L’ancien ministre passé à l’opposition Issa Tchiroma Bakary a revendiqué mardi la victoire à l’élection présidentielle camerounaise de dimanche, défiant le président sortant Paul Biya, au pouvoir depuis 43 ans, alors que les résultats officiels ne sont attendus que dans deux semaines.
« Notre victoire est claire. Elle doit être respectée », a déclaré M. Tchiroma, 79 ans, appelant le régime à « accepter la vérité des urnes » ou à « plonger le pays dans un tourment ». « Le peuple a choisi, et ce choix doit être respecté », a-t-il insisté sur sa page Facebook, promettant de publier un rapport détaillé des résultats par région.
S’il est autorisé de rendre public les procès-verbaux de chacun des bureaux de vote, il est en revanche illégal de proclamer le résultat du vote avant le Conseil constitutionnel.

« C’est la ligne rouge à ne pas franchir » avait réitéré le ministre de l’Administration territoriale Paul Atanga Nji, lors d’une conférence de presse dimanche soir.
Les autorités n’ont ni communiqué le taux de participation ni précisé la date exacte de proclamation des résultats, prévue avant le 26 octobre par le Conseil constitutionnel. Un délai alimentant des craintes de fraude en faveur de Paul Biya, 92 ans, réélu avec plus de 70 % des voix depuis plus de deux décennies.
Dans sa vidéo de près de cinq minutes Issa Tchiroma « ému » a fait état d’une « victoire écrasante » qui représente pour lui « une sanction claire du régime en place et un plébiscite en faveur d’un changement immédiat ».
Ce ministre démissionnaire, qui a quitté en juin la majorité présidentielle après plus de 20 ans dans son giron, a rassemblé plusieurs milliers de personnes lors de ses meetings à travers le pays.
« Transition »
« La campagne a été beaucoup plus animée » que d’ordinaire explique à l’AFP Stephane Akoa, un politologue camerounais « cette élection est donc peut-être plus susceptible de nous surprendre », dans un pays où 40% des habitants vivaient sous le seuil de pauvreté en 2024, selon la Banque mondiale.
Dimanche soir à la clôture du scrutin, de nombreux partisans scandaient « Au revoir Paul Biya, Tchiroma arrive » dans le quartier de la Briqueterie, fief du candidat Tchiroma à Yaoundé.
L’ex-ministre de l’Emploi et de la Formation professionnelle et président de son parti, le Front pour le salut national du Cameroun (FSNC), a été désigné à la mi-septembre comme candidat par l’Union pour le changement 2025, une coalition de partis d’opposition minoritaires et membres de la société civile.
En déplacement en région anglophone pendant la campagne, il a demandé « pardon » pour avoir, du temps où il était ministre et porte-parole du gouvernement, « nié l’existence d’un problème anglophone dans ce pays ».
Dans son programme, il propose « 3 à 5 ans de transition pour reconstruire » le pays qu’il estime « détruit » par 43 ans du régime Biya.
En 2018, lors de la dernière présidentielle, Maurice Kamto, arrivé deuxième du scrutin et dont la candidature a été rejetée cette année, s’était proclamé vainqueur au lendemain du vote. Kamto avait ensuite été arrêté, et les rassemblements de ses partisans dispersés à coups de gaz lacrymogènes et canons à eau et des dizaines de manifestants arrêtés – certains demeurent toujours emprisonnés.
Avec AFP