Même si Nicolas Sarkozy devrait finalement rester silencieux jusqu’au premier tour, les rumeurs d’un ralliement à Emmanuel Macron cannibalisent la campagne de la candidate des Républicains et affaiblissent un peu plus la droite.
C’est une petite musique qui agite désormais la droite française chaque semaine : Nicolas Sarkozy envisagerait de soutenir Emmanuel Macron dès le premier tour de l’élection présidentielle. Après Le Journal du dimanche au début du mois, c’est Nice-Matin qui affirmait le 15 mars que l’ex-chef de l’Etat pourrait annoncer son soutien au président sortant “dans les jours qui viennent”. Mais comme à chaque fois, Nicolas Sarkozy a préféré rester mutique et continue à entretenir un suspense de plus en plus pesant pour sa famille politique.
Au lendemain de sa victoire au congrès du parti de droite en décembre dernier, Valérie Pécresse n’imaginait sans doute pas que Nicolas Sarkozy jouerait cette partition. Mais en demandant finalement à échanger avec lui deux mois plus tard, la candidate des Républicains a rapidement compris qu’elle ne pourrait pas compter sur lui. “Nous avons eu une conversation franche et affectueuse. (…) C’était très utile pour moi d’avoir les conseils d’un ancien président de la République”, avait-elle lâché dans la foulée de l’entretien, sans conviction.
“Il est persuadé qu’elle ne sera pas présidente”
Depuis, les relations entre ex-président et son ancienne ministre de l’Enseignement supérieur se sont largement dégradées. A tel point qu’ils n’échangent quasiment plus ou bien par interlocuteurs interposés. Lors d’un récent comité stratégique, un président de fédération a demandé à Valérie Pécresse si elle pourrait compter sur le soutien de Nicolas Sarkozy. “Vous n’avez qu’à lui envoyer des sms pour savoir !”, lui aurait alors répondu la candidate, un brin agacée, selon les propos rapportés par un cadre du parti à franceinfo. Un ténor des Républicains confirme la lassitude de la candidate.
Les raisons du silence de Nicolas Sarkozy à l’égard de Valérie Pécresse sont multiples. De nombreux cadres des Républicains sont persuadés que l’ancien chef de l’Etat souhaite avant tout rester en retrait pour ne pas se retrouver mêlé à la campagne en demi-teinte de la candidate. “Il est persuadé qu’elle ne sera pas la prochaine présidente de la République, donc il se garde bien de tout commentaire”, assure un parlementaire LR, conscient lui aussi que sa candidate a “du mal à imprimer dans l’opinion publique”, depuis son meeting raté au Zénith à Paris en février.
“Les envies de vengeance de Nicolas Sarkozy”
Autre explication : l’ancien président n’aurait toujours pas digéré le soutien apporté par Valérie Pécresse à Alain Juppé lors de la primaire de la droite remportée finalement par François Fillon en 2017. Rancunier, l’ex-président voudrait donc “faire payer à Valérie Pécresse son manque de loyauté envers celui à qui elle doit toute sa carrière politique, comme d’ailleurs Xavier Bertrand et la plupart des dirigeants LR qui ont tous été ses ministres”, dixit ce proche de la candidate.
“C’est difficile d’estimer ceux que vous avez fait ministre. Est-ce que François Mitterrand estimait Lionel Jospin ? Je ne le crois pas ! Est-ce que Jacques Chirac estimait Nicolas Sarkozy ? Je ne le crois pas non plus !”
Un député LR et soutien de Valérie Pécresse à franceinfo
Les références constantes de Valérie Pécresse à Jacques Chirac et au bilan de ses deux mandats de président auraient également le don d’agacer Nicolas Sarkozy. “Le seul clin d’œil qu’elle a fait à celui à qui elle doit tout, c’est quand elle a dit qu’elle allait ressortir le Kärcher. Franchement, c’était catastrophique”, rappelle un élu LR, lui aussi très critique sur la campagne de sa candidate.
Mais ce qui dérange surtout Valérie Pécresse et son entourage, ce ne sont pas “les envies de vengeance” de Nicolas Sarkozy, selon un ténor des Républicains, mais le fait que ce dernier ne démente pas les rumeurs sur son éventuel soutien à Emmanuel Macron. Pour les proches de la candidate, ces fuites sont orchestrées par plusieurs anciens élus LR du sud de la France aujourd’hui convertis au macronisme. Dans leur viseur : Christian Estrosi, le maire de Nice, et Renaud Muselier, le président de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur.
Des accusations que rejettent en bloc les intéressés. “Nous aussi nous entendons cette petite musique depuis l’article de Nice-Matin. Mais je peux vous confirmer que Christian Estrosi est un élu indépendant qui n’est intervenu en rien dans cette affaire”, affirme un proche du maire de Nice, qui dément l’existence d’une présumée “Ligue du sud” composée d’élus de la Côte d’Azur missionnés par Emmanuel Macron pour siphonner l’électorat LR localement. “Je n’ai rien à voir avec cette histoire de ralliement. D’ailleurs, je suis un ami très proche de Nicolas Sarkozy et je ne parlerai jamais en son nom.”
Avec Francetvinfo