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Allemagne : Alexeï Navalny rentre en Russie sous menaces d’arrestation

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L’opposant russe Alexeï Navalny est en route vers Moscou dimanche 17 janvier après plusieurs mois de convalescence en Allemagne où il se remettait d’un empoisonnement présumé, un retour en dépit des menaces d’arrestation quasi-immédiate brandies par la justice russe. 

“Vais-je être arrêté ? c‘est impossible, je suis innocent”, a-t-il clamé devant les journalistes à bord de l’avion qui a décollé vers 14 H 15 GMT de l’aéroport de Berlin.

Depuis que le pire ennemi de Vladimir Poutine a annoncé ce mercredi dernier son intention de rentrer, les services pénitentiaires russes (FSIN) l’ont mis en garde et assuré qu’ils seraient “obligés” de l’arrêter pour avoir violé les conditions d’une peine de prison avec sursis reçue en 2014. 

À l’aéroport Vnoukovo de Moscou, où l’opposant est attendu à 19 h 20 (16 h 20 GMT), la police antiémeute était présente en force et un groupe de quelque 200 partisans étaient massés devant les barrières installées pour barrer l’accès à la salle des arrivées, selon des journalistes de l’AFP.

Selon des soutiens d’Alexeï Navalny, plusieurs de ses alliés, dont sa directrice de campagne, ont déjà été arrêtés à l’aéroport.

Enquête sur l’empoisonnement 

Le chef de file de l’opposition russe était subitement tombé dans le coma en août, alors qu’il revenait d’un voyage en Sibérie. D’abord hospitalisé à Omsk, une grande ville de la région, il avait finalement été évacué vers un hôpital berlinois sous la pression de ses proches.

Trois laboratoires européens ont depuis conclu que l’opposant avait été empoisonné par un agent innervant de type Novitchok, développé à l’époque soviétique, conclusion confirmée par l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) malgré les dénégations de Moscou. 

L’opposant accuse les services spéciaux russes (FSB) d’avoir tenté de l’assassiner sur l’ordre direct de Vladimir Poutine. 

Au gré des versions, les autorités russes ont mis en cause les services secrets occidentaux, ou l’hygiène de vie d’Alexeï Navalny. Jusqu’à présent, Moscou a refusé d’ouvrir une enquête pour découvrir ce qui est arrivé à l’opposant, arguant notamment du refus de l’Allemagne de transmettre ses données à la Russie.  

Samedi, Berlin a toutefois annoncé avoir transmis à Moscou des éléments de son enquête judiciaire, notamment “des procès-verbaux” d’interrogatoires d’Alexeï Navalny et “des échantillons de sang et de tissus, ainsi que des morceaux de vêtements”, disant s’attendre à ce que Moscou commence désormais à “faire la lumière sur ce crime”. 

Enquête pour fraude 

Selon le FSINAlexeï Navalny, quand il était en Allemagne, n’a pas respecté les conditions d’une peine de prison avec sursis reçue en 2014, qui l’obligeait à se pointer au moins deux fois par mois à l’administration pénitentiaire. 

L’opposant est aussi visé depuis fin décembre par une nouvelle enquête pour fraudes, soupçonné d’avoir dépensé pour son usage personnel 356 millions de roubles (3,9 millions d’euros) de dons. 

Plus de 2 000 personnes ont tout de même annoncé sur Facebook avoir l’intention de venir accueillir l’opposant, mais la justice a mis en garde contre la participation à tout “événement public” organisé à l’aéroport Vnoukovo, non autorisé. 

L’aéroport a lui déclaré qu’il n’autoriserait pas les médias à travailler dans le terminal, à cause de la pandémie de coronavirus. 

“La confrontation avec Navalny dure depuis trop longtemps” 

S’il est largement ignoré des médias nationaux, non représenté au Parlement et inéligible, Alexeï Navalny reste la principale voix de l’opposition en partie grâce à sa chaîne YouTube aux 4,8 millions d’abonnés et son organisation, le Fonds de lutte contre la corruption (FBK), dénonçant la corruption des élites. 

Malgré les perquisitions, les pressions et les condamnations à de courtes détentions visant régulièrement Alexeï Navalny ou ses alliés, il a réussi à organiser plusieurs manifestations très suivies ces dernières années, et à provoquer plusieurs revers embarrassants pour le pouvoir lors de scrutins locaux. 

Sa notoriété reste toutefois limitée en dehors des grandes agglomérations, un sondage du centre indépendant Levada en septembre révélant ainsi que seulement 20 % des Russes approuvaient ses actions. 

Pour les experts, le retour annoncé d’Alexeï Navalny est une épine dans le pied du Kremlin : le laisser libre serait une démonstration de faiblesse, l’emprisonner risquerait de provoquer un nouveau scandale. 

Mais “le Kremlin est fatigué de ce jeu” et pourrait choisir la manière forte, estime la politologue Tatiana Stanovaïa : “La confrontation avec Navalny dure depuis trop longtemps”. 

Avec France24