L’Afrique devrait-elle tourner le dos à la Banque mondiale et au Fonds monétaire international ? C’est ce qu’a récemment laissé entendre lors d’une foire du commerce intra-africain en Algérie l’ancien président nigérian. Olusegun Obasanjo a appelé les pays africains à réduire leur dépendance envers ces insitutions de Bretton Woods.
La Banque mondiale n’est pas faite pour nous, le FMI non plus, explique Olusegun Obasanjo qui appelle les pays africains à concentrer leurs efforts sur le commerce intra-africain.
Djimadoum Mandekor est économiste, ancien directeur à la Banque des Etats d’Afrique centrale. Il a aussi travaillé à la Commission de l’Union africaine et il estime que cette prise de position réflète une tendance sur le continent.

Ci-dessous, l’intégralité de son interview :
Djimadoum Mandekor : « On taxe aussi ces institutions, d’être plus au service des pays occidentaux, ceux qui ont servi à les créer, qui imposent des règles sans apporter les ressources dont ont besoin les économies africaines notamment pour se développer ».
DW : Mais quelles sont leurs missions concrètes en Afrique ?
Djimadoum Mandekor : « La Banque mondiale fournit les appuis financiers directement, finance les investissements, mais pas seulement, appuie aussi d’autres activités des Etats. Le FMI vient plus pour aider on va dire à rétablir les grands équilibres macroéconomiques. Quand un pays a un problème de balance des paiements, le FMI aussi donc apporte encore une fois des appuis financiers.
Ce commentaire du président Obasanio vient après d’autres qui considèrent que le développement ne va pas se faire, ne ne s’est pas fait avec l’aide ».
DW : Le sujet a été aussi beaucoup commenté chez nous. Je relaie par exemple les propos d’un internaute qui a dit : « mais que faites-vous des sous qui ont été empruntés ? ».
Djimadoum Mandekor : « Les ressources extérieures ne peuvent être qu’un appui. Mais c’est vrai que le défi pour les pays africains indépendants depuis on va dire globalement 1960, à leur départ ils avaient très peu de ressources. Donc on a considéré que ce que pouvait apporter la Banque mondiale était important ainsi que d’autres bailleurs.
Si on veut aujourd’hui avoir une contribution des ressources externes qui viennent compléter nos propres ressources, il faut effectivement mettre en place des structures qui utilisent de manière productive ces ressources-là, les ressources qu’on a, qu’on a, intérieur et extérieur, qu’on les utilise véritablement pour développer la santé, l’éducation ».
DW : « Avec le FMI, on a en tête, les programmes d’ajustements structurels. Parfois les populations disent que les chiffres de l’économie donnée par la Banque mondiale, le FMI sur les économies africaines, parfois les populations disent que ça ne reflète pas la réalité. Est-ce que c’est tout ça aussi qui fait que ces institutions de Bretton Woods n’ont pas bonne presse parfois auprès des populations en Afrique ».
Djimadoum Mandekor : « C’est tout ça. Mais effectivement on ne peut pas dire qu’il faut les dédouaner d’ailleurs ».
DW : La solution c’est quoi pour les économies africaines ?
Djimadoum Mandekor : « L’autre aspect, c’est aussi travailler avec les autres pays, de se mettre ensemble. C’est ce que les Africains ont essayé de faire depuis les années 60, en créant l’OUA, UA. Nous voulons une UA économique qui marche véritablement. Parce que le tout n’est pas d’avoir des institutions, il faut les faire marcher. L’OUA, l’Union africaine, qui a anticipé depuis les années 2000, ils s’étaient mis en tête de créer par exemple le Fonds monétaire africain, de créer une Banque africaine d’investissement qui serait différente de la BAD. Mais il faut qu’à l’intérieur de chaque pays, la plus grande rigueur, la meilleure attention, soit donnée à valoriser et à mobiliser l’ensemble des ressources qui existent au niveau national ».