Rêvant d’une vie calme et ordonnée, Sophie se marie à 25 ans avec celui qu’elle pense être l’homme de sa vie. Mais il va suffire d’une simple rencontre pour faire exploser tout son bel agencement…Dans un entretien avec ELLE, la jeune femme est revenue sur un épisode marquant de sa vie de couple
“Tout a l’air parfait. Ma vie semble tracée, exactement comme celles de mes parents et de mes grands-parents. Je passe mon enfance dans une petite ville de province du nord de la France et, à 18 ans, je pars en Suisse pour poursuivre des études de kinésithérapeute. Très vite, je tombe amoureuse de Victor, un joueur de hockey sur gazon, prometteur, en lice pour être sélectionné aux jeux Olympiques.
Une fois diplômé, Victor quitte la Suisse pour s’installer avec moi en France. Nous achetons une maison puis un chien. Il est beau, sportif, nous partageons les mêmes passions pour le hockey et la voile. Il devient le coach de mon équipe et s’entend à merveille avec ma famille. J’ai deux frères et une sœur plus jeunes, nous sommes ce que l’on appelle une famille extrêmement soudée. Ma mère considère Victor comme son troisième fils. Il coche toutes les cases.
Sept ans après notre rencontre, nous décidons de nous marier. Même si la passion des premiers jours est retombée, cette union est une évidence. Je me dis que l’homme parfait n’existe pas. Je veux fonder une famille, alors je n’ai plus qu’à dire oui. Avec le recul, je pense que je ne me suis pas posé les bonnes questions. La pression sociale est forte en province. De nature fonceuse, je m’investis à fond dans la préparation de la cérémonie. Je ne prête pas attention aux alertes de ma mère qui tente de me mettre en garde. « Sophie, tu es vraiment sûre que tu veux l’épouser ?
Il ne souhaite pas avoir d’enfants, et toi, c’est ton rêve… » finit-elle par me glisser à l’oreille. Le jour tant attendu arrive. Un vrai mariage de princesse, deux cents invités, les petits plats dans les grands. C’est le plus beau jour de ma vie. Quatre mois plus tard, nous nous envolons vers la Guadeloupe pour notre voyage de noces. Nous avons prévu de passer une semaine au Club Med pour faire de la planche à voile, puis une semaine de croisière en haute mer. Manque de chance, le vent n’est pas au rendez-vous. Peu importe, il y a toujours mille et une choses à faire au Club Med, non ?
Cette fois, ce n’est pas le cas, et Victor se morfond dans son coin. Notre lune de miel démarre mal. Prions pour que la deuxième semaine à bord du voilier se passe un peu mieux. Une fois à bord, les jeunes mariés que nous sommes bénéficient de la seule cabine double. Une jolie attention de la part du skippeur. Au moment où nous nous apprêtons à lever l’ancre, deux jeunes hommes arrivent en courant avec leur valise à roulettes. Deux petits Parisiens célibataires, étudiants en médecine, très bien habillés, mais n’ayant pas du tout le look « voileux ». Je les prends un peu de haut, mais très vite, je suis attirée par Alban.
Cette sensation intense, je l’avais déjà ressentie quelques années auparavant, alors que j’étais déjà en couple avec Victor. Mais ce n’était pas allé plus loin qu’une simple attirance. Je lui en avais même parlé, il avait compris et ne m’en avait pas tenu rigueur. Je sais qu’il ne faut pas que je retombe dans le piège. Je scrute Alban dans tous les sens, à la recherche de défauts qui m’arrangeraient bien. Il a un peu de ventre, alors que mon mari a un corps d’athlète. J’ai beau me concentrer, je ne trouve rien de plus que ce léger embonpoint. En revanche, il cumule les qualités à mes yeux.
Il aime la photo, cuisine super bien, voyage beaucoup, prend sa vie en main, aime son métier, il sera cardiologue, il sauve des vies… Un soir de clair de lune, l’ambiance est à la fête, et Victor, un peu rabat-joie, préfère s’éclipser dans notre cabine. Je reste avec Alban à boire des rhums coco tout en dansant sur les tables. Je me sens hyper bien. À part quelques effleurements, nous évitons tout geste trop rapproché. Mais je sens que l’attraction est réciproque.
Soudain, ma vie de provinciale plan-plan me saute aux yeux. Je repasse en accéléré les sept dernières années de ma vie. C’est une évidence : le futur qui m’attend auprès de Victor n’est pas fait pour moi. En revanche, celui que je pourrais partager avec Alban me fait complètement rêver. La semaine sur le bateau se termine, nous échangeons nos numéros en nous promettant de nous recontacter.
16 € les deux verres ?
Trois semaines plus tard, un match de hockey sur gazon à Paris me donne l’occasion inespérée de retrouver Alban. J’ai besoin de le revoir dans la grisaille parisienne pour en avoir le cœur net. Va-t-il continuer à faire chavirer mon cœur ou s’agit-il juste d’un flirt de vacances ? Il me propose de m’héberger chez lui durant le week-end du tournoi. Lors de nos déplacements, j’avais pour habitude de partager ma chambre d’hôtel avec ma petite sœur, puisqu’elle joue dans la même équipe que moi. Cette fois, je lui demande de se trouver un autre plan pour le week-end. Des années plus tard, j’ai encore honte de l’avoir laissée tomber.
Alban me récupère à la gare et m’emmène dîner dans un restaurant healthy comme je les aime – alors qu’il est plutôt entrecôte, frites et verre de graves. Nous continuons la soirée dans un bar, à boire des caïpirinhas. J’ai l’impression de découvrir la vie. Avec Victor, nous sortions peu, à part lors de rares dîners chez des amis. Le monde de la nuit s’ouvre soudainement à moi. Je n’ai aucune notion des prix parisiens et je me souviens avoir demandé au barman s’il ne plaisantait pas quand il m’a demandé 16 € pour deux verres.
C’est dire à quel point je suis ancrée dans ma petite vie de province. « Bienvenue à Paris ! » me lance Alban, avec un petit sourire moqueur. Je tombe dans ses bras. Je viens de rencontrer l’homme de mes rêves, celui qui va m’offrir la vie dont je rêve. Au réveil, alors que je n’ai dormi que deux heures, je sens en moi une énergie sans limites. Ce sera le plus beau match de hockey de ma carrière. Le week-end s’achève. Je reprends mon TGV pour ma province.
Les jours passent, j’ai l’estomac noué, je ne mange plus, je n’ai plus goût à rien. J’envoie les derniers cartons de remerciement pour mon mariage en pensant à Alban. Quel gâchis ! Avec Victor et une bande d’amis, nous avons prévu une semaine de ski à Courchevel. Je meurs d’envie d’annuler, mais la culpabilité m’en empêche. J’y vais la mort dans l’âme. Je passe ma semaine rivée sur mon téléphone à échanger des messages avec Alban. Mes amies le remarquent, mais Victor ne voit rien, ou bien fait semblant de ne pas voir. Je finis par craquer et tout avouer à mes amies. Puis à Victor. Il s’effondre, me promet de changer. Mais c’est trop tard.
Ses efforts me semblent grotesques. Nous prenons rendez-vous chez une thérapeute de couple. « Je peux vous aider à vous remettre ensemble. Mais je peux aussi vous aider à vous séparer… » Aurait-elle immédiatement compris que mon histoire avec Victor était finie ? Sa conclusion, après quelques séances, sera du genre limpide : « Sophie, vous avez choisi votre chemin, maintenant, foncez ! »
Dans ses bras, j’oublie tout
Je viens d’une famille très catholique, mes parents aident des couples à se préparer au mariage. Lorsque je leur annonce que je souhaite divorcer six mois à peine après mon mariage, c’est un tsunami domestique que je déclenche. Je ne sais même pas si j’ai véritablement un avenir commun avec Alban. À vrai dire, je ne le connais pas très bien ce garçon, je n’ai passé qu’un week-end en tête à tête avec lui, mais je suis prête à prendre le risque.
Alors la semaine, je travaille dans mon cabinet de kinésithérapie et, le week-end, je file à Paris retrouver Alban. Nous nous apprivoisons peu à peu, et je m’habitue à la vie parisienne. J’apprécie l’anonymat de la capitale. Mes parents sont des notables, toute la ville me connaît, et je marche tête baissée pour ne pas affronter le regard des gens qui me croisent. Ce n’est évidemment pas le cas à Paris. Avec mes parents, les relations sont désormais tendues.
La complicité que j’avais avec ma sœur s’est également effritée. En ayant rompu avec Victor, elle a perdu non seulement son beau-frère, mais aussi son coach qu’elle adorait. Dans les bras d’Alban, j’oublie tout ça. Nous sortons tous les soirs, je l’accompagne à un congrès au cœur de Chicago, nous partons aux Seychelles… Je découvre les voyages, la vie parisienne, les restaurants… Je réalise à quel point mon couple avec Victor n’était pas celui qui me correspondait. Dix ans et trois enfants après notre rencontre, nous avons décidé de nous marier l’été prochain. Une chose est sûre, nous ne partirons pas en voyage de noces sur un bateau !