Glib Stryjko, soldat ukrainien, a vécu un véritable enfer entre les mains des Russes après qu’ils l’ont capturé à Mariopoul le 10 avril jusqu’à cet échange de prisonniers salvateur qui a permis à sa mère de le retrouver. Plus de 350 soldats de Kiev ont jusqu’à présent été libérés dans le cadre d’échanges, qui se font en général sur la base du un contre un du même rang, révèle la vice-Première ministre ukrainienne Iryna Verechtchouk, en charge de ces négociations.
« Après être monté dans le bus qui nous attendait, le chauffeur a dit: “Les gars, vous pouvez souffler. Vous êtes chez vous maintenant.” J’ai commencé à pleurer », raconte Glib sur son lit d’hôpital à Zaporijjia, une ville du sud-est de l’Ukraine.
Le 10 avril, posté dans une aciérie de Marioupol transformée en camp retranché, Glib Stryjko a été blessé par un tir de char, au bassin, à la mâchoire et à l’œil, puis conduit par ses camarades dans un hôpital, où il est fait prisonnier et emmené avec d’autres prisonniers à Novoazovsk, ville sous contrôle séparatiste située près de la frontière russe. « Nous étions à l’hôpital mais nous ne recevions aucun traitement sérieux », affirme-t-il. Il y reste près d’une semaine avant d’être transféré dans un établissement de Donetsk, le bastion séparatiste.
C’est là qu’il finit par avoir accès à un téléphone pour prévenir sa famille, qui appelle à l’aide le gouvernement ukrainien. « Ses proches m’ont contacté et demandé mon aide — sa mère, son frère, ses amis. Ils me cherchaient tous », explique Mme Verechtchouk, qui évoque alors son cas aux autorités russes. Après avoir un temps nié l’avoir sous leur garde, ces derniers finissent par reconnaître le détenir et acceptent de l’échanger, raconte-t-elle.
« J’adorerais te couper l’oreille »
Pour parler de ses relations avec ses geôliers, Glib évoque leur indifférence, mais aussi une certaine forme de cruauté.
Les médecins s’acquittaient généralement de leur devoir, raconte le soldat, mais il y avait aussi une infirmière qui l’injuriait en russe et laissait ses repas à son chevet, sachant pertinemment qu’il n’était pas capable de se nourrir lui-même. « Puis elle revenait et disait “Vous avez fini ?” et emportait la nourriture », se rappelle-t-il.
A l’hôpital, Glib était constamment surveillé et parfois menacé, un gardien allant même une fois jusqu’à faire glisser un couteau sur sa peau en le menaçant: « J’adorerais te couper l’oreille, ou te découper comme les Ukrainiens découpent leurs prisonniers ». Après une semaine à Donetsk, il est à nouveau déplacé. Direction la prison, cette fois.
Suivront pour le blessé des épisodes douloureux : il est porté dans une couverture, allongé sur le sol d’un bus, et finalement jugé en trop mauvais état pour quitter l’hôpital. Puis il dit avoir été à nouveau déplacé, en bus puis en ambulance, jusqu’à la frontière russe. On lui a dit qu’il part pour Taganrog, ville russe sur les rives de la mer d’Azov. Mais l’ambulance qui le transporte prend la direction d’un aéroport et, quelques heures plus tard, il s’envole avec d’autres blessés et des captifs aux mains liées et aux yeux couverts de ruban adhésif.
Le 28 avril, il atterrit en Crimée, péninsule annexée par Moscou en 2014, et apprend qu’il va être échangé. Les Russes l’emmènent alors avec trois autres blessés graves vers un lieu non divulgué, d’où les deux camps se toisent à un kilomètre de distance. « Quand nous avons fait ce kilomètre, j’avais tellement peur car qui sait ce qui peut arriver… », se souvient le soldat.
Sa mère se doutait que quelque chose était dans les tuyaux, mais ignorait tout des détails. Jusqu’à ce que Mme Verechtchouk l’appelle pour lui annoncer la bonne nouvelle : « J’ai laissé tomber mon téléphone et j’ai recommencé à pleurer », dit-elle.