Au Burkina Faso, le gouvernement d’Ibrahim Traoré a changé de stratégie après le départ de la France.
Pour Inoussa Sawadogo, « Observateur du rayonnement international des nations », la diplomatie burkinabè doit sortir des sentiers battus pour oser de nouveaux chantiers. Au-delà de la rationalisation des ressources, dit-il, il importe d’identifier des niches d’apports significatifs de financements innovants du développement endogène au Burkina Faso. Il faut, en plus de la coopération bilatérale et multilatérale classique, investir dans la diplomatie économique, selon lui.
Ci-dessous, l’intégralité de sa tribune qui ne reflète pas l’opinion de la rédaction :

Entre diversification des partenaires et des partenariats et la mobilisation de la diaspora au développement national, le Burkina Faso opte également pour la rationalisation des dépenses liées au fonctionnement de ses missions diplomatiques et postes consulaires.
Cette dynamique est soutenue par une volonté affichée d’affirmation de la souveraineté nationale à travers un effort soutenu de financement du développement endogène par des ressources propres. La circonstance impose à chaque secteur de consentir des sacrifices, de faire preuve de patriotisme et de montrer un élan déterminé pour l’accomplissement de la vision.
Au-delà des solutions trouvées par l’adoption, le 4 septembre 2025 par le gouvernement, du décret portant conditions générales d’affectation et de séjour, ainsi que les modalités de rémunération et les avantages applicables au personnel des missions diplomatiques et postes consulaires du Burkina Faso, il importe de poursuivre les réflexions afin de proposer des pistes crédibles et durables pour la valorisation de l’apport de la diplomatie au développement national.
Personne ne peut contester l’utilité de la diplomatie pour la paix et la prospérité. Métier par excellence de construction des ponts, la diplomatie contribue à porter haut la position du Burkina Faso sur la scène internationale. La nouvelle vision focalisée sur l’affirmation de la souveraineté et l’exigence de la reconnaissance de la dignité du Burkina Faso et des Burkinabè, invite à faire des sacrifices pour le développement endogène. En effet, le développement endogène soutenu est un support efficace de souveraineté nationale et d’exigence de respect. En comptant sur ses propres forces, notre pays est capable de faire entendre sa voix. Comment la diplomatie burkinabè peut contribuer à ce défi ?
Elle doit sortir des sentiers battus pour oser de nouveaux chantiers. Au-delà de la rationalisation des ressources, il importe d’identifier des niches d’apports significatifs de financements innovants du développement endogène au Burkina Faso. Il faut, en plus de la coopération bilatérale et multilatérale classique, investir dans la diplomatie économique. Cette diplomatie économique doit s’inscrire dans une offensive d’intelligence économique capable d’accompagner les opérateurs économiques burkinabè dans leurs projets d’internationalisation. Elle doit également favoriser l’investissement extérieur direct au Burkina Faso dans une approche de co-entreprise où les multinationales ouvrent des espaces de co-investissement avec des entreprises nationales.
Au-delà d’une nationalisation des secteurs économiques, il faut une forte internationalisation en donnant les possibilités aux entreprises nationales d’établir des partenariats solides avec des multinationales pour renforcer leurs capitaux mais également leurs expertises. Cela doit s’inscrire dans un espace d’intégration sahélien prometteur en construction. Une telle dynamique doit créer une forte proximité entre les milieux d’affaires et les missions diplomatiques, facilitatrices de l’aventure économique internationale du pays. En plus de l’aide internationale toujours nécessaire, la diplomatie doit viser les bénéfices d’un commerce international équitable pour le Burkina Faso.
Les opérateurs économiques burkinabè ont davantage besoin de l’accompagnement de l’Etat. Certaines études montrent que la perception des opérateurs économiques burkinabè du soutien diplomatique de leur pays est bonne mais le soutien est jugé insuffisant. Depuis ces deux dernières années, on constate une proximité de plus en plus renforcée entre le département de la diplomatie et celui du secteur privé, démontrant une aspiration commune à donner plus de place à la diplomatie économique.
C’est à ce titre qu’une forte délégation d’hommes d’affaires tunisiens a séjourné au Burkina Faso à la faveur de la visite du ministre tunisien des affaires étrangères en juillet 2024. Cela a offert l’occasion d’examiner les opportunités d’investissement et de coopération des entreprises tunisiennes dans des secteurs tels que l’agriculture, les technologies de l’information, et les mines.
En juillet 2025, une forte délégation venue de l’Egypte a également eu une séance fructueuse de travail avec la chambre de commerce du Burkina Faso. Ce partenariat gagnant-gagnant entre les deux pays permettra particulièrement au Burkina Faso de bénéficier de l’expertise égyptienne dans les domaines de l’agriculture, des mines, des industries pharmaceutiques et de l’énergie renouvelable. Les missions diplomatiques intègrent de plus en plus le réflexe de mobiliser des investisseurs vers la destination Burkina Faso, mais aussi de faire découvrir les opportunités de leurs juridictions respectives au secteur privé burkinabè (Chine, Inde, Turquie, Iran, Maroc, etc.).
L’organisation de plus en plus fréquente des journée économiques du Burkina Faso dans les juridictions des missions diplomatiques est également à inscrire dans cette nouvelle écriture de la politique étrangère du Burkina Faso.
Ainsi, le ministère des affaires étrangères et son réseau diplomatique doivent continuer à déployer le plus d’efforts pour satisfaire les immenses attentes des majors de l’économie mais aussi des petites et moyennes entreprises qui se lancent à l’international.
Il faut poursuivre les efforts de rupture du paradigme diplomatique du Burkina Faso pour se focaliser sur la diplomatie économique qui doit savoir rentabiliser les technologies de communication, les secteurs de la culture, du climat, de l’énergie, des richesses naturelles, de la connaissance et de la science.
Pour cette nouvelle diplomatie en émergence, il est possible de rentabiliser les effectifs en fonction des pays porteurs sur le plan économique. La diplomatie classique avec les partenaires bilatéraux et multilatéraux peut se poursuivre avec une solide action de la centrale auprès des représentations étrangères et internationales accréditées au Burkina Faso. Les autorités nationales, notamment les membres du gouvernement autour du ministre des affaires étrangères, auront un dialogue constant avec les ambassadeurs et les représentants permanents des organisations internationales pour l’accompagnement à la réalisation de la vision du développement endogène.
Les missions diplomatiques et postes consulaires du Burkina Faso seront focalisées sur la diplomatie économique, perçue de manière holistique pour non seulement faciliter l’internationalisation des entreprises burkinabè mais aussi faciliter les investissements directs étrangers au Burkina Faso.
La mobilisation de la diaspora pour le développement endogène constitue également une priorité des diplomates burkinabè accrédités à l’extérieur. A cela s’ajoute la contribution des fonctionnaires internationaux au développement national. Il importe que la diplomatie burkinabè engage des réflexions sur la contribution des acteurs de la mise en œuvre de la politique étrangère au développement endogène du Burkina Faso.
Inoussa SAWADOGO, Observateur du rayonnement international des nations