Dans un entretien accordé au journal français Le Monde et publié le 24 octobre 2019, le président guinéen, Alpha Condé, vante son bilan à une année de la fin de son deuxième mandat et alors que des milliers de ses compatriotes marchent contre une modification constitutionnelle jugée suspecte tant par son timing que ses objectifs.
« Quand je suis arrivé au pouvoir, j’ai dit que j’avais trouvé un pays, pas un Etat », lance celui qui appelait, il y a deux ans, en pleine conférence internationale sur l’émergence à Abidjan, à couper le cordon ombilical avec Paris.
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« Il n’y avait pas d’institutions, pas de police, pas d’armée. La priorité était de résoudre les problèmes macroéconomiques. La banque centrale n’avait pas un mois de réserve, l’inflation était à 21 %, on n’avait terminé aucun programme avec la Banque mondiale qui nous appelait “le panier percé” ».
Et le professeur d’invoquer le cas de force de majeure venu couper l’élan d’un pays en renaissance. «L’épidémie de virus Ebola [2015-2016] est ensuite venue fatiguer notre économie. Mais malgré tout on a atteint, juste après, une croissance à deux chiffres qui n’est pas descendue, depuis, en dessous de 6 % ».
Le président Alpha Condé qui n’a pas peur de la contradiction est formel. « Aujourd’hui, on transforme de plus en plus de produits agricoles, nous exportons du ciment. Nous n’avions pas d’énergie, maintenant nous produisons des centaines de mégawatts. J’avais dit que je consacrerais mon deuxième mandat aux femmes et aux jeunes. Je continue à tenir mes engagements ».
Un respect des engagements qu’il reste à évaluer sur le terrain par des guinéens plus que jamais déterminés à barrer la route à un troisième mandat. A l’évocation de ce sujet brûlant, Alpha Condé perd contenance et s’agrippe sur la sempiternelle spécificité africaine et, par ricochet, guinéenne: « N’y a-t-il pas d’autres pays où il y a de nouvelles Constitutions ? Où les présidents peuvent faire un troisième mandat ? Pourquoi ne dit-on rien aux autres ? Est-ce que la Guinée est le seul où un président en exercice fait une nouvelle Constitution qui peut lui permettre de se représenter ? Pourquoi en fait-on un scandale pour la Guinée ? On ne peut pas faire deux poids, deux mesures. Les Guinéens n’accepteront jamais cela ».
L’on remarquera au passage que le président Alpha Condé, tout comme Dadis Camara avant lui, se conjugue au pluriel, se prenant comme «les guinéens». Usurpation d’identité ? A 81 ans révolu, le locataire du palais Sékhoutouréya le sait en tout cas mieux que quiconque, sous les tropiques, le droit d’aînesse l’emporte sur les aspirations de la jeunesse.