéfices et ensuite l’injecter dans le projet’.
Le second défi a été celui de la nouvelle technologie. ‘Sous nos cieux, les gens ne sont pas toujours réactifs aux nouvelles technologies et pour cela, nous avons dû faire beaucoup de promotion de notre entreprise pour montrer que les drones peuvent être utilisés en agriculture, ce que beaucoup ne croyaient pas’.
‘Notre jeune âge a failli nous coûter à nos débuts puisque des gens pensaient qu’on manquait d’expérience. Ce que nous avions pallié par le travail bien fait et les bons résultats pour les clients qui nous ont fait confiance au début’.
Éviter l’incantation, élargir son réseau, se former : ses crédos
Malgré le début promoteur, Karim garde la tête sur les épaules. Pour lui, d’autres jeunes peuvent autant faire comme lui s’ils ont une grande vision. ‘Il faut penser le futur et éviter de se limiter’, défend-il.
‘Il est important de ne pas se limiter à la seule incantation « Je vais faire, je veux faire ». Il faut réellement démarrer. Il faut commencer, car c’est ce qui vous permettra de connaître les réalités du domaine dans lequel vous voulez évoluer. Même si c’est difficile, il faut persévérer’.
Le jeune entrepreneur reconnaît également l’importance du réseau. ‘Il faut élargir son réseau, car c’est un atout qui vous permet d’avoir des conseils de devanciers, du financement, etc.’.
‘Au-delà de tout, il faut se mettre dans une logique de formation et avoir les bases de la gestion d’une entreprise en l’occurrence, la comptabilité, la gestion des ressources humaines, le management. Car, un entrepreneur n’est pas forcément un manager. Mais pour monter l’entreprise et la faire grandir, il faut allier les styles entrepreneur & manager’.