Inconnu il y a peu, Aymard Djadchin a rejoint le club très fermé des innovateurs camerounais. À 28 ans, il a lancé Hospisoft, une application pour automatiser la gestion des hôpitaux. Cet ingénieur informaticien, diplômé de l’école polytechnique de Yaoundé, a travaillé dans plusieurs entreprises locales avant de créer Universal Software, sa propre structure.
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Touché par les multiples problèmes rencontrés dans les hôpitaux du pays, l’inventeur dans l’âme ne va pas résister au désir d’y apporter des solutions. C’est ainsi que va naître l’idée de lancer Hospisoft, une application dotée d’une intelligence artificielle pour aider les établissements hospitaliers à réaliser des diagnostics médicaux fiables.
«J’ai très souvent entendu et suivi avec tristesse les événements tragiques survenus dans nos hôpitaux notamment dans la prise en charge des patients. Des incidents qui m’ont toujours poussé à me poser des questions sur comment je pouvais apporter des solutions informatiques, aux problèmes de santé de mon environnement», confie-t-il au micro de Sputnik.
Hospisoft est le nom de baptême de son application: avec ce combiné d’«hôpital» et de «software», il signifie son ambition d’apporter une solution informatique aux problèmes de santé. De manière concrète, l’application permet de suivre efficacement les patients dans les hôpitaux, — de leur entrée à leur sortie —, en générant automatiquement un dossier médical numérique où seront notés leurs paramètres cliniques et autres informations administratives relatives à leur séjour dans un hôpital donné.
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«En fait, je voudrais permettre aux hôpitaux et cliniques d’avoir les dossiers numériques sur le patient afin de faciliter la consultation, contrôler les prescriptions et sauvegarder les antécédents des patients. L’application intègre aussi, des moyens d’échange des données entre les hôpitaux et les cliniques», explique Aymard Djadchin.
Grâce à l’intelligence artificielle incluse dans le fonctionnement de cette application, les médecins sont désormais en mesure de dresser des constats médicaux fiables et dénués de toute erreur. L’entrepreneur camerounais veut, ainsi, révolutionner la gérance des hôpitaux non seulement au Cameroun, mais aussi en Afrique et dans le reste monde. Une ambition noble pour une innovation «made in Cameroun» qui est le fruit de recherches du système éducatif camerounais.
«Nous voulons ainsi donner la possibilité à notre pays et à d’autres, d’avoir des centres de santé numérisés, de transférer les dossiers des patients facilement, de faciliter la prise en charge des patients par les assurances, de réduire les erreurs de diagnostic et de prescription et même de suivre le patient à distance» ambitionne l’inventeur de Hospisoft.
Une ambition qui a déjà été couronnée de prix. En septembre 2018, il a remporté le prix We data Challenge, une compétition organisée par LumenAi (une entreprise spécialisée dans l’intelligence artificielle et la data science), à l’Université de Pau en France dans la catégorie des meilleurs projets intégrant de l’intelligence artificielle.
Le jeune camerounais a décroché un pactole de 10.000 euros, mais aussi des opportunités de collaboration et de partenariat avec des entreprises technologiques bien établies en France et en Europe. Un succès qu’il préfère dédier à l’ensemble des équipes d’Universal Software, son entreprise de conception de logiciels basée à Douala.
«Tout ceci nous a demandé beaucoup de nuits blanches et un travail acharné des équipes. Nous avons une équipe de cinq informaticiens qui travaillent en plein temps, des médecins que nous consultons, un comptable et un juriste. Nous avons aussi bénéficié de l’accompagnement de l’entreprise New Data Solution», insiste-t-il au micro de Sputnik.
Le boulimique du travail
Ce passionné du numérique, adepte du travail bien fait, n’y est pas arrivé sans effort. Il a fallu venir à bout de pas mal d’écueils pour voir son idée aboutir. Il lui a donc fallu s’armer de patience et apprendre l’abnégation et la discipline avant d’arriver au but:
«Nous avons eu principalement des difficultés dans la recherche de la main d’œuvre, pour partager cette vision et également dans la recherche du financement. J’étais employé, du coup je devais me servir de mon salaire pour supporter toutes les charges. Je travaillais après le boulot, chaque jour entre 18 h et 23 h, pour concevoir et faire évoluer le projet. Et aussi, j’ai effectué beaucoup de visites dans les centres de santé pour comprendre le processus médical et le fonctionnement du corps humain. J’ai toujours travaillé avec passion et acharnement. Je pense que c’est la clé de mes résultats», explique-t-il.
Dans le contexte camerounais, où le domaine du numérique tarde à prendre ses marques, le jeune ingénieur a mis son point d’honneur à essayer de convaincre et, surtout, à initier l’environnement hospitalier à la prise en compte de cette nouvelle technologie.
«C’est encore difficile de faire comprendre le bien-fondé de la digitalisation aux médecins, et trouver des investisseurs pour l’expansion du logiciel», déplore-t-il au micro de Sputnik.
Pour l’instant, Hospisoft n’est utilisé que dans quelques cliniques de la ville de Douala. «Nous formons actuellement le personnel de ces établissements à la maitrise de l’outil», précise Aymard Djadchin. L’entrepreneur vise d’abord le marché local constitué «de 600 à 700 cliniques agréées sur l’ensemble du territoire camerounais, dont 280 concentrées sur Douala et Yaoundé».
Dynamique compétitif et ambitieux, ce jeune amoureux de l’informatique — depuis la classe de 6e quand il a touché pour la première fois un ordinateur — se bat pour le développement d’une Afrique forte.
Celle-ci passe par la formation d’une «jeunesse compétitive et qualifiée», car pour réussir sur le continent au-delà de tous les problèmes rencontrés, il faut avoir selon lui : «Beaucoup de courage, de motivation et surtout de la persévérance dans votre démarche. Il faut bien définir ses objectifs, savoir pourquoi on fait ce qu’on fait avant de se lancer. Je suis à la base un rêveur et avec ma motivation et ma détermination, je crois toujours en ce que je fais, car je le fais par amour et avec la volonté de réaliser mes rêves».
Malgré sa détermination, Aymard Djadchin devra faire face, comme beaucoup d’innovateurs dans le secteur du digital, à la fracture numérique et au faible taux de pénétration d’internet dans le pays, et sur le continent. De véritables freins à l’expansion de leur innovation.