Favorite des prochains jeux olympiques de Tokyo, initialement prévus en juillet 2020, la judokate franco-togolaise Clarisse Agbegnenou a été «anéantie» par le report en raison de la pandémie de coronavirus. Dans une interview accordée à l’AFP, la quadruple championne du monde de judo, confinée en famille sur l’île de la Réunion, revient sur cet épisode qui a chamboulé ses ambitions.
Comment vivez-vous cette période de confinement ?
J’ai apporté des affaires pour pouvoir m’entraîner ici, des élastiques, quelques haltères… Au début, ça a été compliqué parce que j’avais un manque de repères. Mais comme les Jeux n’avaient pas encore été reportés, j’étais motivée. Je me disais: +Allez, il faut continuer, ce n’est pas fini, ça va bien se passer+. Après, il y a eu le report des Jeux, et là, j’étais vraiment anéantie. Ça a été une période vraiment très, très compliquée pour moi.
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Comment avez-vous réagi en l’apprenant ?
Je n’étais vraiment pas bien. J’en ai beaucoup pleuré, je ne voulais pas parler. Parce que je n’avais qu’un objectif en tête, que je me suis entraînée pendant quatre ans, que j’ai fait des sacrifices, que ça a été dur, long, qu’il ne restait que quelques mois, que ça arrivait presque au bout, et non, on me l’enlevait et on me disait de continuer à m’entraîner. Ça a été très compliqué de me dire qu’il fallait recommencer pendant encore un an. Évidemment, je me suis dit: +Clarisse, tu vois bien que la situation est impossible, que tu ne peux pas faire les Jeux, que personne ne peut les faire, la santé passe avant tout+. Mais c’est vrai qu’une partie de moi pensait qu’on allait trouver une solution. Mais non, ce virus est coriace, et bien sûr, c’était le meilleur des choix.
Un mois après, l’avez-vous digéré ?
Ça va mieux. Avec le recul, je me dis que c’était juste impossible de voyager et de combattre dans ces conditions, et, même pour ma famille et mes amis qui allaient venir me voir, que c’était une exposition impossible. Je vois que la situation est grave, horrible. Mais je pense que quand la date arrivera (où elle devait combattre, le 28 juillet, ndlr), ça me fera une petite piqûre de rappel.
Le fait que vous abordiez les JO-2020 en tant que favorite fait-il grandir la frustration ?
Oui, parce que j’attendais vraiment ça pour compléter mon livre, boucler ce cycle: il ne me manque plus que la médaille d’or olympique pour pouvoir dire que j’ai tous les titres qu’un athlète peut obtenir. J’étais dans un sprint, sur ma lancée, à fond, et en plein milieu, on m’a dit: +Ah non, finalement, c’est un faux départ, il faut tout recommencer+. C’est difficile.
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Dans ces conditions, vous êtes-vous relâchée au niveau de l’entraînement physique ?
Pas vraiment. Je fais au moins une séance par jour. J’ai trouvé une autre envie, une autre motivation: il y a plein de choses que je n’avais pas l’habitude de travailler ou que je ne travaillais plus par manque de temps. Je ne suis pas très souple, alors je travaille ma souplesse. Je fais plus de yoga, de mobilité. J’essaie de faire des choses qui m’intéressent, et pas parce que je suis obligée de les faire.
Comment gérez-vous l’incertitude autour de la reprise des entraînements et des compétitions ?
C’est très difficile, d’autant plus que je suis une personne très ordonnée, j’aime bien prévoir à l’avance. Ça m’a vraiment chamboulée de ne pas savoir du tout et d’être dans le flou total. J’apprends à être une autre personne, à vivre un peu plus au jour le jour, ce qui n’est pas facile. J’apprends à être patiente dans l’incertitude aussi. Ce n’est pas simple.
Vous projetez-vous sur les semaines, les mois qui viennent ?
Comme je ne sais pas quand on va reprendre, je ne me projette pas. Je n’ai jamais connu un arrêt aussi long, même à cause d’une blessure. J’essaie d’entretenir mon corps et d’avoir une bonne hygiène de vie pour être en forme et ne pas devoir repartir de zéro quand on reprendra.
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Le report à l’été 2021 écourte l’olympiade menant à Paris-2024. Cela perturbe-t-il votre organisation ?
Je voulais faire une pause (après les JO-2020) pour me ressourcer, me recharger en énergie pour pouvoir repartir sur l’olympiade de 2024. Mais comme je fais une pause maintenant, je ne sais pas si, après un an à travailler à fond pour 2021, j’en aurai besoin ou pas. Je préfère ne même pas y penser (…). Je vais voir quand je pourrai m’entraîner, quand vont recommencer les compétitions, comment va se passer 2021, et après, je verrai (…). L’olympiade va passer assez vite avec tout ce qu’on a vécu.