En échappant ce jeudi 16 octobre 2025 à la censure des députés en France, le nouveau gouvernement a franchi un premier obstacle avant le début, la semaine prochaine, des débats parlementaires qui s’annoncent épiques sur son projet de budget.
Les deux motions de censure, déposées par les partis de la gauche radicale (La France Insoumise, LFI) et d’extrême droite (Rassemblement National, RN), et visant à faire chuter le gouvernement nommé dimanche, n’ont pas réuni, jeudi, les 289 voix requises.
Elles ont rassemblé respectivement 271 voix et 144 voix.

Le Premier ministre a sobrement pris acte de cette non-censure, se disant « au travail », satisfait que « les débats puissent démarrer », alors qu’il quittait à pied l’Assemblée nationale, suivi par plusieurs caméras.
Avant le vote, il avait appelé à « un moment de vérité entre ordre républicain et désordre », demandant aux députés de ne pas « prendre en otage » le budget.
Le Premier ministre avait toutefois levé, mardi, la menace d’un renversement de son gouvernement en proposant de suspendre la réforme des retraites, mesure emblématique de la présidence Macron, passée sans vote au Parlement en 2023 malgré des mois de manifestations.
Après cette concession, qu’il réclamait depuis plusieurs semaines, le Parti socialiste (PS, gauche) avait appelé ses députés à ne pas soutenir les motions de censure de LFI et du RN, faisant pencher la balance du côté du gouvernement.
Terrain parlementaire inconnu
Ce cap franchi, le chemin ne s’annonce pas moins étroit pour le gouvernement dans les prochaines semaines, et le spectre de l’instabilité, qui plane sur la France depuis la dissolution décidée en juin 2024 par Emmanuel Macron, n’est pas totalement dissipé.
Depuis cette dissolution, l’Assemblée nationale est fragmentée en trois blocs (gauche, centre droit, extrême droite), sans aucune majorité nette.
Le deuxième gouvernement Lecornu — après un premier ayant tenu à peine quatorze heures, un record depuis la création de la Ve République en 1958 — est le quatrième en moins d’un an et demi, le sixième depuis la réélection de M. Macron en mai 2022.
Le débat budgétaire, qui devrait commencer vendredi prochain en vue d’une adoption avant le 31 décembre, s’annonce vif entre une gauche désunie, un « socle commun » (camp présidentiel et droite) fracturé et le RN.
Le Parlement entre en terrain inconnu avec la promesse de Sébastien Lecornu de ne pas recourir à l’article 49.3 de la Constitution, procédure qui permet l’adoption d’un texte sans vote à l’Assemblée nationale, sauf si une motion de censure vient renverser le gouvernement.
Cet article a permis l’adoption de tous les budgets depuis 2022.
Cette mise en retrait de l’exécutif va faire de l’Assemblée un champ de bataille permanent, où la volonté affichée par le Premier ministre de négocier des compromis pourrait se heurter à la tentation de certaines oppositions de faire enliser les débats.
Majorités variables
Les majorités risquent, en outre, d’être variables en fonction des sujets.
La suspension de la réforme des retraites n’est, à ce stade, qu’une annonce.
Sébastien Lecornu a affirmé, jeudi, que le gouvernement la soumettrait « dès le mois de novembre » aux députés via un amendement au projet de budget de la Sécurité sociale (PLFSS). Ce qui implique déjà que l’amendement soit voté, et surtout qu’ensuite les socialistes soutiennent ce texte budgétaire dans son ensemble pour qu’il soit adopté.
Au-delà de leur « victoire » sur les retraites, les socialistes entendent mener bataille, vote par vote, sur toute une série de mesures fiscales, sociales ou touchant à la santé. « Nous sommes capables de faire des compromis (…). Nous sommes capables de renverser un gouvernement », avait prévenu, mardi, le patron des députés PS, Boris Vallaud.
Ces mesures font partie d’un effort budgétaire d’une trentaine de milliards d’euros prévu par le gouvernement pour 2026, dans un contexte où la dette de la deuxième économie de l’UE atteint 115 % de son PIB.
Si Sébastien Lecornu a reconnu que le projet de budget était « une copie de départ » ouverte à « négociation », l’exécutif s’étant laissé une marge sur son objectif initial de déficit à 4,7 % du PIB l’an prochain, il s’est posé en « garant » du retour sous les 3 % en 2029, un niveau permettant de stabiliser la dette.