Des retraités japonais commettent volontairement de petits larcins pour se retrouver en prison. Une situation, révélée par nos confères du Monde, que les seniors japonais jugent préférable à la misère et à la solitude.
« En prison, il a chaud, il est nourri et s’il est malade, on s’occupe de lui… Comme il est récidiviste, il en a pris pour deux ans… Un jour il faudra peut-être que je fasse comme lui », raconte un retraité japonais qui parle ici d’un de ses amis à un correspondant du Monde.
Dans un article, le journaliste Philippe Pons raconte ainsi qu’au Japon, les temps sont si durs pour les retraités que certains préfèrent parfois commettre un larcin pour se faire incarcérer. Et trouver ainsi la sécurité, l’encadrement médical ou social qu’ils n’ont pas à l’extérieur. Des seniors qui disent« préférer la prison à une vie au seuil de la pauvreté (ou en dessous) et à la solitude », confirme le correspondant du Monde.
Un phénomène qui s’aggrave
La prison devient ainsi, pour eux, une sorte de maison de retraite qu’ils ne pourraient pas s’offrir. La délinquance de vieux Japonais « est un phénomène apparu depuis une décennie qui va en s’aggravant ». 21,1 % des personnes arrêtées en 2017 avaient plus de 65 ans alors qu’en 2000, cette tranche d’âge ne représentait que 5,8 % de la population carcérale, rapporte le correspondant du Monde. Les retraités qui se retrouvent en détention ont souvent volé de la nourriture ou de quoi améliorer l’ordinaire.
Ces détenus d’un certain âge « entendent mal et tardent à exécuter les ordres ; certains sont incontinents, d’autres ont des problèmes de mobilité et il faut parfois les aider à se nourrir et à se laver ». Une population carcérale vieillissante qui engendre de facto « de nouvelles charges pour l’administration pénitentiaire ».
Des témoignages
Monsieur A. a 67 ans. Soigneusement habillé et rasé, il est en liberté conditionnelle depuis mars, dans l’unité de réhabilitation Koshinkai, à Tokyo, où on le rencontre. Il a purgé une peine de deux ans de détention pour de petites arnaques, explique-t-il vaguement. Son avenir est encore flou. Il voudrait aller habiter chez son fils qui a 40 ans. Et puis travailler, bien sûr. Il lance d’un air convaincu : « Je vais monter une entreprise avec mon fils. Dans ma vie, j’ai fait tous les métiers, “salaryman”, employé de restaurant, de bar. » La prison, il en garde un bon souvenir.
« L’emploi du temps est très organisé. La violence ? Pas du tout, c’est très calme. J’ai assisté une seule fois à une dispute, au réfectoire. »
L’un des codétenus de Monsieur A. avait 82 ans. « Oh, lui, c’est la troisième fois qu’il revenait ! Tous les gardiens le connaissaient ! » L’octogénaire volait à l’étalage et s’arrangeait à chaque fois pour se faire arrêter. Et revenir dans ce qui était devenu sa maison : la prison.