Les Australiens se sont retrouvés privés ce jeudi 18 février 2021 des pages Facebook des médias locaux après que le géant Américain a décidé de bloquer tous leurs contenus pour protester contre un projet visant à ce qu’il rémunère la presse locale pour ses publications.
Cette démarche inattendue a été critiquée par des groupes de presse, des politiciens et des ONG, un grand nombre d’entre eux soulignant que des informations sanitaires et météorologiques officielles ont aussi été supprimées, alors même que l’Australie fait face à la crise sanitaire du coronavirus et au pic de la saison des feux de forêt.
« Facebook a eu tort, les mesures de Facebook étaient inutiles, brutales, et elles vont nuire à sa réputation en Australie », a réagi le secrétaire au Trésor lors d’une conférence de presse télévisée. Josh Frydenberg a déclaré que le patron de Facebook, Mark Zuckerberg, n’avait donné aucun avertissement à propos de ce blocage lorsqu’ils se sont entretenus au cours du week-end sur un projet de loi devant contraindre les géants du numérique à rémunérer les groupes de presse locale pour leurs contenus.
Les deux hommes ont eu par la suite un échange « constructif » jeudi matin, a ajouté M. Josh, lors duquel ils ont discuté de ce que le représentant australien a qualifié d’«interprétations divergentes» du fonctionnement du futur Code de négociation des médias. Avec cette mesure radicale, Facebook a adopté une approche éloignée de celle de Google alors que les stars-up américaines, accusés par les groupes de presse australiens de détruire leur modèle économique dans le domaine publicitaire, avaient jusque-là fait front commun contre le projet de loi.
Si les deux firmes avaient menacé de retirer leurs services en Australie, Google a au final opté pour une stratégie différente, scellant ces derniers jours des accords préventifs avec plusieurs organes de presse. Dernier en date, le groupe News Corp de Robert Murdoch, propriétaire notamment des deux tiers des principaux journaux australiens, a annoncé mercredi un accord prévoyant que Google lui verse des «paiements significatifs» en échange de contenus. Google a refusé de commenter la décision de Facebook.
«Alarmant et dangereux»
Le gouvernement australien veut que Facebook et Google rémunèrent les groupes de presse locale, citant le trafic que les articles génèrent sur les plateformes. Le projet de loi, qui devrait être soumis dans les prochains jours au parlement, vise à contraindre les deux géants à sceller directement des accords commerciaux avec les groupes de presse ou à devoir sinon verser un tarif décidé par un médiateur.
Facebook a déclaré que le projet de loi «méconnaît fondamentalement» la relation que le réseau social entretient avec les groupes de presse, ajoutant qu’il se retrouvait face à un choix compliqué: tenter d’obtempérer ou bloquer les contenus de la presse. Le réseau social a indiqué par le passé que les informations de presse représentaient seulement 4% des contenus consultés par ses utilisateurs, mais il s’agit d’une source primordiale d’informations aux yeux des Australiens. Avec les modifications apportées par Facebook, les pages des groupes de presse sur le réseau social étaient entièrement vides jeudi matin et les publications d’utilisateurs contenant des liens vers les contenus des médias avaient été supprimées.
Lisa Davies, rédactrice en chef du quotidien The Sydney Morning Herald, a déclaré sur Twitter que «Facebook a augmenté de manière exponentielle les opportunités pour la désinformation, le radicalisme dangereux et les théories du complot d’abonder sur sa plateforme». La page Facebook du groupe public ABC, qui fait office de source centrale d’information pendant les catastrophes naturelles, était vide, de même que plusieurs comptes gouvernementaux, dont ceux donnant des conseils face à la crise sanitaire du coronavirus et aux feux de forêt estivaux.
Dans l’après-midi, un grand nombre de pages fournissant des informations gouvernementales avaient été restaurées, mais les pages Facebook de plusieurs organisations caritatives, d’ONG et de l’ensemble des médias étaient toujours en «blackout» y compris la presse étrangère comme la BBC, le New York Times et le Wall Street Journal. «La tournure des événements est alarmante et dangereuse», a déclaré Human Rights Watch dans un communiqué. «Couper l’accès à des informations vitales dans un pays tout entier en plein milieu de la nuit est inadmissible».
Avec Sputnik