Président du Centre de documentation et de formation sur les droits de l’homme (CDFDH) et Coordonnateur du Bureau Afrique du Centre pour les droits Civils et Politiques (CCPR-Centre), André Kangni Afanou estime qu’il faut revoir la couleur des bâtiments scolaires au Togo.
Dans une lettre adressée à “Monsieur le Président de la République, Madame le Premier Ministre, Monsieur le Ministre de l’éducation”, qui suscite beaucoup de commentaires sur Facebook, il a entre autres souligné que le bleu et le blanc n’étaient pas appropriés. L’intégralité du message ci-dessous :
“DES BATIMENTS SCOLAIRES PEINTS EN BLEU, FAITES ARRETER CELA S’IL VOUS PLAIT”
Ces cinq dernières semaines, j’ai pris la peine de faire un tour dans quelques villes et villages de l’intérieur du pays dans le cadre de différentes missions. Et ce que je vois est juste sidérant. Les écoles (et certains bâtiments publics) sont systématiquement peints en couleur bleue. Et quand vous cherchez à en connaitre la cause, vous apprenez que c’est un membre “influent” du parti au pouvoir qui en a fait le don aux populations et qui, du coup, juge utile de peindre le bâtiment en bleu.
Disons le d’entrée de jeu. Malgré les efforts consentis sur le budget de nos pays, l’Etat ne peut pas satisfaire tous les besoins en infrastructures ni scolaires ni de santé ou autres. Et donc, le fait que des citoyens prennent sur eux de mobiliser des ressources pour accompagner l’Etat est une chose qu’il faut saluer. Félicitation donc à tous ces citoyens connus ou anonymes qui prennent sur eux de faire pareille œuvre.
A titre personnelle, j’ai pu, en mars 2012, faire construire et inaugurer un bâtiment scolaire dans mon village à Anfoin (préfecture des Lacs). Entre temps, nous avons offert un lot de table bancs et construit des latrines dans la même école. En 2016, nous avons pu rénover la maternité du même village et en 2017, nous avons rénover une maternité dans le village de Keta Akoda. Le montant total de tous ces projets peut tourner autour de 45 millions de francs CFA. Actuellement, nous sommes en train de construire un Centre de formation pour jeunes à Sanguera en banlieue de Lomé et attendons avec impatience un bienfaiteur pour nous y amener l’électricité et nous tracer la piste qui peut en faciliter l’accès. Donc, encore une fois, félicitation à tous les bienfaiteurs membres de partis politiques ou non pour leurs dons.
Mais une fois qu’on a dit cela, je me pose une question: qui, le premier, a pensé que la couleur bleue était la plus adaptée pour un bâtiment scolaire public ? Quand la personne l’a fait, comment a-t-il pu convaincre les autres de faire la même chose? Je ne sais pas pour vous, mais sur le plan esthétique, le bleu n’est vraiment pas la meilleure couleur à mettre. Bien au contraire, ce n’est pas très beau comparé aux couleurs beige et un peu marron qui étaient utilisées avant. Donc, parce que, sur le plan esthétique, cette couleur n’est pas la plus belle, Monsieur le Président de la République, Madame le Premier Ministre, Monsieur le Ministre de l’éducation, faites arrêter cela s’il vous plait.
Ensuite, cela pose un vrai problème démocratique de voir que la couleur (et peut-être l’idéologie) d’un parti politique, qui qu’il soit, va être transportée dans les établissements scolaires. Que se passerait-il si subitement, tous les partis politiques, les mouvements associatifs et religieux de tous bords décidaient d’offrir des bâtiments et les faire peindre aux couleurs qui sont les leurs ? L’école, par hypothèse, est censée être apolitique et, permettre qu’un seul parti puisse avoir le privilège d’amener ses couleurs dans un établissement scolaire, cela brise le principe d’égalité.
C’est pour cela que, Monsieur le Président de la République, Madame le Premier Ministre, Monsieur le Ministre de l’éducation, je plaie pour que vous fassiez arrêter cela. S’il vous plait. Quand je parle ainsi, certains peuvent apprécier, d’autres peuvent être offusqués.
Mais quel que soit le sentiment que les citoyens, parfois passionnés, peuvent avoir, je vous fais confiance, Monsieur le Président de la République, Madame le Premier Ministre, Monsieur le Ministre de l’éducation, pour faire arrêter cela. Trouvez d’autres couleurs pour nos bâtiments.