Le Mali a décidé, le 27 février 2020, de rappeler son ambassadeur à Paris, Toumani Djimé Diallo, et de dépêcher en France son ministre des Affaires étrangères, Tiébilé Dramé, pour “apaiser la situation” après les propos de son ambassadeur à Paris, a-t-on expliqué à Bamako de source officielle. Le diplomate avait évoqué des “débordements” de militaires français dans les quartiers chauds de Bamako.
Le 26 février, l’ambassadeur du Mali en France avait dénoncé devant la commission Défense du Sénat français les “problèmes” posés, selon lui, par la légion étrangère française sur le sol malien. “Par moments, dans les ‘Pigalle” de Bamako, vous les retrouvez, tatoués sur tout le corps, en train de rendre une image qui n’est pas celle que nous connaissons de l’armée (française). Ça fait peur, ça intrigue”, avait-il déclaré, mentionnant explicitement les légionnaires. Pourtant, ceux-ci ne sont pas “stationnés à Bamako” et ils n’ont pas vocation à y aller. Ils “n’ont ni quartier libre ni temps de repos hors des bases opérationnelles” de Barkhane, situées dans le nord du pays, selon l’état-major français.
Les propos du diplomate ont été très mal vécus à Paris, alors que la force Barkhane fait face depuis de nombreux mois à la montée d’un sentiment anti-français au Sahel et que, parallèlement, elle a redoublé d’efforts pour tenter d’enrayer la spirale de violences dans la région.Tandis qu’à Bamako, certaines voix n’hésitent pas à “demander une coopération militaire avec la Russie”, comme le rapportait franceinfo Afrique en novembre dernier.
Les militaires français, présents dans la région depuis 2013 pour lutter contre les jihadistes, viennent de voir leur nombre passer de 4500 à 5100 face à la recrudescence des violences. Souvent entremêlées à des conflits intercommunautaires, celles-ci ont fait 4000 morts au Mali, au Niger et au Burkina Faso en 2019, cinq fois plus qu’en 2016, selon l’ONU. La France a elle-même perdu 13 soldats dans un accident entre deux hélicoptères en opération au Mali, en novembre.
Fin 2019, Paris s’était ouvertement agacé d’un soutien jugé trop timide de la part notamment des autorités sahéliennes, dont le Mali. Au sommet du 13 janvier à Pau réunissant le président français Emmanuel Macron et les chefs d’Etat du G5 Sahel (Mali, Niger, Burkina Faso, Tchad, Mauritanie), les chefs d’Etat africains avaient été ainsi priés par l’Elysée de “clarifier” leur position sur la présence française au Sahel.
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Les propos de l’ambassadeur malien ont remis de l’huile sur le feu et provoqué une vive réaction en France. “Plutôt que de véhiculer et de propager de fausses accusations, nous attendons de l’ambassadeur du Mali qu’il mobilise toute son action pour la mise en œuvre des décisions du sommet de Pau et la réussite de tous”, a sèchement asséné le cabinet de la ministre de la Défense, Florence Parly, dans une déclaration à l’AFP. Il n’y a “quasiment plus de soldats français stationnés à Bamako” depuis août 2014, selon la même source.
Le jour de son audition, l’ambassadeur malien avait déjà essuyé un retour plutôt glacial du sénateur Jean-Marc Todeschini, membre de la commission de défense de la Haute assemblée, devant laquelle s’exprimaient les ambassadeurs du G5 Sahel. “Je ne peux que regretter vos propos. Vous avez stigmatisé l’armée française”, avait-il répondu à l’ambassadeur. Ces propos risquent de “contribuer” au sentiment anti-français que le Mali s’était engagé à contrer, a-t-il ajouté.
“Nous faisions part à l’ambassadeur de nos inquiétudes concernant les campagnes anti-françaises au Mali lorsqu’il a commencé sa longue tirade accusant les légionnaires. (…) Cette réaction est particulièrement déplacée devant la commission chargée de voter les crédits pour les opérations extérieures”, a rapporté de son côté le président de la commission de défense, Christian Cambon, cité par Le Monde. “Qu’une telle personnalité malienne, qui est la plus haut placée en France, tienne de tels propos est inconcevable”, a-t-il ajouté.
Avec Franceinfo