L’eau, c’est la vie. Jean du Christ Ali, co-fondateur et Président Directeur Général de Maji Sarl compte redonner à cette phrase tout son sens. Par sa solution, Maji, permettant d’analyser la qualité de l’eau grâce à un simple appareil, ce Togolais de 22 ans, et son équipe veulent réduire les décès et les maladies liées à la consommation d’eau non-potable. Une innovation qui a émerveillé toute l’assistance ainsi que le jury lors du concours du Lab francophone destiné aux objets connectés tenu en mai 2017 au WoeLab à Lomé.
Comme dans la capitale togolaise, la ferveur suscitée par cette innovation a été la même au cours du YouthConnekt Africa tenu en juillet à Kigali (Rwanda). Un forum initié par le président rwandais Paul Kagame et qui a réuni le ghota de décideurs et patrons d’Afrique et du monde dont le fondateur d’Alibaba, le Chinois Jack Ma, l’homme le plus riche de Chine, la star philanthrope Akon, etc.
Dans cet entretien accordé à Lfrii l’Entreprenant (www.l-frii.com), le jeune patron revient sur les clés de son succès ainsi que sur ses prochaines ambitions.
De fortes ambitions malgré les petits moyens
Nul besoin de grands diplômes, de grands moyens ou d’un certain âge pour apporter un changement dans sa communauté ou dans son pays. Et cela, Jean du Christ l’a compris très tôt. En se donnant comme seule limite le ciel, il n’hésite pas à aller sur des terrains inconnus et à rallier les compétences pour atteindre ses objectifs. Sociologue de formation, issu de l’Université de Kara, Jean du Christ n’a jamais foulé le sol d’une école d’informatique ou de technologies, mais il est patron d’une start-up qui a pour cœur de métier l’ingénierie.
« Je m’intéresse à beaucoup de choses. Je suis du genre polyvalent. Je fais du design et un peu de code. Donc quand ce concours fut lancé, j’ai exposé mon idée à des amis qui ont eu une formation. J’ai pu en convaincre trois et c’est ensemble que nous avons conçu Maji », évoque-t-il.
Son ambition à faire de grandes choses avec les moyens du bord et son esprit entrepreneurial (hérité de sa mère) l’ont amené à se former sur un tas de choses.
« J’ai grandi avec ma maman qui vendait des céréales et très tôt, j’ai appris à faire du business. Je vendais les céréales de ma maman à la criée dans les artères de la ville de Sokodé pendant les week-ends et les vacances jusqu’à l’obtention du Bac. »
Les difficultés de la vie n’ont guère réussi à émousser ses prémices entrepreneuriales, au contraire, elles l’ont rendu plus fort.
« Un jour, alors que je vendais aux portes d’un car, voilà la fille que je courtisais depuis des mois descendre de ce car. Quelle n’était pas mon envie de disparaître à cet instant-là ? Ce n’était juste pas croyable ! Mais j’ai pris mon courage à deux mains pour l’interpeller avant qu’elle ne le fasse. Elle était aussi surprise que moi. Après une vague de moqueries, elle finit par acheter un sachet de chips. Et pour prendre ma revanche, je le lui ai vendu au double du prix. Ce fut pratiquement le cas avec ceux qui se moquaient de moi. Avec ces situations, j’ai su surpasser la timidité et la honte qu’auraient certains jeunes pour pouvoir réaliser un bénéfice net de 248.000 frs au bout de trois mois. »
Passage éclair de l’idée à la réalisation
Maji a réussi son passage de simple idée dans la tête des concepteurs à celui de la réalité en l’espace de trois jours. Et c’était dans une atmosphère pesante malgré la convivialité qui régnait entre les treize équipes participantes au concours du Lab francophone.
« Nous avons eu trois jours pour concevoir un prototype. Journées au cours desquelles le stress fut au comble, le temps paraissant plus rapide, et les esprits s’échauffant quelques fois. Nous avons passé des nuits à travailler sur ce que nous avons aujourd’hui comme prototype. Des fois, on oubliait de manger », se rappelle Jean du Christ.
Le point d’orgue de ce concours fut la nuit où le fondateur du WoeLab, Sename Agbodjinou leur avait remonté les bretelles sur le design du prototype. « Il n’a pas été tendre avec nous, se souvient-il souriant. Mais ça en valait la peine. Il nous a donné des pistes pour aboutir au produit et nous avions passé toute la nuit à reprendre l’aspect physique de Maji, car plus tard dans la journée, on devait présenter le prototype en plénière. Dieu merci cela a payé, nous avons remporté le deuxième prix. »
Une expérience qui amène la jeune start-up à voir grand et à ambitionner se développer à l’international. Et ce, à travers son nom ‘Maji’ qui veut dire eau en Swahili, une langue enseignée et étudiée dans les plus grandes universités du monde. Ambition concrétisée, en partie, avec le forum Africa YouthConnect.
Toute la jeunesse africaine connectée
Le forum Africa YouthConnect a été une bouffée d’air pour l’équipe de Jean du Christ Ali. Au-delà des investisseurs potentiels rencontrés avec qui le jeune patron compte tisser des partenariats très prometteurs, ce forum lui a permis d’être à l’avant-garde des projets de développement en faveur de la jeunesse.
L’Afrique a la population la plus jeune au monde (226 millions de personnes âgées de 15 à 24 ans). Et ce sommet, grâce aux importantes décisions prises, devrait permettre à cette jeunesse de libérer tout son potentiel.
Jack Ma, le fondateur d’Alibaba Group a promis, au cours de ce forum, octroyer des bourses à 200 jeunes africains pour acquérir dans sa compagnie des expériences dans l’e-commerce, l’internet et l’intelligence artificielle. Ce magnat de l’e-commerce promet également 10 millions de dollars pour soutenir des jeunes entrepreneurs africains. Il compte en outre signer des partenariats avec les universités africaines et soutenir les efforts de conservation de l’environnement en Afrique.
L’initiateur du forum Africa YouthConnect, le président Paul Kagame espère la résiliation des visas entre les pays africains. « Le développement de notre continent doit passer par la libre circulation des biens et des personnes, et c’est dans cette mesure qu’on parlera d’une véritable intégration », a-t-il expliqué sous un tonnerre d’acclamations lors du forum.
Détecter la qualité de l’eau, comment s’opère la magie de Maji ?
L’utilisation de Maji ne relève pas de coup de maître. L’appareil est très facile et pratique à utiliser. L’appareil est équipé d’un écran qui affiche des données et dispose de deux petites ampoules, l’une rouge et l’autre verte. « Lorsque vous trempez le bout de l’appareil dans l’eau et que la verte s’allume, c’est que votre eau est potable. Mais quand elle est rouge, c’est que l’eau n’est pas potable et que vous ne devez pas la boire », explique-t-il.
L’autre aspect innovant, poursuit-il, c’est que si vous utilisez cet appareil sur une source d’eau, comme par exemple un cours d’eau, un forage ou un puits, vous pouvez géo-localiser la zone et envoyer les données vers un serveur. Un aspect utile pour des études et la réalisation des cartes d’accès d’eau potable dans une région pour nos populations.
Maji, Go ahead !
L’aventure continue pour la jeune équipe de Maji Sarl. Elle compte mettre son produit sur le marché d’ici à 2019, le temps de l’améliorer. Heureusement, elle peut compter sur ses partenaires dont l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF), la plateforme Waziup, et le WoeLab où elle sera en incubation à partir de janvier 2018.
Tout en profitant de l’occasion pour les remercier, Jean du Christ Ali lance un appel à l’endroit d’autres partenaires ou investisseurs qui aimeraient contribuer au développement de Maji.
À l’endroit de la jeunesse, il leur livre le secret de sa réussite : « We have to follow our passion and never give up » (Nous devons suivre notre passion et ne jamais baisser les bras).