Des millions d’Africains utilisent déjà les cryptomonnaies pour envoyer de l’argent à leur famille, protéger leur épargne de l’inflation ou tout simplement développer leur commerce. Il faut tout de même savoir que jusqu’à récemment, ce secteur en pleine explosion opérait dans un vide juridique assez sidérant. Ces derniers mois, cinq pays africains montrent la voie en étant particulièrement actifs sur la réglementation. Ils créent des règles claires pour encadrer ce marché, et mettre de l’ordre dans ce Far West. Tour d’horizon de ces nouvelles régulations.
Afrique du Sud : premier pays à tout organiser
L’Afrique du Sud est-elle en passe de devenir le modèle crypto du continent ? Déjà locomotive économique du continent, cela paraît logique. Avec 248 plateformes officiellement autorisées, le pays a pris une longueur d’avance très intéressante depuis octobre 2022.
Les crypto-actifs y sont considérés comme des “produits financiers”, au même titre que les actions ou les obligations. Que vous vouliez acheter la meilleure crypto de 2025, des cryptos à la valeur stable ou un objet d’art numérique (NFT), les règles locales les classent comme des titres financiers.

En clair, cela signifie que toute plateforme qui veut opérer dans le pays doit obtenir une licence de courtier en actifs financiers, prouver sa solidité financière et mettre en place des mesures de sécurité. Les autorités ont déjà examiné près de 500 demandes, n’en approuvant que 248. Preuve qu’elles ne plaisantent pas avec les critères de sélection.
Pour les utilisateurs sud-africains, fini le temps où n’importe qui pouvait créer une plateforme d’échange… et disparaître avec l’argent des clients. On pense à l’affaire Africrypt, où deux adolescents (les frères Ameer et Raees Cajee) s’étaient volatilisés à l’été 2021 avec 69 000 bitcoins de leurs clients (6,9 milliards au moment de ces lignes !).
Aujourd’hui, investir dans les cryptos en Afrique du Sud rejoint presque les mêmes garanties demandées que lorsqu’on ouvre un compte bancaire. Le pays impose même aux plateformes de partager les informations sur les transactions importantes, comme le font déjà les banques traditionnelles.
Nigeria : miser sur les monnaies stables (stablecoins)
Comment le Nigeria gère-t-il son marché crypto qui pèse près de 60 milliards de dollars par an ? Le géant économique africain a choisi une approche pragmatique en tenant compte de la réalité de son terrain : environ 22 millions de Nigérians (soit 10% de la population) utilisent les cryptomonnaies, pour une large part dans le but de payer en dollars numériques.
Face à un naira qui perd régulièrement de sa valeur, beaucoup de citoyens se tournent vers ce qu’on appelle les “stablecoins”. Il s’agit de cryptomonnaies dont la valeur reste stable car elles sont adossées au dollar américain. Ces monnaies numériques pèsent lourd (40%) dans les flux observés sur le marché crypto nigérian.
La Banque centrale a donc créé un groupe de travail spécial afin d’étudier comment intégrer ces stablecoins dans le système financier officiel, plutôt que de le laisser aux seules plateformes étrangères. On se souviendra d’ailleurs de l’offensive contre Binance, le gouvernement retenant même deux employés sur son territoire, et infligeant une méga-amende fiscale de… 81 milliards de dollars à la plateforme !
Dans la pratique, depuis avril 2025, les cryptomonnaies sont reconnues officiellement comme des valeurs mobilières. Les plateformes doivent s’enregistrer auprès de la Commission des valeurs mobilières, vérifier l’identité de leurs clients et signaler les transactions suspectes. Pour l’utilisateur lambda, cela se traduit par plus de paperasse lors de l’inscription, mais aussi par une meilleure protection contre les fraudes.
Maurice : toujours le bon élève à l’international
Comment une petite île de l’océan Indien est-elle devenue la référence crypto d’Afrique ? Fidèle à sa tradition de hub financier, Maurice a tout simplement décidé de suivre à la lettre les recommandations internationales les plus strictes. Résultat : c’est le seul pays africain à respecter intégralement les 40 recommandations du Groupe d’action financière international (GAFI) contre le blanchiment d’argent.
Depuis février 2022, le Virtual Assets and Initial Token Offering Services Act impose des règles assez strictes, mais très claires. Les plateformes doivent surveiller toutes les transactions en temps réel, signaler immédiatement les transferts importants et maintenir des réserves financières conséquentes. Les émetteurs de stablecoins, par exemple, doivent prouver qu’ils ont vraiment l’argent en banque pour garantir leurs cryptomonnaies.
Pour les investisseurs internationaux, Maurice devient ainsi une destination de choix. Le pays offre même un avantage fiscal intéressant : pas d’impôt sur les gains en cryptomonnaies. Cette combinaison de sécurité maximale et d’avantages fiscaux attire les gros investisseurs institutionnels qui cherchent une base africaine crédible.
Seychelles : un équilibre délicat à trouver
Quantité de plateformes internationales ont élu domicile aux Seychelles. OKX (un temps), MEXC, KuCoin, etc. La destination a su rester attractive tout en devenant plus stricte au fil des mois. Depuis septembre 2024, ce paradis fiscal historique a introduit des règles obligatoires pour toutes les entreprises crypto. Fini le temps où n’importe quelle société pouvait s’installer aux Seychelles afin d’opérer librement.
Désormais, les plateformes doivent obtenir une licence un peu plus ardue à décrocher, disposer d’un capital entre 25 000 et 100 000 dollars selon leurs activités, avoir un bureau physique sur place et employer au moins un directeur résident. Les autorités exigent aussi des audits de sécurité informatique annuels, une première en Afrique.
Cette nouvelle réglementation répond à une évaluation des risques menée en 2021 qui avait révélé une exposition trop importante au blanchiment d’argent. Pour les utilisateurs et les entreprises, les Seychelles restent attractives fiscalement mais offrent maintenant des garanties de sérieux qui manquaient cruellement.