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Quand le chômage met les couples à rude épreuve

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«On était vraiment un couple solide» mais après avoir perdu son emploi à cause de la crise sanitaire, «mon mari n’en pouvait plus et ç’a été fini»: le chômage met les couples à rude épreuve, montre une étude menée dans plusieurs pays du monde.

Selon cette publication de l’Institut national d’études démographiques (Ined), parue mi-février, le chômage a un «impact notable» sur le risque de séparation. En France, être au chômage plutôt qu’en emploi augmente de 50% ce risque pour les hommes, de 40% pour les femmes.

«La goutte d’eau»

Il y a une corrélation «mais ça ne veut pas dire que c’est causal», explique à l’AFP Anne Solaz, économiste et démographe à l’Ined. Le chômage peut être «un révélateur d’un couple qui ne fonctionnait déjà pas bien», «la goutte d’eau».

Thierry, quinquagénaire, fait «clairement» un lien entre sa situation professionnelle et sa séparation. Il s’est retrouvé en télétravail en mars 2020, avec épouse et enfants. «Etre tous sous le même toit à plein temps» a mis en lumière «des dysfonctionnements», explique ce cadre dans les ressources humaines en Suisse. Il a perdu son emploi en juin, ce qui a «désécurisé» son épouse. Le couple a décidé de se séparer en août.

Estelle, 36 ans, assure que son couple n’avait «jamais eu de problèmes» et attribue directement sa dissolution à la perte d’emploi de son mari fin avril 2020 «à cause de la crise sanitaire».

Lors du premier confinement, la jeune femme s’est retrouvée dans 35 m² à Nice, dans le Sud-Est de la France, avec son époux informaticien et leur enfant de cinq ans hyperactif, ce qui a «déjà créé des tensions». Licencié, son mari «se sentait responsable du fait qu’on n’arrivait plus à joindre les deux bouts», poursuit la jeune femme, elle-même sans emploi pour raisons médicales. «Il a fini par dire: «il faut que vous partiez», il ne pouvait plus nous regarder en face», dit-elle.

Effet libido

L’étude de l’Ined montre que le chômage a des effets moins négatifs sur le couple en période de récession. «Il y a moins ce soupçon d’un problème personnel» quand le chômage est massif, explique Anne Solaz qui reconnaît que les données ne sont «pas très récentes», essentiellement antérieures à 2010, mais «ne pense pas que ça change beaucoup».

Les données indiquent également que le chômage déstabilise davantage les couples quand il affecte les hommes. Mais, observe l’économiste Rachel Silvera, c’est plus vrai dans des pays comme l’Allemagne ou la Belgique, «où les modèles plus traditionnels de «Monsieur Gagne-pain» et de «Madame Gagne-miettes» ou «Madame au foyer» sont plus importants», qu’en France.

Face à cette situation, certains tiennent le choc. «J’ai une chance inouïe, j’ai une épouse en or. On supporte tout ça avec stoïcisme», affirme ainsi Guillaume, 55 ans, chômeur longue durée. Mais, ajoute-t-il, «la situation rend la vie inconfortable sur le plan matériel» et du coup «ça préoccupe pas mal, je ne dirais pas que ça n’impacte pas la libido par exemple».

Alexandra, 44 ans, télétravaille et vit avec le patron d’un bar-restaurant parisien fermé depuis fin octobre. Malgré une situation financière tendue, elle assure «qu’il n’y a pas vraiment de tensions parce qu’il s’occupe: il fait des formations, fait du rhum…». C’est «la clé», dit-elle, «et surtout, il participe aux tâches ménagères».

Ce lien entre famille et chômage reste assez peu documenté car cela revient à «remettre en question une approche universaliste de la famille», observe le sociologue Jacques Commaille, à l’origine d’un rapport sur le sujet en 1999.

«La représentation sociale de la famille dominante c’est le bonheur, la solidarité entre les membres, une sorte d’autonomie de la cellule de l’intime par rapport aux dysfonctionnements de la société», dit-il, notant que «le chômage est très subversif de ce point de vue là». En France, où la politique familiale est forte, «il y a probablement, même de façon inconsciente, des résistances à travailler dessus».