Numidia Lezoul (6 millions d’abonnés), Ines Abdelli (4,7 millions d’abonnés), Boudjemline Farouk, alias Rifka (4,2 millions d’abonnés), et Mohamed Aberkane, connu sous le pseudonyme de Stanley (1,7 million d’abonnés), n’avaient sans doute jamais imaginé en devenant d’importants influenceurs du web qu’ils feraient un jour l’objet d’une enquête pour escroquerie.
En 2021, les intéressés, tous comédiens et créateurs de contenu digital, ont mis à profit leur audience sur Instagram pour promouvoir une agence… qui s’est avérée fictive. Parmi les prestations présentées par ladite agence, nommée Future Gate : l’accompagnement d’étudiants algériens désireux de s’inscrire dans des Universités étrangères, en particulier en Russie, en Turquie ou en Ukraine.
Future Gate, propose de jouer les intermédiaires entre les étudiants et les services de visa, d’une part, et les universités et foyers d’accueil, d’autre part. Avec ses visuels séduisants et bien travaillés, et le concours de stars d’Instagram, de nombreux étudiants algériens s’y sont laissé prendre.
« Faux et usage de faux »
Mais voilà qu’en décembre 2021, 75 étudiants portent plainte contre l’agence. Ils déplorent l’absence de prise en charge une fois arrivés à destination et des inscriptions fictives à l’université, alors qu’ils se sont acquittés de la facture présentée par Future Gate.
La Sûreté nationale ouvre une enquête, en coordination avec les autorités judiciaires. Les quatre influenceurs sont aussitôt accusés d’être complices d’une vaste entreprise d’escroquerie, et de s’être prêtés à une publicité mensongère.
À la mi-janvier, le juge d’instruction place Numidia Lezoul, Rifka et Stanley, ainsi que leurs managers, sous mandat de dépôt. Le propriétaire de l’agence fictive, Oussama Rezagui, a lui aussi été incarcéré. Ines Abdelli, mineure, a été placée sous contrôle judiciaire. Le 2 février 2022, les influenceurs voient leur demande de remise en liberté rejetée et sont inculpés pour, entre autres, « faux et usage de faux » et blanchiment d’argent. Dans un aveu filmé et diffusé à la télévision algérienne, Oussama Rezagui déclare avoir versé aux influenceurs des sommes colossales en dinars et en devises en contrepartie de leur publicité. Et dénonce un chantage de la part des comédiens.
« La première fois, on a remis 1,10 million dinars au manager de Rifka. Une autre fois, on lui a donné 4 millions, puis 1,2 million. Sans oublier les billets d’avion ». « Stanley a empoché de son côté 350 000 dinars, puis 700 000 en espèces, et a bénéficié de différentes prises en charge. »
« Numidia Lezoul a reçu 350 000 dinars au titre de première tranche pour une petite vidéo. Son manager est revenu quelques jours plus tard pour me réclamer 1,1 million. Quant à Ines Abdelli, je lui ai donné 370 000 dinars, par tranches. »
Les influenceurs sont en outre accusés de traite d’êtres humains via un groupe criminel organisé et transnational.