J’entends déjà que certains me caricaturent en laxiste qui veut vider les prisons, d’autres en ultra-répressif qui veut les remplir. Je ne serai ni l’un ni l’autre
. La déclaration est signée Éric Dupond-Moretti, le ministre de la Justice. L’ex-ténor du barreau a dessiné sa feuille de route, dans un entretien au Journal du Dimanche publié ce dimanche 19 juillet.
En 600 jours, il ne pourra pas tout faire, il l’a déjà dit, alors le garde des Sceaux ira à l’instinct
, avec des idées
et la conscience d’un homme qui doit tout à la République
: Comme avocat, j’ai toujours défendu des hommes, pas des causes. Cette fois encore, j’y suis allé pour l’homme
, dit-il pour expliquer pourquoi il a troqué à 59 ans la robe d’avocat pour la cravate du ministre.
Son arrivée place Vendôme a suscité autant de surprise que d’inquiétude voire de défiance au sein de la magistrature et parmi les associations féministes, échaudées par ses critiques du mouvement #MeToo.
D’emblée il démine : Je veux que les hommes suspectés de violences conjugales, s’ils ne sont pas déférés, soient convoqués par le procureur et reçoivent un avertissement judiciaire solennel
.
Elysée : Éric Dupond-Moretti ému aux larmes lors de la passation de service
On m’a déjà dit que ça pourrait heurter la présomption d’innocence : j’ai montré les dents… Il ne s’agit pas d’une condamnation ; c’est le moyen de montrer à un homme que la justice est attentive et qu’elle ne laisse rien passer
, assène-t-il.
J’entends déjà que certains me caricaturent en laxiste qui veut vider les prisons, d’autres en ultra-répressif qui veut les remplir. Je ne serai ni l’un ni l’autre
, répète-t-il.
« La justice est au service du justiciable, non l’inverse »
L’ancien ogre du barreau connaît l’immense besoin de moyens
des tribunaux et affirme avoir obtenu des assurances pour le budget 2021 qui va accroître le rythme des créations de postes pour la Justice
.
Sur le terrorisme, alors que le Sénat va bientôt examiner un texte controversé prévoyant des mesures de sûreté
pour les condamnés à l’issue de leur peine, il confesse que sa réflexion a évolué
.
J’ai toujours été opposé à la rétention de sûreté telle que l’envisageait le président Sarkozy, parce qu’elle envoyait en prison des individus non pour ce qu’ils avaient fait mais pour ce qu’ils seraient susceptibles de faire dans l’avenir
, dit-il.
Mais il se dit totalement favorable
à l’imposition du port du bracelet électronique pour des gens qui ont été condamnés pour des faits de terrorisme
, des personnes qui de toute façon
seraient surveillées par nos services de renseignement
.
S’il est toujours en faveur du rapatriement des femmes et des enfants retenus en Syrie, il se retranche derrière sa loyauté à un gouvernement qui défend l’idée que ces prisonniers doivent être jugés là où ils ont commis leurs actes et qui examine au cas par cas la situation des mineurs pour leur rapatriement
.
Les réformes qui lui tiennent à cœur et qu’il s’engage à mener restent celles du parquet – il veut voir les procureurs nommés, comme les juges, sur avis conforme
du Conseil supérieur de la magistrature (CSM) : je veux graver cette règle dans le marbre de la Constitution
– et de la justice des mineurs qu’il veut plus rapide et plus efficace
.
Sans promettre de révolution, il rappelle que la justice est au service du justiciable, non l’inverse
et propose que parfois, le juge se déplace plutôt que le justiciable
.
Droit-de-l’hommiste
assumé, il entend aussi améliorer le quotidien des détenus qui doivent sortir (de prison) moins mauvais qu’ils n’y sont entrés
et propose de généraliser l’existence de délégués qui, parmi les prisonniers, signalent les difficultés, les carences
.
Comme ministre, il s’interdira toute intervention
dans des affaires particulières mais défend le principe de remontées d’informations.
Il s’est par ailleurs engagé à rendre publiques
les conclusions de l’Inspection générale de la Justice, saisie concernant une enquête liée à l’ancien président Nicolas Sarkozy, ayant visé des avocats et magistrats – dans laquelle les fadettes de plusieurs avocats dont celles d’Éric Dupond-Moretti ont été scrutées.