Présentée comme le dernier bastion d’une économie en marche, en début de la deuxième décennie des années 2000, l’Afrique peine à tenir ce rang ; à cause de nombreux obstacles auxquels elle se heurte. Si les premières explications apportées à cette situation sont le manque de volonté politique, d’investissements, d’infrastructures ainsi que le déficit énergétique, on oublie très souvent de citer un facteur aggravant : le déficit en main-d’œuvre qualifiée.
Les raisons de ce déficit ?, le métier d’ingénieur, et plus généralement les professions techniques ne sont pas toujours valorisés sur le continent africain. Une sorte de syndrome de « l’ingénieur costume cravate climatisé » en serait à l’origine, arguent certains.
Pourtant, les besoins sont énormes. Les bâtiments et travaux publics, le génie civil, la mécanique, l’électricité, la maintenance, la logistique, etc., sont des secteurs pourvoyeurs d’emplois. Formés dans ces domaines, les jeunes africains pourront prétendre à des emplois stables avec de meilleures rémunérations. Une solution pour résoudre, un tant soit peu, le problème du chômage et du sous-emploi.
Pour tenter de résoudre le problème, quelques programmes portés par des privés voient le jour çà et là sur le continent. C’est le cas du Programme RH Excellence Afrique (REA) porté par le Conseil français des investisseurs en Afrique (CIAN), soutenu par le Mouvement des entreprises de France (Medef International) et la fondation AfricaFrance. Celui-ci ambitionne de renforcer les compétences en Afrique par la promotion active d’une offre de formation professionnelle d’excellence, répondant aux besoins des entreprises du continent dans une perspective d’utilité publique.
Initié en Afrique francophone depuis octobre 2014, le programme REA compte à ce jour une quarantaine d’établissements membres répartis dans dix (10) pays africains dont le Togo. Sa mission : décerner une certification aux diplômes et une labellisation aux établissements, selon 145 critères avec une seule finalité. Celle de former les étudiants selon la vision des entreprises et ainsi permettre à ceux-ci d’acquérir les compétences dont le marché du travail est actuellement demandeur.
L’actuel Directeur du programme, Mohamed Diakité, anciennement Quality Management System Auditor (auditeur de la qualité des systèmes de management) chez Wallenius Wilhelmsen Logistics, rencontré aux Rencontres Africa à Abidjan la semaine dernière, dans un entretien accordé à Lfrii l’Entreprenant revient sur la genèse de ce programme, ses ambitions pour les jeunes africains ainsi que les différents processus pour en faire partie.
Lfrii l’Entreprenant : M. Diakité, trois instituts de formation supérieure, notamment l’École Supérieure des Travaux publics (ESTP) de l’Institut National Polytechnique Houphouët-Boigny (INPHB), le Centre des Métiers de l’électricité (CME) de la Compagnie Ivoirienne d’électricité (CIE) et l’Institut Supérieur de Commerce et de Marketing (ISCM) viennent de recevoir la certification RH Excellence Afrique (REA) en marge des Rencontres Africa qui se tiennent cette semaine dans la capitale ivoirienne. Quels sont les critères qui ont milité en faveur de cette reconnaissance ?
Mohamed Diakité : « Plusieurs critères ont milité en faveur de la certification de ces instituts. Il s’agit entre autres de leur approche pro-active vis-à-vis des entreprises pour s’enquérir de leurs besoins et faire évoluer le contenu de leurs formations. Aussi, les liens qu’ils ont de façon formelle et continue dans le temps avec les entreprises pour les faire participer au jury des diplômes et à la gestion des établissements ne sont pas du reste. Cette certification est l’aboutissement d’un travail effectué depuis un (1) an et à l’issue duquel, il y a eu un audit ».
Quels constats sont à la base du lancement du Programme RH Excellence Afrique ?
La genèse de cette initiative est venue du fait qu’il y a une étude qui a été menée en 2013 et qui a interrogé les entreprises du continent pour voir ce qui freinait leur développement. Est-ce que ce sont les produits, ou les financements ? La conclusion nous révélait que c’était plutôt le manque de la main-d’œuvre qualifiée.
Pas sur les segments en BAC+5 et plus, mais plutôt les segments du CAP jusqu’au BAC+3, c’est-à-dire la formation professionnelle. C’est un problème de manque de techniciens professionnels et de techniciens supérieurs qui serait en partie à l’origine de ce frein à leur développement.
Dès lors, le CIAN et ses partenaires ont pris sur eux de proposer une solution pragmatique à cette problématique à travers la mise en place du REA.
Cette situation n’est pas sans impact sur le sous-emploi et le chômage des jeunes africains ?
Bien sûr. Cette situation amène des multinationales à faire venir des expatriés qui, bien qu’ayant toute la technicité requise, n’ont pas la maîtrise des contextes sociaux et culturels. Ce qui coûte excessivement cher à ces entreprises. Et aussi, s’il faut se mettre à compléter, voire à reprendre la formation de recrues, la faute à un problème de qualité de l’enseignement et des formations qui ne sont pas assez tournés vers les entreprises, cela constitue un manque à gagner assez sérieux.
D’un autre côté, la jeunesse africaine est au chômage, ce qui constitue une bombe à retardement pour nos pays, si rien n’est fait.
Donc former les jeunes à ces métiers qui sont à fort potentiel de recrutement, est sans doute une solution à cette situation vu la croissance démographique du continent.
Combien d’instituts sont affiliés au RH Excellence Afrique ? Et où en êtes-vous par rapport au déploiement de ce programme ?
À ce jour, nous avons quarante établissements dans dix (10) Etats qui sont affiliés et qui sont rentrés la démarche qualité.
La certification filières-métiers est une reconnaissance pour un domaine de formation donné après un certain nombre de pré-requis. Et cette certification est valable pour trois (03) ans. Après, un nouvel audit sera fait pour voir s’il y a des progrès.
Quatre pays notamment la Côte d’Ivoire le Cameroun, le Sénégal et le Burkina Faso font partie de l’étape pilote du programme. Après le retour d’expérience de ces pays, nous allons nous déployer dans tous les pays d’Afrique et prioritairement en Afrique subsaharienne.
M. le Directeur, quel est le processus pour faire partie des établissements accrédités par le REA ?
Le programme privilégie les formations de niveau CAP à Bac+3 des secteurs prioritaires dans chaque pays. Il faut noter qu’il existe trois étapes.
La première étape est l’affiliation. Les dossiers de demande d’affiliation comprennent le projet stratégique de l’établissement, la liste des entreprises partenaires, leur organigramme, le détail de leur gouvernance et des structures décisionnelles de l’établissement. Nous sommes très attentifs à la pro-activité des centres de formations dans leur relation avec les entreprises et les jeunes, par exemple à l’encadrement des stages.
La deuxième étape est celle de la certification. Une fois, l’affiliation acceptée, commence la phase de certification de la filière-métier choisie par l’établissement. REA sélectionne des experts-métiers au sein d’entreprises partenaires dont cette filière est le cœur de métier. Ensuite, le directeur REA et les experts étudient le dossier de certification établi suivant le guide qui contient les critères à respecter.
Enfin, un audit in situ de deux jours est organisé dans l’établissement, pour vérifier l’exactitude de tous les éléments mentionnés dans le dossier. De plus, cela permet une visite des installations et des équipements, et des rencontres avec les différents acteurs : la direction, les enseignants, les élèves et les diplômés.
À l’issue de cette étape, si les formations de la filière-métier sont conformes aux critères et en adéquation avec les compétences recherchées par les entreprises, alors la certification REA est accordée. Sinon, des mesures correctives sont préconisées.
Enfin, la troisième étape est celle de la labellisation. Lorsque toutes les filières-métiers d’un établissement sont certifiées, il a la possibilité d’être labellisé REA. Nous évaluons alors sa gouvernance et son management de la qualité selon les critères définis dans le processus de labellisation.
Que gagne l’établissement à travers les reconnaissances du REA ?
Le programme repose sur une démarche volontaire de la part des établissements de formation. Les certifications et labellisations REA contribueront dans un premier volet au perfectionnement des pratiques de formation par un fonctionnement en réseau et des appuis techniques et financiers. Le second volet est la promotion de ces établissements par l’appartenance à un réseau d’excellence bénéficiant d’un ‘modèle qualité’ reconnu par les professionnels d’entreprises.
Au finish, il s’agit de dynamiser le marché du travail en transformant la formidable croissance africaine en développement inclusif par l’investissement dans le capital humain afin d’améliorer la compétitivité des entreprises et favoriser la création d’emplois.
Je vous remercie.
RH EXCELLENCE AFRIQUE
Abidjan, Cocody-Riviera, Boulevard Mitterrand, carrefour Abatta, Immeuble Kyf Galeria, (3ème étage, immeuble Ecobank) – COTE D’IVOIRE
Contact : Mohamed DIAKITÉ, Directeur de REA. Tél. +225 40 87 90 90 / +225 88 56 56 80
Siteweb : www.rea-afrique.org