Madagascar : le choix du nouveau premier ministre loin de calmer le jeu

Madagascar nouveau premier ministre

Crédits photo : All Africa

Facebook
Twitter
WhatsApp

La nomination à Madagascar d’un militaire comme Premier ministre, que le collectif à l’origine des manifestations commencées il y a treize jours a qualifiée de « diversion », rencontrait peu d’adhésion ce mardi 7 octobre 2025 à Antananarivo, quadrillée par les forces de sécurité.

Cette île particulièrement pauvre de l’océan Indien, à la longue tradition de gouvernements militaires, connaît depuis la veille son nouveau chef de gouvernement, nommé par le président Andry Rajoelina : le général de l’armée de terre Ruphin Fortunat Dimbisoa Zafisambo.

Enfin, pas toute la « grande île » : la plupart des passants mardi dans la capitale malgache ignoraient la nouvelle, et les quelque 200 manifestants ayant rejoint le lac d’Anosy, malgré la trêve dans les appels à manifester, n’y voyaient pas un gage de changement.

« Le président veut faire passer (le message) que c’est un pouvoir militaire et que les civils n’ont qu’à se tenir à carreau », balaie Princia Rakotontraibe, un interne en médecine venu au ministère de la Santé pour dénoncer des tirs de gaz lacrymogène samedi au pied d’une maternité.

Les trois premiers ministres du nouveau gouvernement annoncés mardi sont ceux des Armées, de la Sécurité publique et de la Gendarmerie, car le pays « n’a plus besoin de perturbation mais de paix », a affirmé le président.

S’il n’y avait pas d’appel à manifester du mouvement Gen Z mardi, c’est que le collectif à l’origine de la contestation, accompagné d’une vingtaine d’organisations, a lancé la veille un ultimatum au président.

Celui-ci arrive à expiration mercredi soir, à l’issue d’une rencontre au palais présidentiel « rassemblant les différentes forces vives de la Nation », selon l’invitation du chef de l’État, où « il sera possible de poser directement des questions ».

Le mouvement de contestation a déjà menacé de « prendre toutes les décisions nécessaires » si « aucune décision concrète n’est prise ».

« Dissolution du Sénat »

Parmi les revendications écrites ne figure plus la démission du président Andry Rajoelina.

En plus du respect des libertés, le mouvement Gen Z réclame des « excuses publiques du chef de l’État », la « refondation de la Haute Cour constitutionnelle » et la « dissolution totale du Sénat, ou à tout le moins de son président », Richard Ravalomanana, ex-général de gendarmerie.

« Changer de président en cours de route ne changera pas les choses », estime le même interne en médecine de 26 ans avant la dispersion par des gaz lacrymogènes.

Madagascar a « déjà connu ça en 1972, en 2002 et même en 2009 », rappelle-t-il, quand Andry Rajoelina avait été désigné président de transition par les militaires après un soulèvement populaire.

Dans le cas d’une démission ou d’un coup d’État, « l’instabilité et le chaos sont les issues les plus probables », estime auprès de l’AFP la docteure en sciences politiques Ketakandriana Rafitoson.

Selon elle, les revendications « ne se limitent plus à la contestation de l’ordre établi » mais « donnent une orientation claire ».

Parmi les demandes du collectif figure le départ du président du Sénat, surnommé « Général Bômba » pour son recours généreux aux gaz lacrymogènes lors de la crise de 2009.

Il « continue finalement à gérer la gendarmerie même s’il est à la retraite », décrypte un chercheur en sciences politiques malgache, sous couvert d’anonymat. « Il a son mot sur tous les postes relatifs à la gendarmerie », ajoute-t-il.

« Vous ne parviendrez jamais à affronter les forces de l’ordre », avait d’ailleurs plastronné Richard Ravalomanana en janvier dans les médias malgaches.

« Si le nouveau Premier ministre parvient à maintenir l’unité des forces armées, les manifestants peuvent languir dans les rues pendant plusieurs mois », estime Adrien Ratsimbaharison, auteur d’un livre sur la crise politique de 2009 à Madagascar.

« Les gendarmes sont bien mieux payés que les policiers et les militaires. Ils sont donc plus enclins à protéger leurs avantages », observe-t-il en soulignant qu’ils disposent d’unités anti-émeutes.

La perception de l’armée de terre, dont est issu le nouveau Premier ministre, est toutefois différente au sein de la population. « Ce sont surtout la gendarmerie et la police qui ont joué un rôle central dans la gestion des manifestations », observe Ketakandriana Rafitoson.

Reste que, pour Daudet Santatriniaina, qui arbore en dépit de ses 41 ans le chapeau aux couleurs du logo Gen Z à la mode malgache, « c’est comme d’habitude ».

« Je suis déçu par ce choix de Premier ministre, il a été directeur de cabinet de l’ancien », souligne-t-il parmi les quelques manifestants. « Je n’ai pas confiance dans les militaires »

Continuez la discussion en temps réél !
Rejoignez notre chaîne WhatsApp