En 1981, lorsqu’il tourne La Soupe aux choux, Louis de Funès doute. Malgré ses 2,4 millions d’entrées, son projet de cœur L’Avare (1980) n’a pas rencontré le succès habituel pour une de ses productions et les critiques ont été sans pitié. Comme L’Avare, La Soupe aux choux est un projet personnel qui doit lui permettre de se renouveler avant de tourner un inévitable 6e volet du Gendarme.
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Grand amateur de science-fiction, Louis de Funès s’est pris de passion pour ce roman de René Fallet, qui raconte l’amitié entre un paysan et un extraterrestre. L’acteur admire la prose de Fallet et sa charge contre la désertification rurale, qui s’inscrit parfaitement dans la lignée de L’Aile ou la cuisse et de La Zizanie, où de Funès dénonce les mutations d’une société française en pleine industrialisation.
Toujours aussi populaire, Le Gendarme et les Extra-terrestres a réuni en 1979 treize millions de spectateurs à travers l’Europe, la vedette est cependant lasse des efforts déployés pour se maintenir en tête du box-office. « Vous savez, au cours de ma vie, j’ai causé des problèmes pour des choses qui n’en valaient pas la peine. Je me suis rendu malade”, confie-t-il à sa partenaire Christine Dejoux entre deux prises de La Soupe aux choux. “La vie, c’est comme un train. Ça va vite, Il ne faut pas causer de problèmes pour ce qui n’en vaut pas la peine.”
Toujours en forme à l’écran, bien qu’il soit de plus en plus émacié, l’acteur commence à montrer en coulisses des signes de fatigue, accentués par les pressions commerciales qui s’exercent sur lui. Alors figurant dans Le Gendarme et les Extra-terrestres, Lambert Wilson se souvient d’un monsieur “sinistre”, “triste” et “assez angoissé”, dont on pouvait lire sur le visage les “responsabilités lourdes”.
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Pour combler son amertume, de Funès s’entoure de sa troupe (Michel Galabru, Claude Gensac, Maurice Risch) et confie la mise en scène de ses films à Jean Girault, son réalisateur fétiche depuis Pouic Pouic (1963). “Il avait un droit de regard. Aucun acteur n’était présent sur le plateau sans qu’il ait donné son accord”, confirme Bernard Seitz, assistant réalisateur de ses derniers films.
“Louis de Funès voulait travailler avec des gens comme moi ou Grosso et Modo [qui jouent les gendarmes Gaston Tricard et Jules Berlicot, NDLR]”, confirme Maurice Risch, qui a joué dans 5 de ses films entre 1966 et 1982. “Quand il trouvait un gag, on se comprenait tout de suite. Il n’y avait pas besoin d’explications pour que l’on comprenne où il voulait en venir.”
Plus il avançait en âge, plus Louis de Funès aimait s’entourer de jeunes comédiens, le plus souvent issus du Conservatoire, à qui il prodiguait des conseils et confiait ses doutes. “Il souffrait d’être devenu une star à 50 ans et avait envie de lancer des gens”, précise Sylvie Lancrenon, la photographe de plateau de L’Avare. “Quand il avait deux minutes, il venait s’asseoir auprès de moi. Il me demandait ce que je faisais, ce que je préparais”, se souvient Pierre Aussedat, qui joue le clerc dans cette adaptation de Molière que de Funès a rêvé de réaliser pendant vingt ans.
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Les tournages avaient pour eux des airs de colonie de vacances. Certains se souviennent de l’acteur buvant des coupettes de champagne en cachette de sa femme. D’autres se remémorent, le sourire aux lèvres, ses anecdotes de tournage et de ses imitations : « De Funès imitant un moustique reste un des grands moments de mon existence », s’amuse Catherine Serre, une des 4 gendarmettes du dernier Gendarme. Entre 2 prises, il pouvait aussi jouer du piano – divinement bien. “Dès que Christian Fechner [le producteur de La Zizanie et de La Soupe aux choux, NDLR], approchait pour écouter, Louis s’arrêtait net en disant : ‘Il n’a pas payé’!”, se souvient Jean-Jacques Moreau.
Sur le plateau, les célébrités défilaient. Alain Delon a débarqué pendant L’Avare, Johnny Hallyday pendant Les Gendarmettes, pour rendre visite à son épouse de l’époque, Babeth Étienne, qui avait hérité d’un des rôles principaux du film. C’est sur le plateau du Gendarme, dans la peau de Ludovic Cruchot, que de Funès se sentait le mieux. “C’est le moment où je l’ai connu le plus en forme. Il nageait dans un bonheur total”, confirme Maurice Risch, qui a rejoint la série sur Les Extra-Terrestres.
Avec BFMTV.