Tout a commencé lorsque les représentations diplomatiques françaises en Afrique ont publié, il y a quelques jours, les modalités de réouverture des frontières françaises. Depuis le 9 juin dernier, les personnes totalement vaccinées n’ont plus qu’un test PCR négatif de moins de 72h à présenter pour voyager en France.
Mais à condition que ce soit avec un vaccin reconnu par l’Agence européenne du médicament. Et dans leurs communiqués, les ambassades françaises écrivent que « le vaccin Covishield n’est à ce stade pas reconnu par les autorités sanitaires européennes ».
Des campagnes de vaccination perturbées
Dans les pays francophones du continent, le doute s’installe. Car ce vaccin est celui qui est majoritairement distribué en Afrique, via le dispositif Covax, piloté par l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Et c’est à Madagascar que la polémique a pris le plus d’ampleur. Le 8 mai dernier, le pays recevait en grande pompe 250 000 doses de vaccin Covishield.
« Lors de la réception des doses de vaccin, des représentants de la communauté internationale étaient présents à l’aéroport d’Ivato à Antananarivo, dont des représentants de l’Union européenne, pour inciter, pour encourager à se faire vacciner », raconte Émée Ratsimbazafy, vice-présidente du KMF-CNOE-Éducation des citoyens, une association de la société civile malgache. « Et puis là, tout d’un coup, on apprend que ce vaccin n’est pas reconnu par les autorités sanitaires européennes. Pourquoi ? Bon nombre de gens se demandent maintenant si ce vaccin est vraiment inoffensif et efficace. » Selon elle, certaines personnes hésitent désormais à se faire vacciner.
Le ministre malgache de la Santé, le professeur Jean-Louis Rakotovao-Hanitrala, s’est lui-même dit « surpris et choqué ». « Ce vaccin nous a été donné par l’OMS et salué par l’Union européenne et toutes les agences de l’ONU », a-t-il déclaré dans la presse locale. Le fait de ne pas le valider « nous pousse à nous demander s’il n’y a pas un vaccin pour les Africains et un autre pour les Européens ».
Rassurer l’opinion publique
Depuis, les communiqués s’enchaînent pour tenter de rassurer l’opinion publique alors que les fausses informations et les rumeurs, sur les réseaux sociaux notamment, compromettent déjà, dans une certaine mesure, les campagnes de vaccination sur le continent. Les États-Unis, à travers leur ambassade, mais aussi le représentant des Nations unies et l’OMS réaffirment leur soutien au Covishield.
L’Union européenne a également réagi et rappelé l’importance de la vaccination dans la lutte contre le Covid-19. L’UE explique que l’OMS et l’Académie nationale de médecine de Madagascar (ANAMEM) ont homologué ce vaccin et que l’Agence européenne du médicament (EMA) travaille de manière indépendante et n’a pour vocation que de guider la Commission européenne pour autoriser la vente de médicaments aux pays membres.
« Vaccin sûr et efficace »
L’EMA a bien validé le vaccin développé par le laboratoire AstraZeneca, mais seulement la version appelée Vaxzevria, qui est produite et manufacturée directement par le laboratoire en Grande-Bretagne ou dans d’autres pays d’Europe. La version appelée Covishield est, elle, fabriquée en Inde par le Serum Institute of India.
« Le vaccin Covishield est exactement le même vaccin, en termes de qualité et d’efficacité que le vaccin actuellement produit et homologué en Europe, assure le docteur Richard Mihigo, en charge de la vaccination à l’OMS Afrique. Mais comme le vaccin Covishield n’était pas destiné à être utilisé dans l’espace de l’Union européenne, il n’a pas été soumis pour homologation au niveau de l’Agence européenne du médicament. Ça n’enlève en rien la qualité de ce vaccin ».
Il s’agirait donc, selon lui, d’une simple procédure administrative et il rappelle que le Covishield est reconnu par l’OMS, « qui reste l’autorité mondiale en termes de santé » et que la validation des vaccins se fait de manière rigoureuse par des experts indépendants. « Certains pays développés, comme le Canada, reconnaissent et utilisent le Covishield », ajoute-t-il. En Afrique, sur les 43 pays qui ont rejoint le dispositif Covax, 37 ont déjà reçu ce vaccin.
Ce que prévoient les passes sanitaires au sein de l’UE et en France
Depuis le 9 juin dernier, la France a rouvert ses frontières aux ressortissants de la grande majorité des pays dans le monde, à condition pour les voyageurs d’être totalement vaccinés. Cela ne concerne toutefois pas certains pays figurants sur une « liste rouge » établie par Paris, en fonction de la circulation de variants préoccupants au sein de leur population et pour lesquels les restrictions sont toujours d’actualité. En Afrique, seule l’Afrique du Sud figure sur cette liste.
Les autorités européennes ont déterminé une liste de quatre vaccins, les seuls actuellement autorisés par l’Agence européenne du médicament, qui permettent un accès sans restriction à son territoire. Il s’agit du vaccin Comirnaty de Pfizer/BioNTech, celui de Moderna, le vaccin Vaxzevria d’AstraZeneca et le vaccin Janssen de Johnson & Johnson. L’UE laisse toutefois la latitude à ses pays membres d’accepter d’autres vaccins. La Grèce, par exemple, reconnaît le vaccin russe Sputnik V, dans l’optique de favoriser le retour du plus grand nombre de touristes possible et donc de relever son économie.
Mais la France, comme la plupart des autres pays européens, ne reconnaît que les vaccins approuvés par l’Agence européenne du médicament, ce qui exclut les vaccins russe, chinois, mais aussi le vaccin d’AstraZeneca produit en Inde, le Covishield, le plus administré en Afrique. La levée des restrictions de circulation n’est donc pas encore d’actualité pour le continent africain. Les voyages ne sont donc toujours autorisés que pour « des motifs impérieux ».
Avec rfi.fr