La préservation de notre écosystème présente des défis qui exigent un changement d’habitudes en termes d’utilisation de ressources respectueuses de l’environnement, surtout à cette période où la question du réchauffement climatique devient planétaire.
L’utilisation de nouvelles sources d’énergie rimerait bien avec ces défis.
Cinq années de travaux de recherche de l’équipe dirigée par le Professeur Akpagana, Directeur du Laboratoire de Botanique et écologie végétale de l’Université de Lomé (UL), et les résultats présentent ‘Le Biochar’, un nouveau type de charbon à utilisation éco-responsable.
Fruit de la valorisation de mauvaises herbes et de déchets agricoles, souvent négligés au détriment des ressources ligneuses (bois…), dont la combustion est source de gaz à effet de serre, son usage représente une lueur au bout du tunnel de la recherche sur les énergies propres.
Il est issu d’une technologie étudiée de concert avec l’Université de Udine (Italie) et d’autres universités africaines, financée par le Programme Science et technologie de la Convention Afrique Caraïbe Pacifique-Union européenne (ACP-UE).
Entretien avec le Professeur pour découvrir cette nouvelle technologie…
Le Biochar, tel qu’il est dénommé, ‘est un charbon issu d’une technologie qui utilise la pyrolyse au lieu de la combustion classique. (…) Une différence nette avec la fabrication du charbon noir normal dans les fermes, où la combustion utilise l’oxygène et du bois de chauffe, issu de la déforestation’, explique le Directeur de Recherches.
La technologie de la pyrolyse qui a abouti à la fabrication du Biochar, utilise très peu d’oxygène afin d’obtenir un charbon très riche en carbone, utilisable dans l’amélioration de la qualité des sols agricoles et de l’énergie produite dans le processus pour l’usage des ménages, ajoute-t-il.
Le début de l’initiative
Les travaux dont le Biochar est le fruit, ont été l’initiative d’une rencontre effectuée il y a cinq ans entre la Délégation de l’Union européenne au Togo et les autorités de l’Université de Lomé (NDLR: Le Prof. Akpagana était Vice-président de l’Université de Lomé, en charge des relations de coopération à cette période), sur les possibilités de collaboration entre les universités européenne et togolaise.
Cette rencontre a permis le rapprochement entre les Universités de Udine (Italie) et de Lomé pour travailler de concert dans le domaine des sciences et technologies. Un cadre que couvre la convention Afrique Caraïbe Pacifique-Union européenne (ACP-UE), à travers le programme, ‘Agriculture and Environmental Benefits from Biochar use in ACP Countries’.
Il s’agit donc avec le soutien de ce programme, de mener des études pour l’adaptation de la technologie du Biochar utilisée déjà dans des pays européens à nos réalités africaines. Et le départ devrait être la recherche pour connaitre les ressources végétales tropicales à utiliser.
La première phase des travaux de recherche sur cette technologie ayant duré quatre années appelée Projet BeBi (Benefit from Biochar), a permis de répertorier les différentes ressources à utiliser dans cette tropicalisation.
Les ressources à utiliser dans la fabrication du Biochar
‘Très souvent dans nos pays, tout ce qui est déchets végétaux, déchets de production agricole ou les pailles sont souvent négligés, on se dit qu’ils ne sont plus utiles (…) donc on les entrepose quelque part et au fil du temps, ce sont des termites qui en font leur habitat ou encore, c’est le feu qui les consume. Cela entraine la libération dans l’atmosphère de gaz à effet de serre comme par exemple le dioxyde de carbone, l’ammoniac’, explique le Professeur.
Il urge donc de trouver une solution à ce problème. C’est ainsi que, poursuit-il, ‘’nous avons imaginé cette technique pour récupérer ce que les gens pensent n’être que des ‘déchets’ des champs, et les mettre dans un autre processus de valorisation qui aiderait bien le paysan et la communauté’’.
Une technologie en adéquation avec la marche du développement durable
La technologie utilisée dans la production est en parfaite adéquation avec les réalités de nos pays et les défis de développement durable de l’heure, estime le Professeur Akpagana.
Sur les bords des routes de l’intérieur, parfois, vous remarquerez des étalages de charbon de bois ou encore des bois de chauffe qui seront envoyés dans les villes pour des usages. Mais cette façon d’exploiter le bois-énergie nous prive du patrimoine que constituent les ressources ligneuses que nous avons, avec ses conséquences sur le climat, explique-t-il.
Il s’agit, à travers cette technologie, d’épargner ces ressources en utilisant les déchets des productions agricoles, et les pailles avec des résultats bénéfiques.
Directement dans la production agricole, le Biochar peut être utilisé pour améliorer les qualités physique et chimique des sols, et ainsi contribuer à leur réhabilitation, pour favoriser une bonne rétention de l’humidité et des engrais dans les sols.
Pour l’environnement, les déchets agricoles ne seront plus sources de pollution, mais utilisés pour produire de l’énergie propre pour la communauté, une possibilité bénéfique pour les régions non desservies par les réseaux nationaux d’électrification. Et la pyrolyse utilisée pour produire le Biochar n’émet pas de gaz à effet de serre sur toute la ligne, et aucune énergie fossile n’est utilisée.
La production du Biochar, une technologie à populariser
Contrairement à la plupart des études réalisées dans les universités, et qui restent dans les tiroirs sans un impact direct sur la vie des communautés, l’équipe dirigée par le Professeur Akpagana ne compte pas s’arrêter juste à cet aspect de recherche et travaux d’universitaires.
‘Les collectivités locales font partie des partenaires à sensibiliser que nous avons ciblés pour se saisir de cette opportunité pour leur développement (…) Dans l’agenda, d’ici à fin mars, nous débuterons cette démarche.’
‘Certes, tout le monde parle de l’énergie solaire, mais les recherches en la matière, en Afrique subsaharienne sont à un niveau moins avancé (…) L’énergie hydroélectrique, nous en avons déjà dans nos pays, avec la dernière inauguration du barrage d’Adjrarala, en fin de l’année dernière par les chefs d’États béninois et togolais’, poursuit-il.
Aussi, la biomasse, quand on en parle, on pense aux ressources ligneuses. Cette recherche que nous avons effectuée et dont la technologie sera popularisée, doit proposer des alternatives à nos populations. Et cela doit aussi passer par la sensibilisation des décideurs en l’occurrence les parlementaires, pour une vraie décentralisation de la technologie.
Et cette popularisation, a déjà débuté après la première phase du projet pour que chaque Togolais moyen puisse la connaitre et l’utiliser, à travers conférences et séances de présentation.
En attendant le positionnement des entreprises togolaises sur la technologie
À ce niveau, nous n’avons pas encore d’entreprise demandeuse de la technologie pour sa commercialisation, précise le Professeur.
Mais cela ne saurait tarder puisqu’il y a au moins les trois possibilités d’utilité.
Pour le moment, nous travaillons avec des ferronniers pour la fabrication du fourneau de combustion, et également des démonstrations de fabrication à des catégories socioprofessionnelles qui utilisent le feu, la chaleur dans leurs activités quotidiennes.
La priorité est de travailler avec ces personnes formées pour qu’elles soient à même de fabriquer cette technologie à coûts réduits, et rendre accessible au commun de tous.
C’est donc le lieu de convier toutes et tous à ‘attacher de l’importance à ce projet, parce que aujourd’hui, nous sommes au siècle de la technologie et du savoir. Quand on est ignorant, on reste toujours dans le sous-développement.’
‘Le souhait est que cette étude que nous menons depuis un certain nombre d’années déjà, puisse être l’étincelle qui va déclencher beaucoup d’activités auprès des ONG, des collectivités locales, des personnes qui s’impliquent à leur niveau individuel pour le développement de notre pays, le Togo.’