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La leçon inaugurale du Pr Chitou

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Leçon inaugurale de la 6ème édition du Forum National de la Coopération Universitaire

Thème : ‘’COOPERATION SECTEUR PUBLIC ET SECTEUR PRIVE DE L’ENSEIGNEMENT SUPERIEUR‘’

Professeur Ibrahim CHITOU, Conseiller Technique  du Ministre de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche – Conseiller Technique des Présidents des Universités de Lomé et de Kara – Coopération Française

Lomé, 20 mars 2014

 

Mesdames & Messieurs,

 

D’abord, qu’il me soit permis, comme il est de bonne convenance de remercier  l’auditoire si nombreux.

Que les personnalités gouvernementales, diplomatiques, académiques, économiques et celles de la société civile ici présentes reçoivent avec déférence l’expression de ma considération.

Je tiens à vous remercier du grand intérêt que vous portez à ce salon de l’étudiant car, les étudiants d’aujourd’hui sont la force créatrice de demain et la source véritable de développement de l’après demain.

La formation est la clef du développement d’un pays. C’est le vecteur structurant des processus de modernisation socioéconomique et de l’épanouissement individuel et collectif. Toute formation doit d’abord répondre à un réel besoin exprimé par la société, d’où la nécessité de promouvoir des mécanismes d’ajustement anticipatifs des offres et des demandes d’emploi. Dans ce monde chronométrique, globalisé et réticulaire, où le cycle de vie des compétences devient de plus en plus court, il est fondamental que de nouvelles formes de coopération entre les établissements d’enseignement supérieur et l’environnement socio-économique, sous-tendent des stratégies pédagogiques audacieuses par le brassage des ressources humaines et leur mutualisation. Pour ce faire, il est souhaitable que s’ouvre une nouvelle ère de coopération entre les établissements eux-mêmes quel que soit le secteur auquel ils appartiennent. Les universités publiques togolaises trouveront d’ailleurs un nouveau souffle de dynamisme en favorisant le développement de passerelles entre les écoles, instituts et les facultés. Il s’agit de pouvoir développer des nœuds de pôles d’excellence pour répondre efficacement aux besoins des étudiants et, par ricochet, aux exigences des entreprises et de diverses organisations.

Pour ce faire, il est souhaitable de décloisonner les frontières entre les établissements par la promotion de tissage de réseaux permettant de mutualiser les ressources afin de renforcer les capacités d’action du secteur de l’enseignement supérieur et de la recherche dans son ensemble au profit du développement du Togo voire de la sous-région.

Cette leçon inaugurale se structure en deux parties :

–         la complexité du projet coopération Université-Etablissement privé

–         les conditions de coopération et diverses approches.

 

Première partie : La complexité du projet de coopération Université Publique-Etablissement privé d’Enseignement Supérieur

 

Coopérer suppose qu’il y ait entre les partenaires : un projet général, un objectif précis et des intérêts communs. Cependant des intérêts peuvent être divergents dans une certaine mesure mais socialisables. Le seul agent de leur socialisation est l’Etat dans ses fonctions régaliennes par le biais d’un projet collectif en l’occurrence l’éducation supérieure ancrée dans une vision claire du développement maîtrisé.

Alors qu’est-ce qui différencie une université publique d’un établissement d’enseignement supérieur privé au-delà de la question de la nature de propriété ? Quelles pourraient être les raisons d’une stratégie contrainte de coopération ?

 

I)                 Université Publique VS Etablissement d’Enseignement Supérieur Privé

 

a)   Ce qui caractérise l’Université Publique

  • Ø D’abord, l’université est un lieu de maximisation des biens compossibles. Ce qui n’est pas le cas de l’Etablissement privé d’enseignement supérieur.

Un bien compossible est un bien détenu par un nombre potentiellement infini d’individus et qui est tel que celui ou celle qui le transmet ne cesse pas de le posséder

Le mot « compossible » a été utilisé pour la première fois par Leibniz (1646-1716) et repris par Bernard Roussel (1872-1970).

 

  • Ø Ensuite, il y a des principes non négociables qui caractérisent l’université et les universitaires. Ces principes sont : l’autonomie, la liberté et l’éthique.

L’éthique a double sens :

i)                   la Sagesse qui, prise au sens du latin « sapientia » veut dire, en premier lieu, intelligence mais aussi jugement, bon sens, prudence, en deuxième lieu, sagesse à tous les points de vue et en troisième lieu, science et en particulier philosophie. Dois-je rappeler la fameuse formule célèbre de Rabelais « Science sans conscience n’est que ruine de l’âme »

ii)                 le sens donné  par E. Kant, c’est-à-dire du devoir : ce qu’on peut (doit) faire et ce dont on doit s’abstenir de faire ou le devoir-être (Ricoeur, 1990). C’est encore : « … ce qu’on doit moralement ou nécessairement faire en fonction d’un certain problème ou ce qu’on doit moralement faire, si l’on veut réaliser certaines valeurs, ou certains buts » (Habermas, 1992). La conciliation harmonieuse du principe de liberté qui caractérise le monde universitaire et le « climat d’éthique » ou l’ « éthique de gestion » doit sous-tendre l’action de chaque acteur dans le système de missions collectives.

Concernant la question de liberté et d’autonomie, pour faire court, je me borne à rappeler la « MAGNA CARTA UNIVERSITATUM », signée dès 1988 par plus d’une centaine de présidents et de recteurs d’universités européennes, qui énonçait comme le premier de ses «  principes fondamentaux » celui-ci :

« l’Université, au cœur de sociétés diversement organisées du fait des conditions géographiques et du poids de l’histoire, est recherche et l’enseignement… Elle doit être indépendante de tout pouvoir politique, économique et idéologique ».

 

  • Ø Aussi, il n’est pas acceptable d’opposer les savoirs comme d’aucuns ont tendance à le faire. Le savoir théorique ne doit pas être opposé au savoir opérationnel. Il y a d’une manière intime une relation de bijection entre ces deux formes de savoirs.

 

En effet, « Selon moi, ce qui caractérise l’enseignement universitaire, qu’il s’agisse d’un enseignement à vocation essentiellement professionnelle (le droit, la comptabilité, la médecine) ou essentiellement théorique (les études littéraires, la sociologie, la philosophie, la physique), c’est son ambition de faire pénétrer chacun des étudiants dans une tradition intellectuelle qui institue une relation critique avec cette activité professionnelle ou cet effort de théorisation de manière à faire de lui un participant à ce qui, en bout de piste, n’est rien de moins que la grande conversation critique que l’humanité entretient avec elle-même. »  (Normand Baillargeon – Je ne suis pas une PME – Plaidoyer pour une université publique, Essai Libre, Canada, pp. 59-60).

 

Ce qui caractérise l’Etablissement privé d’enseignement supérieur

Quant à l’Etablissement Privé d’Enseignement Supérieur,

  • Ø il opère par tri, par segment porteur ou par niche en vue de maximiser son chiffre d’affaires ou de maximiser son profit ; il est souvent pénétré par une logique de marché ;
  • Ø il construit un modèle économique qui lui permet d’atteindre ses objectifs et de créer une dynamique endogène de pérennisation de ses activités ;
  • Ø il agit par opportunisme ; il cherche souvent à combler un vide qui puisse lui offrir des opportunités de rentabilité au moindre coût ;
  • Ø il a cependant, une grande capacité d’adaptation aux évolutions de son environnement socioéconomique et des exigences des entreprises si cela n’entraîne pas des investissements coûteux non rentables ;
  • Ø l’EPES a une grande capacité de réactivité ; par exemple en moyenne, il faut entre 3 et 9 mois pour créer une formation dans un EPES tandis que, pour une université, il faut en moyenne entre 12 à 18 mois.

 

En résumé, l’Université et l’Etablissement privé d’enseignement supérieur sont des organisations qui n’ont pas tout à fait les mêmes vocations voire la même philosophie. Pour faire court, je cite quelques passages du discours du Pr. Michel GAY, Secrétaire Général du Syndicat Autonome en France et Secrétaire Général de l’IAUPL (Association Internationale des Professeurs d’Université et des Maîtres de Conférences, association affiliée à l’UNESCO) : lors de l’ouverture du Colloque sur ‘‘Le rôle des universités et des universitaires dans l’économie de la connaissance’’ en Moldavie le 26 avril 2012 :

« La conception universitaire du savoir est une conception ouverte… L’Université doit proposer une vision globale du savoir à long terme… L’Université n’a pas seule vocation à former des spécialistes, elle doit aussi et surtout  transmettre à ceux qui la fréquente une formation humaniste, c’est-à-dire une formation permettant à chacun d’appréhender la complexité du monde qui l’entoure et agir dans le cadre d’une intention qui porte aussi une espérance collective ».

On retrouve en filigrane le fond de cette citation par exemple dans le message que l’Université de Kara  essaie de faire passer durant ces cérémonies marquant  son 10ème Anniversaire ;  je cite : « L’Humanisme dans l’action : une Université au service de la communauté ». Un EPES ne peut pas faire sien d’un tel message.

A travers ce message, il peut être bien appréhendé l’intelligibilité même de la raison d’exister d’une Université Publique.

 

Malgré ces différences importantes, ces deux entités, UP et EPES doivent pouvoir coopérer, d’abord, pour leur propre survie, mais également pour mieux porter le projet collectif qui s’exprime par le triptyque Formation-Emploi-Développement. Ce triptyque est finalement le seul élément de leur socialisation ou la raison d’être de coopérer.

 

II)              Les raisons d’une stratégie contrainte de coopération

D’abord, quelles sont les raisons des uns et des autres pour s’inscrire finalement dans une démarche de coopération ?

  • Ø Voyons du point de vue de l’Université publique

Première raison : L’environnement, de plus en plus complexe a un effet déterministe sur les organisations quelle que soit leur forme ou nature. Les organisations sont donc comme des organismes vivants en interactions dynamiques avec leur environnement. Donc, elles sont obligées d’évoluer au gré des évolutions de l’environnement qui devient de plus en plus global et chronométrique.

L’Université Publique est une organisation complexe, un paquebot difficile à piloter et à manœuvrer. Les outils classiques de gouvernance ne sont plus pertinents pour lui permettre d’être efficace. Pour ce faire, l’Université Publique doit évoluer d’un modèle de gouvernance de culture administrative vers un modèle de gouvernance de culture entrepreneuriale.

Deuxième raison : La difficulté à répondre efficacement aux exigences de besoins de formation plus en adéquation avec les réalités socioéconomiques va l’obliger à s’insérer dans des réseaux par approche coopérative ;

Troisième raison : L’incapacité à satisfaire de nouvelles demandes de formation va contraindre  l’UP à s’ouvrir et à adopter des stratégies de captage de ressources par des accords disparates avec des établissements privés ;

Quatrième raison : La rareté des ressources financières, pédagogiques et humaines pour faire face à ses missions va contraindre l’UP à s’allier avec des organismes divers au risque de perdre parfois l’essence même de son existence.

Pour toutes ses raisons, l’Université Publique est condamnée à trouver de nouvelles réponses pour sa survie. Une des réponses est la coopération.

 

L’Université, pour échapper parfois aux contraintes juridico-institutionnelles et politiques est amenée à coopérer avec des établissements privés d’enseignement supérieur pour :

  • se donner une certaine marge de manœuvre afin de définir un modèle économique qui soit en corrélation avec les exigences de la formation donnée ;
  • bénéficier de certaines infrastructures pédagogiques de qualité qu’elle ne peut s’acquérir;
  • tirer économiquement profit de son image ou label ;
  • renforcer son autonomie de décisions.

 

  • Ø Voyons maintenant du point de vue de l’Etablissement privé d’enseignement supérieur

En ce qui concerne l’Etablissement privé d’Enseignement Supérieur, le « Processus de Bologne » appelé communément, le système LMD impose de facto aux établissements privés de nouvelles exigences en matière de délivrance des diplômes. En effet, la standardisation des curriculums institue un mécanisme lumineux de contrôle ou d’autocontrôle des contenus de savoirs, savoir-faire, savoir-être, savoir pourquoi, savoir comment etc. Par exemple, une école privée en France ne peut pas délivrer un diplôme de Master (dans le système LMD) si elle n’a pas un laboratoire de recherche adossé à la filière considérée. Dans ces conditions, les établissements privés sont obligés de rechercher des partenaires en mesure de les aider à répondre à ces exigences. Ces partenaires sont naturellement d’abord les Universités Publiques. Exemples : le cas de l’ESG en France ou de l’Institut francophone de Management à Athènes.

Par ailleurs, la démarche de  certification des établissements d’enseignement supérieur conduit nombre de grandes écoles, universités à rechercher des alliances pour mieux se positionner sur le marché des formations. Désormais, la culture marketing va gagner le secteur de l’enseignement supérieur, puisque l’étudiant est désormais traité comme un client qu’il faut satisfaire en termes de quantité, qualité, délai et coût d’où le processus de la marchandisation du savoir en occurrence du savoir-pratique qui est beaucoup plus rentable. La certification crée une dynamique compétitive des établissements de formation supérieure. Il s’agit désormais de donner l’assurance aux parents d’étudiants et aux étudiants eux-mêmes que la formation qu’ils recevront sera conforme aux standards des meilleurs établissements au niveau international et en même temps un gage pour obtenir rapidement un travail.

 

Somme toute, concernant les universités et les établissements privés d’enseignement supérieur, on est forcément rentré dans ce qui convient d’appeler l’ère des stratégies contraintes qui impliquent des dynamiques d’évolutions croisées. Les UP doivent davantage s’ouvrir tout en préservant leurs principes fondateurs ; les EPES doivent évoluer en instillant dans leur culture un peu de la compossibilité. C’est dans ces conditions que peut se développer une coopération lumineuse entre les UP et les EPES au service du développement.

 

Deuxième partie : Les conditions de coopération et diverses approches

 

Le projet de développement et la vision qu’a l’Etat lui-même de ce que doit être véritablement l’Education Supérieure dans un pays en développement constituent le cadre de référence d’actions des acteurs du monde de production des compétences de haut niveau. Des pistes d’approches peuvent donc être esquissées.

 

I)                 Le projet de développement et la vision globale de l’Education Supérieure

 

D’une manière générale, au-delà des stratégies contraintes que des UP et des EPES sont obligés de déployer pour leur survie, notons que, le projet de développement et la définition claire par l’Etat de ce que doit être l’Education supérieure dans son ensemble sont de nature à structurer un climat de confiance entre les acteurs ; ce qui favoriserait la promotion de cadres de coopération portée par le projet de développement. En effet, dans un climat de confiance, la régulation et le pilotage du système éducatif supérieur sont beaucoup plus aisés car des acteurs peuvent s’allier (collaborer) pour agir efficacement au regard des objectifs et intérêts globaux qui constituent des vecteurs structurants de leurs actions.

Une vision claire du système d’enseignement supérieur par rapport au projet de développement constitue la base fondamentale pour des stratégies de coopération entre les établissements privés  et les universités publiques. Alors, il revient à se poser les questions : quel modèle éducatif pour quel type de développement ?

En tout cas, il faut une vraie politique du système d’enseignement supérieur et de la recherche où chaque secteur doit pouvoir jouer pleinement sa partition au regard des exigences des plans de développement et des stratégies macroéconomiques définies par les pouvoirs publics. Pour ce faire, l’Etat doit se doter des moyens d’actions efficaces pour la régulation du système d’enseignement supérieur dans son ensemble au regard des grands axes de développement.

Cependant, il devient urgent que soit accélérée la mise en place d’un cadre juridico-institutionnel approprié, au regard de la nouvelle donne de globalisation des marchés de compétences qui se dessine. La formation est la vraie richesse que l’on puisse donner à un citoyen. C’est la clef du développement. Il n’y a de richesse que de citoyens formés. L’Etat a le devoir d’en donner gracieusement. L’Etat doit veiller à ce que les UP et les EPES puissent répondre efficacement à leurs missions.

 

 

 

II)              La formulation de propositions pour une politique de coopération maîtrisée Université Publique-Etablissement d’Enseignement Supérieur Privé

 

Il est important de relever les différents niveaux de coopération et ensuite de donner quelques pistes sur un cadre construit de coopération UP-EPES.

 

  • Ø La coopération ne s’arrête pas à la signature d’une convention. Il faut qu’il y ait du contenu et des axes d’actions concrètes à opérationnaliser selon des plans doctement élaborés et maîtrisables.

Il est souhaitable que les différentes approches soient bien définies et comprises par les partenaires. Je définis plusieurs niveaux de coopération.

  • La coopération tuteurée : l’un des deux partenaires est à un niveau d’exigences académiques qui lui permet de jouer le rôle de mentor pour amener l’autre au même niveau pour que la ‘‘coopération normale’’ soit possible par la suite ;
  • La coopération contrainte : elle se limite seulement à des échanges  d’enseignants en vue d’un renforcement capacitaire pédagogique ;
  • La coopération coordonnée : dans ce cas, le niveau de partage d’information est plus élevé et les partenaires coopèrent étroitement en faisant en sorte que chacun s’appuie sur la capacité de l’autre. Cela peut conduire à des planifications synchronisées pour bénéficier de cadres synergiques d’actions avec d’autres partenaires ; par exemple, un enseignant de l’UP qui n’a pas assez d’heure de cours pour accomplir  son service statutaire peut faire le complément dans un établissement privé. L’établissement privé sera amené à verser une compensation financière à l’UP couvrant le service fait ;
  • La coopération synchronisée : c’est le plus haut degré de coopération qui favorise l’élaboration de projet de recherche commun, la co-diplômation, des systèmes de gestion intégrés en réseaux télématiques permettant la réponse efficace aux apprenants et aux acteurs du monde socioéconomique. Cette forme de collaboration peut entraîner la mise en commun de systèmes de recrutement des étudiants.

Quels sont les avantages de la coopération UP-EPES ?

Les avantages de la coopération sont essentiellement :

  • La mutualisation des ressources et la facilitation à l’accès aux compétences pédagogiques rares au moindre coût ;
  • La coopération favorise le partage d’expériences et de compétences ;
  • Elle instaure des mécanismes d’autorégulation et d’auto-disciplinaire ;
  • Elle permet de promouvoir de meilleures approches de la gouvernance et de favoriser le développement d’une culture de la performance en termes d’efficacité, d’efficience, de pertinence et d’effectivité ;
  • La coopération favorise la gestion partagée des ressources pédagogiques et permet d’améliorer le rapport coût/étudiant tout en donnant une meilleure satisfaction aux apprenants. Elle permet donc, une meilleure utilisation des ressources humaines ;
  • Elle renforce une meilleure visibilité et lisibilité des niveaux de contenus pédagogiques ;
  • Elle améliore la qualité des formations et renforce la réputation des établissements et, par ricochet l’image générale du système éducatif supérieur dans son ensemble.

 

En tout cas, il est souhaitable que l’UP développement des stratégies de coopération sélectives pour pouvoir préserver un niveau d’excellence appréciable tout en évitant des dérives préjudiciables à ses principes fondamentaux.

Pour toutes ces raisons, la coopération UP-EPES est vivement à encourager. Cependant, il revient à l’Etat de mettre en place un cadre juridico-institutionnel pertinent et les moyens qui puissent favoriser le développement des stratégies coopératives efficaces.

Somme toute, il faut une régulation basée sur des règles clairement établies tout en favorisant la régulation autonome par les acteurs eux-mêmes.

 

  • Ø La formulation de quelques orientations et actions concrètes pour la formalisation d’un cadre général de coopération UP et EPES. Pour ce faire, il est proposé :

 

  • L’élaboration d’un guide général où seront recensés toutes les formations et les établissements tant des UP que des EPES ;
  • La promotion de contrats de développement professionnel (CDP) où les UP et EPES vont devoir coopérer pour répondre aux exigences de l’Etat dans le cadre de sa politique du développement du pays ; le CDP serait un contrat  impliquant quatre partenaires : l’UP, EPES, la Chambre de Commerce et de l’Industrie et la Région ;
  • Le parrainage par des UP des établissements privés qui s’inscrivent dans le cadre de la politique d’aménagement de territoire en implantant leur centre hors des grandes agglomérations ;
  • Des subventions aux EPES qui accueillent des étudiants dans des filières spécifiques ou technologiques ;
  • La mise en place au sein du Ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche d’une vraie direction de l’enseignement privé supérieur dotée de moyens de contrôle de respect des normes et d’évaluation des EPES.

Ces actions vont permettre de créer un climat de confiance favorable à des innovations coopératives entre les UP et les EPES.

Il est important d’être attentif au fait que la faiblesse du mode de régulation du secteur privé peut brouiller l’image générale du système d’enseignement supérieur. Sur ce plan, une approche concertée des actions initiées par les Gouvernements sous l’expertise du CAMES est à rechercher. Le problème du secteur privé doit être traité d’une manière concomitante au niveau national et sur le plan régional. Il est souhaitable de renforcer les structures du CAMES en lui donnant de véritables moyens pour développer des services efficaces dédiés à la régulation régionale du secteur privé d’enseignement supérieur. S’il est accepté que le secteur privé doive jouer pleinement son rôle de complémentarité par rapport au secteur public, il conviendrait que des moyens (institutionnels, humains, matériels et financiers) lui soient alloués. Il est à trouver un modèle de partenariat approprié entre le secteur public et le secteur privé pour une cogestion de la production des compétences nécessaires et utiles pour accompagner le développement du Togo. A ce sujet, le modèle nigérien naissant est à étudier pour servir d’exemple. En effet, de vrais dispositifs institutionnels ont été déjà mis en place pour favoriser des stratégies de collaboration synchronisée entre les deux secteurs. Par ailleurs, il peut être noté l’effort d’autorégulation du secteur privé burkinabè par le développement des associations dont l’Union des Etablissements Privés Laïc (UNEPL) qui fait de temps en temps des études et rapports pour éclairer sur les états des lieux de l’enseignement supérieur privé non confessionnel.

Pour ce qui est du Togo, il est à espérer que la création de la « Convention pour l’Excellence et la Valorisation de l’Enseignement Supérieur au Togo » (CEVEST) puisse permettre  d’aider à aplanir quelques unes des difficultés des EPES et à corriger dans une certaine mesure leurs faiblesses. D’ailleurs la formalisation d’un cadre de régulation approprié est en cours de consolidation au niveau du MESR. D’ailleurs, le ‘‘Cahier de charges pour les demandes de création, d’ouverture, d’habilitation et d’agrément des établissements privés d’enseignement supérieur au Togo’’ est déjà mis à la disposition des acteurs concernés.

 

Conclusion

La coopération UP et EPES s’inscrit désormais dans un nouveau paradigme organisationnel du système d’enseignement supérieur porté par le projet de développement. La coproduction efficace de ressources humaines UP-EPES devient la tendance lourde au regard des exigences d’un environnement globalisé sous-tendu par l’économie de la connaissance.

Dans la sous-région, il est urgent de réguler efficacement le secteur privé pour lui permettre en retour de jouer rigoureusement son rôle de complémentarité par rapport au système d’enseignement supérieur public.

La coopération aura tout son sens si l’Etat crée un climat de confiance permettant aux différents acteurs du secteur de l’Education Supérieure de développer des stratégies répondant aux exigences d’un monde réticulaire où la réactivité des organisations de plus en plus complexes devient la clé de leur efficacité.

Dans ces conditions, les UP doivent évoluer vers de modèle d’organisations entrepreneuriales sans pour autant perdre  fondamentalement leurs principes fondateurs qui sont : l’autonomie, la liberté, la sagesse et l’éthique kantienne ou ricoeurienne.  Quant aux EPES, ils sont appelés à instiller davantage dans leur mode opératoire une culture de la compossibilité pour participer un peu plus à cette « Conversation Critique », source de l’espérance collective.

Le modèle éducatif supérieur en Afrique subsaharienne francophone doit pouvoir trouver des mécanismes d’entrelacement des offres de formations entre les UP et les EPES en veillant scrupuleusement à valoriser les savoirs et pratiques endogènes qui sont aussi de féconds vecteurs de développement.

 

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Il n’y a meilleur scénario de développement que celui d’un pays qui maîtrise bien son système d’Enseignement Supérieur et de la Recherche.

 

Je termine cette leçon inaugurale en citant un proverbe africain :

 

Chaque matin en Afrique, une gazelle se réveille. Elle sait qu’elle doit courir plus vite que le lion le plus rapide. Si non, elle va être dévorée.

Chaque matin, un lion se réveille. Il sait qu’il doit courir plus vite que la gazelle la plus lente. Si non, il va mourir de faim.

Peu importe que vous soyez lion ou gazelle, quand le soleil se lève en Afrique, vous avez intérêt à courir.

 

Je vous remercie.