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“On aurait dit qu’il jouait avec des enfants”, les témoignages passionnants sur le génie Ronaldinho (photos)

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Champion du monde en 2002, Ballon d’Or en 2005, vainqueur de la Ligue des champions en 2006, Ronaldo de Assis Moreira a marqué son époque de son génie. Idole de nombreux footballeurs actuels, celui qu’on connaissait sous les noms Ronaldinho ou Ronnie a enchanté tous les clubs où il est passé de gestes sublimes et d’une classe folle, que l’on a pu revoir dans le document exceptionnel Ronaldinho No Limit diffusé ce mercredi soir sur RMC Sport. Retour en longueur sur ces moments qui ont façonné la légende d’une légende.

Dans dix-quinze ans, quand on demandera aux footballeurs le nom de leur idole de jeunesse, quelque chose nous dit que Lionel Messi et Cristiano Ronaldo reviendront très souvent dans la conversation. Tout le temps, même. Mais pour la génération actuelle, c’est un autre patronyme qui se multiplie: Un artiste des pelouses qui a laissé sa trace sur une époque. “Mon joueur préféré? Ronaldinho. On aurait dit qu’il jouait avec des enfants”, s’émerveille Raheem Sterling, l’attaquant international anglais de Manchester City. “C’était mon idole. Il incarne vraiment le football brésilien, à base de spectacle et de plaisir”, s’extasie Alexandre Lacazette, l’attaquant international français d’Arsenal.

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Son compatriote Anthony Martial (Manchester United) a les mêmes yeux de l’amour: “Avec sa classe, sa technique et sa vision du jeu, c’était un régal”. “Je suivais tout ce qu’il faisait. Avec sa magie, il nous a donné envie de l’imiter et de jouer comme lui”, lance Roberto Firmino, l’attaquant international brésilien de Liverpool. “J’ai grandi avec lui. Le message qu’il transmettait, c’était de jouer pour le plaisir, avec le sourire”, complète Paulo Dybala, l’attaquant international argentin de la Juventus. Et Stephan EL-Shaarawy, attaquant international italien qui évolue au Shanghai Shenhua (Chine), de conclure: “C’était ma première idole. Je regardais des vidéos de lui sur YouTube pour apprendre certains de ses gestes techniques.”

Soliste génial, magicien du cuir, inventeur de gestes, Ronaldinho est un joueur unique. Fascinant. De ceux pour lesquels on aime le football, à l’image des Argentins Javier Pastore ou Juan Roman Riquelme. Partout où Ronnie est passé, des instants de grâce se sont gravés. Ça commence dans l’enfance. A neuf ans. Une finale de futsal, discipline avec laquelle le gamin de Porto Alegre a façonné sa technique dingue et qu’il a pratiqué en cachette de son club formateur de Gremio jusqu’à l’adolescence. Sur une action, captée par une caméra familiale, le gosse fluet aux dents du bonheur et au regard malicieux enchaîne deux sombreros avant de marquer ! Cleon Espinoza, l’un de ses entraîneurs de fustal, en garde des étoiles plein les yeux: “Faire ça en finale du championnat… Incroyable! Heureusement que quelqu’un a filmé pour que ça reste dans l’histoire!”.

La plus belle date de 1999. Match d’appui de la finale du championnat de l’Etat du Rio Grande do Sul, plus connu sous le nom de championnat gaucho, contre le rival local de l’Internacional pour un derby de feu. En face, un certain Dunga, capitaine de l’équipe du Brésil championne du monde en 1994, qui a sorti le lance-flammes dans la presse locale. Ronnie va lui répondre sur le terrain. Un sombrero sublime en plein match, d’abord, puis une aile de pigeon au-dessus de trois défenseurs (dont Dunga) et surtout un dribble du genre de ceux qu’il faut se repasser en boucle pour les comprendre: il fait passer la balle derrière sa jambe d’appui, la gauche, avec un râteau du pied droit, et suit la chose d’un coup du foulard pour relancer le cuir vers la droite et surprendre le champion du monde. Ma-gi-que. “La légende de Dunga s’est écroulée à ce moment-là, estime Danrlei, gardien du Gremio de 1993 à 2003. Même nous, on était mal pour eux. C’était trop!” Cerise sur le gâteau, le futur Parisien s’offre le but décisif pour le titre après un super mouvement collectif.

Rien d’étonnant pour ses coéquipiers, conscients de son talent rare depuis son arrivée chez les pros à dix-sept ans en 1997. “Quand j’ai commencé à m’entraîner avec le groupe, les gens m’ont parlé de ce gamin, raconte Beto, passé par le Gremio en 1998 et 1999 alors qu’il revenait du Napoli. Mais j’ai quand même été surpris. C’était encore plus fort que ce qu’on m’avait dit.” “Avant l’entraînement, il s’amusait avec le ballon. Tout le monde s’asseyait et on le regardait, se souvient Danrlei. C’était phénoménal! (…) Le coach lui reprochait de ne pas défendre, de ne pas être au marquage. Avec un groupe de joueurs, on est allé le voir: ‘Ce n’est pas grave, on va défendre à sa place !'” Les dribbles imaginatifs et déroutants sont déjà là, les changements de rythme et l’explosivité aussi. Le niveau international ne va pas freiner son envol.

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Sélectionné pour la Copa America en 1999, qui suit ses débuts en équipe nationale en amical, Ronaldinho signe sa première en compétition officielle d’un but fantastique et tellement Ronnie contre le Venezuela: sombrero sur un joueur avant de s’amener le ballon d’une petite aile de pigeon pour prendre de vitesse un autre défenseur et marquer. Un an et demi plus tard, et après un dernier match à domicile où il est hué par les supporters du Gremio mais marque un superbe coup-franc avant d’embrasser l’écusson du club, il s’engage avec Paris. Encore un grand adolescent seulement intéressé par le foot qui avait demandé au club “s’il avait suffisamment d’argent pour pouvoir s’acheter un congélateur” (Laurent Perpère, président du PSG de 1998 à 2003), le Brésilien va vite faire parler ses pieds. Et décrocher des mâchoires.

“Quand tu le vois aux entraînement réaliser des exercices, dans ses prises de balle, dans ses accélérations, ça te marque, pointe Luis Fernandez, entraîneur du club parisien à l’époque. Ronnie nous a marqués. (…) Après certains entraînements, il y en avait quelques-uns qui faisaient un peu la gueule. Quand tu t’es pris un petit pont, une accélération, que tu t’es fait balader, tu l’as mauvaise. Mais ça nous a fait rigoler, c’est sûr.” “Je me rappelle d’entraînements où on venait par vagues pour faire les cobayes pour l’équipe première, et Luis demandait des exercices à base de marquage individuel où chacun devait choisir un joueur, se souvient Jean-Michel Badiane, alors au centre de formation du PSG. Le seul où c’était très compliqué, c’est quand tu prenais Ronnie. Les autres étaient de très grands joueurs, capables de choses folles. Mais Ronnie, ce sont des choses qui ne sont même pas football.” “Il avait un côté enfant prodige, comme vous pouvez imaginer Mozart à dix ans”, lance un Laurent Perpère plein d’emphase.

Même un conflit ouvert avec son coach, lors de sa deuxième saison, ne va pas éteindre l’étoile. Bien au contraire. Ecarté (pas sur la feuille puis remplaçant) pendant sept matches par Luis Fernandez, Ronaldinho rappelle pourquoi on ne peut pas se passer de lui en deux semaines. Il y a d’abord son slalom à Guingamp: prise de balle au milieu de terrain, face au but, une accélération pour éliminer un joueur, un relais avec Jérôme Leroy pour en passer un autre, petit ballon piqué au-dessus du tacle d’un troisième, accélération, début de passement de jambes pour en perdre un quatrième puis ballon piqué au-dessus du gardien pour le but! “La prise de balle, l’enchaînement, les dribbles, toute la tranquillité… C’est extraordinaire, juge Paulo César, défenseur brésilien arrivé au PSG en 2002. Ça va super vite et personne ne peut l’arrêter. C’était un technicien pur. Il pouvait faire tout ce qu’il voulait avec le ballon.”
Il y a ensuite Marseille. Le Vélodrome. Deux buts pour une démonstration implacable de son côté au-dessus de la mêlée. “On savait que ça faisait quinze ans que Paris ne gagnait pas à Marseille, raconte Paulo César. Quand on monte dans le bus, il me dit: ‘Aujourd’hui, je gagne le match tout seul’.” Chiche? Frank Leboeuf perd la balle sur une relance latérale trop audacieuse. La suite est racontée par le champion du monde 1998 lui-même: “Il a tout anticipé quand je fais la passe. Il fait un contrôle extérieur extraordinaire. Puis ça va très vite. Je reviens sur lui et j’essaie de le démonter, quitte à prendre un penalty ou un carton rouge, mais surtout pour qu’il ne marque pas. Mais il reste debout et il arrive à faire le piqué. Costaud sur les cuisses et fin dans la tête.”

Il n’a pas fini de martyriser le meilleur ennemi du PSG, galvanisé par une foule qui le siffle à chaque ballon. Lancé depuis sa moitié de terrain, il prend le meilleur en vitesse sur son défenseur puis dribble le gardien avant de s’arrêter pour laisser passer le tacle du défenseur revenu, Brahim Hemdani, et pousser la balle dans le but vide (Jérôme Leroy assurera le coup en la taclant dans les filets). “C’est comme à l’entraînement”, s’amuse Paulo César. “Hemdani essaie de le coucher, de le pousser, mais c’est lui qui rebondit, constate Fabio Celestini, milieu international suisse qui évoluait alors à Marseille. Sur ce match, il a fait ce qu’il a voulu. Il nous a punis.” “Quand il a décidé de faire et de réaliser, tu ne peux être qu’admiratif”, confirme Luis Fernandez, qui avait alors une place de choix pour le spectacle proposé par l’artiste brésilien. Qui ne s’arrêtera surtout pas dans ses œuvres une fois parti à Barcelone à l’été 2003.

Dans son élément, bien entouré, celui qui fait tenir le ballon sur ses lèvres après l’avoir eu sur la tête lors de sa présentation va atteindre le sommet de son art. Les virgules et les jongles se multiplient, les passes se font parfois aveugles ou du dos, les dribbles sortent de nulle part, les adversaires sont mystifiés, les coéquipiers subjugués. “On a été marqué de voir tout ce qu’il pouvait faire avec un ballon, glisse l’ex-attaquant international argentin Javier Saviola, arrivé au club catalan en 2001. C’était hallucinant. Comme au cirque! Comme un enfant qui va à Disneyland, on allait à l’entraînement tous les jours pour voir quelque chose d’unique. Ses dribbles, sa vista… Il utilisait toutes les parties de son corps pour faire des passes.” Ronnie symbolise le renouveau du Barça, qui s’est endetté pour son transfert et attend une superstar pour lui faire retrouver la lumière, et va tout de suite le prouver.

Premier match au Camp Nou un mercredi soir face à Séville, à minuit. A 1h28, le noctambule qui aime la fête sort de sa boîte: deux dribbles ultra propres pour effacer des défenseurs plus une frappe sous la barre depuis plus de 25 mètres ! Frank Rijkaard, arrivé sur le banc barcelonais en même temps que sa star brésilienne, se prend la tête dans les mains tellement le geste est sublime, comme Alain Giresse avait pu le faire pour le fabuleux but du Nigérian Jay-Jay Okocha pour sa première avec le PSG en 1998 ou Zinedine Zidane après le ciseau de Cristiano Ronaldo face à la Juve avec le Real Madrid en quart de finale de la Ligue des champions en 2018. “C’était la visualisation du changement de dynamique du Barça”, lance Marc Ingla, actuel directeur général du LOSC et vice-président du club catalan entre 2003 et 2008. “Je le vois partir et je me dis: ce n’est pas possible, se rappelle Gerard Lopez, milieu du Barça de 2000 à 2005. Je m’en souviendrai toute ma vie. Tout le monde prend conscience qu’un joueur incroyable vient d’arriver et qu’il peut marquer une époque.”
Il deviendra même “un des joueurs les plus importants de l’histoire du FC Barcelone”, dixit l’ancien défenseur et capitaine du club Carles Puyol, et en profitera pour remporter le Ballon d’Or (2005) et la Ligue des champions (2006). La C1, Ronaldinho va vite l’éblouir de sa classe. Pour son quatrième match dans la compétition, à l’automne 2004, il offre la victoire contre le Milan AC (2-1), futur finaliste, à la 89e minute d’un geste superbe: il récupère le ballon pas loin de l’entrée de la surface, face au but, et se lance le cuir vers sa gauche d’un dribble-virgule pour se débarrasser de deux défenseurs avant de balancer une mine du gauche dans la lucarne. “Cette action le symbolise, estime Deco, le milieu international portugais passé à Barcelone de 2004 à 2008 avec qui le Brésilien partageait le terrain et l’amour de la fête. L’improvisation, le dribble complètement atypique. Et puis la force. De la force et de la qualité technique, pur dribbler, tirer, mais c’est surtout son explosivité qui était hors du commun. Il n’y avait peut-être que Ronaldo, le Fenomeno, qui avait ça.”
Plus tard cette saison, une autre image de lui marquera la Ligue des champions: son but du pointu alors qu’il est arrêté à l’entrée de la surface contre Chelsea après avoir fait danser Ricardo Carvalho sur place. “Il n’y a que lui qui peut faire des choses comme ça, s’extasie l’ancien international français Ludovic Giuly, passé par le Barça de 2004 à 2007. Mettre un pointu à ce moment-là, alors qu’il est complétement arrêté et qu’il y a trois mecs qui arrivent… Sans élan, rien qu’avec ses feintes, il est capable de faire la différence. Il envoie un pointu mais tu as vu à quelle vitesse il part et où il part ! Il est imprévisible avec un ballon. Tout seul, ça va de faire un pointu. Mais là il y a trois mecs qui arrivent et il trouve quand même la faille.” “Un joueur normal va penser à faire une passe”, résume Deco.

Mais Ronnie, assez malin pour marquer un coup-franc en tirant au sol pour profiter du saut du mur, n’est pas fait du même bois que les autres. Fin 2005, deux jours après avoir appris qu’il avait remporté le Ballon d’Or, c’est Santagio-Bernabeu et le Real Madrid qui vont s’en apercevoir. Il dribble d’abord Sergio Ramos après avoir récupéré le ballon sur le côté gauche (dans sa moitié de terrain), puis fait un passement de jambes pour se débarrasser d’un autre défenseur et ajuster Iker Casillas. “On dirait qu’il a déjà joué l’action qu’il va faire, s’émerveille Ludovic Giuly. C’est tellement facile pour lui de faire ça… On dirait qu’il danse. Il ne s’arrête à aucun moment. Il n’est pas dans la force mais dans l’élégance.” Plus tard, Ramos se fait encore déborder sur une prise de balle-accélération et Casillas est trompé d’un plat du pied croisé. “On voit sa facilité de finition, dissèque Ludovic Giuly. A aucun moment il ne regarde le gardien: il sait où il est positionné et qu’il ne va pas falloir mettre un gros cachou. Il ouvre juste son pied, c’est presque une passe.”

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Le stade se lève et applaudit la performance. “Face au Real Madrid, chez eux… Personne ne pouvait l’imaginer”, sourit Deco. Qui a pu plus d’une fois bénéficier des offrandes de celui qui a pris sous son aile Lionel Messi – qui l’admire pour son talent comme pour ça – à l’arrivée de la pépite argentine dans le groupe pro. On montre au Portugais une passe décisive adressée par Ronnie et les louanges se poursuivent. “Il avait ce truc que j’ai seulement vu chez Messi ou Maradona. Le timing de la passe. Si le ballon est donné un tout petit peu plus en arrière, je ne peux pas tirer comme ça.” Même constat chez Ludovic Giuly pour une passe décisive sur la pelouse du Milan AC en demi-finale de la C1 en 2006, match où il avait illuminé San Siro de ses dribbles géniaux: “Si on regarde bien l’action, il s’arrête devant Gennaro Gattuso. Il a cette faculté de pouvoir s’arrêter devant un joueur, faire son petit crochet, son déhanchement du Brésil, et même sans élan, je sais que si je pars, il va me la mettre. Et il me la met où il faut. Si Ronnie n’a pas le ballon, je ne fais pas le même appel: je m’écarte car je sais que le ballon va venir sur le côté. Mais lui a une telle facilité à pouvoir s’arrêter et faire la passe… On se demande comment il fait. C’est tout en douceur, tout en profondeur, tout en beauté. Il n’y a que lui qui sache faire ça.”

Seul dans son monde. Au point d’avoir fait douter même les moins naïfs quand une vidéo virale réalisée à l’époque pour son équipementier le montre fracasser la balle sur la barre plusieurs fois de suite en la récupérant d’un contrôle poitrine ou genou avant de jongler, le tout sans jamais que le cuir ne tombe au sol. “Je ne sais pas si c’était truqué”, répond Marc Ingla. Même les adversaires ne peuvent que s’incliner devant un tel talent. Face à Chelsea, un soir de C1, Ronaldinho met un sombrero à Paulo Ferreira puis récupère le ballon et le bloque alors que Claude Makelele le harcèle pour le récupérer. L’ancien milieu international français se souvient: “Il arrête le ballon et commence à faire ses gris-gris. Je lui avais dit: ‘Je préfère que tu viennes me dribbler dans de bonnes conditions mais avec tous tes trucs de Playstation là, je vais t’envoyer à l’hôpital’.”

Ce gaucho de naissance “mais carioca déguisé” (Beto), qui aime la plage, la samba, le carnaval, “a vécu le football de la meilleure manière possible” (Deco) et apporté un plaisir dingue. “Il avait quelque chose en plus, un génie de rendre les gens heureux que je n’ai jamais vu chez un autre joueur, résume Laurent Perpère. Tous les gens qui parlent de Ronaldinho ont un sourire et les yeux qui pétillent.” L’homme qui joue parfois au foot-volley avec des gamins des favelas de Rio qu’il accueille chez lui pour des matches avec des paris à cinq ou dix euros, anecdote racontée par son conseiller Eric Lovey (qui avait pris son frère Roberto sous son aile en Suisse et est depuis un proche de la famille), aime le football. La réciproque est une évidence.

Avec RMC Sport