Il est aujourd’hui admis que de nombreux facteurs environnementaux peuvent avoir un rôle déterminant dans la survenue de plusieurs pathologies. Et le risque apparaît dès la grossesse puisque la vie intra-utérine représente une vraie fenêtre de vulnérabilité. Il s’agit en effet d’une période de fortes évolutions biologiques et physiologiques et une récente étude menée par des chercheurs de l’IS Global donne notamment l’exemple de conséquences sur le long terme d’une exposition prénatale au bisphénol A.
Leur étude publiée dans la revue « Environment International » et menée sur plus de 3 000 couples mère-enfant de six pays différents indique en effet que l’exposition prénatale au bisphénol A (BPA) peut avoir des effets négatifs sur la santé respiratoire des filles d’âge scolaire.
Le bisphénol A est un composé chimique qui entre dans la composition de plastiques et de résines. Il est utilisé par exemple dans la fabrication de récipients alimentaires tels que les bouteilles et biberons. On le retrouve également dans les films de protection à l’intérieur des canettes et des boîtes de conserves ou encore sur les tickets de caisse où il est utilisé comme révélateur.
Plusieurs études scientifiques ont montré que ce composé industriel induit des effets néfastes sur la reproduction, le développement et le métabolisme d’animaux de laboratoire et il est de fait fortement suspecté d’avoir les mêmes conséquences sur l’Homme. En France, le bisphénol A a ainsi été identifié par l’Anses comme perturbateur endocrinien pour l’Homme, soit une substance capable d’interférer avec notre système hormonal.
Bisphénols : A, S, F lequel est le plus en cause ?
En partant du constat qu’il est connu que le bisphénol A est présent dans le lait maternel et qu’il peut traverser la barrière placentaire, l’objectif des chercheurs était de découvrir si l’exposition prénatale à ce composé chimique est associée à des problèmes de santé respiratoire dans les années ultérieures.
Ils ont pour cela étudié des échantillons d’urine prélevés pendant la grossesse sur plus de 3 000 femmes de six pays (Espagne, France, Grèce, Norvège, Pays-Bas et Royaume-Uni) collectés entre 1999 et 2010 et des données sur la santé respiratoire de leurs enfants collectées des années plus tard grâce à des questionnaires. L’analyse des échantillons d’urine a révélé une forte prévalence de BPA, qui a été retrouvé dans 90% des échantillons. Les autres bisphénols étudiés étaient cependant moins présents au moment de la collecte de ces échantillons.
Pour un pays, les Pays-Bas, une présence notable d’autres bisphénols a été détectée parmi les participants à l’étude : le bisphénol F dans 40 % des échantillons et le bisphénol S dans 70 %) d’entre eux. « Cette constatation est probablement due au passage précoce aux substituts du bisphénol A dans ce pays. », constatent les chercheurs. Le bisphénol S et le bisphénol F sont en effet des produits de remplacement du bisphénol A bien qu’ils aient une structure chimique proche de ce dernier.
Les résultats ont aussi révélé une association chez les filles entre les concentrations de bisphénol A dans l’urine maternelle pendant la grossesse et un risque accru d’asthme et de respiration sifflante à l’âge scolaire. Cette association n’a cependant pas été observée chez les garçons ni dans le cas des deux autres bisphénols (S et F) étudiés.
« Les bisphénols peuvent traverser la barrière placentaire »
Par ailleurs, aucune association n’a non plus été observée avec la fonction pulmonaire à l’âge scolaire. « Nos résultats sont conformes à ceux d’études antérieures, qui ont signalé que le bisphénol A a un impact négatif sur la santé respiratoire de l’enfance. Nous pensons que l’effet peut être dû au fait que les bisphénols peuvent traverser la barrière placentaire et interférer avec les systèmes respiratoire et immunitaire de l’enfant pendant la phase de développement », explique Alicia Abellán, première auteure de l’étude.
Mais comment expliquer cette différence entre filles et garçons ? Les chercheurs émettent l’hypothèse que « les bisphénols sont des perturbateurs endocriniens qui peuvent interférer avec les hormones sexuelles. Cela peut donner lieu à des différences dans les effets qu’ils ont en fonction du sexe de la personne exposée ».
À noter que depuis janvier 2011, la fabrication et la commercialisation des biberons contenant du bisphénol A sont interdites en Europe. De plus, une loi interdit en France, dès janvier 2015, la fabrication, l’exportation, l’importation et la mise sur le marché de tout conditionnement alimentaire en contenant ? Il a été remplacé par des substituts comme le bisphénol S ou le bisphénol B qui suscitent eux aussi des interrogations quant à leur innocuité.
Malgré son interdiction, le bisphénol A est toujours présent dans notre environnement du fait de la dégradation lente des déchets plastiques, mais également, car il se trouve dans des contenants alimentaires achetés avant 2015 et qui ont été conservés, explique l’Inserm à ce sujet. En outre, l’organisme précise qu’avec le recyclage des déchets, le bisphénol A contenu dans des plastiques datant d’avant 2015 a également pu se retrouver dans des produits neufs.