Elle a été sacrée « meilleure infirmière du monde » à Dubaï lors de la cérémonie « Aster Guardian Global Nursing Award » qui s’est déroulée lors de la Journée internationale des infirmières, le 12 mai 2022. Anna Qabale Duba est Kenyane, âgée de 31 ans et lutte en faveur de l’alphabétisation et de l’éducation sexuelle et contre le mariage forcé et les mutilations génitales féminines, des interventions visant à modifier ou à endommager les parties génitales d’une femme ou d’une fille, sans raison médicale, le plus souvent d’une ablation totale ou partielle des organes génitaux externes.
Le « Global Nursing Award » reconnaît et honore la contribution des infirmières au système de prestation de soins de santé à travers le monde, et cette récompense octroie au grand gagnant une somme de 250 000 dollars US. Comme l’explique France Info dans son podcast « L’étoile du jour », l’infirmière née dans le village de Torbi et membre d’une famille de 19 enfants a elle-même été victime de sévices. « À 12 ans, elle a été excisée. À 14 ans, elle s’est échappée du mariage forcé que ses parents avaient préparé pour elle. À 16 ans, elle a décidé de devenir infirmière ».
Anna Qabale Duba était la première diplômée de son village, de la Kenya Methodist University, et la seule enfant instruite de sa famille. Au cours de ses études d’infirmière, elle a remporté le prix de « Miss Tourism Kenya » 2013 et a fondé sa propre Fondation baptisée « Qabale Duba », qui lui a permis de construire une école dans son village, où les enfants pouvaient étudier le matin et les adultes l’après-midi, pour des cours d’alphabétisation.

« Elle a choisi l’éducation parce qu’elle comprenait que l’analphabétisme empêchait les gens d’apprendre de nouvelles choses et de changer les normes culturelles néfastes », peut-on lire sur sa page de profil mise en ligne sur le site de la cérémonie. « Elle dispense les mêmes cours, qui vont de l’apprentissage de la lecture à la connaissance du corps humain. Elle explique tout, aux mères et aux pères, la reproduction, les cycles menstruels, la transmission des maladies, le consentement aussi. », comme le fait savoir France Info. « Ce prix va m’aider à étendre mon école dans tout le Kenya », a déclaré la lauréate à la chaîne anglaise BBC.
« C’est une victoire pour le Kenya, pour l’Afrique et les filles des villages »
« Je suis tellement passionnée par l’éducation. Après avoir goûté aux fruits de l’éducation, j’ai décidé de rentrer chez moi pour donner du pouvoir aux autres », ajoute-t-elle, non sans avoir dédié le prix à son défunt frère, qui a financé en partie ses études universitaires. Cette initiative avait déjà été reconnue localement et internationalement, notamment en remportant le prix Waislitz Global Citizen’s Choice de 50 000 $ en 2019. Le prix de 250 000 $ servira une nouvelle fois à pour son école, une récompense également motivée par le fait que la Kényane a également créé sa propre association pour inspirer d’autres villages.
En outre, c’est lorsqu’elle est embauchée en tant qu’infirmière à l’hôpital de Marsabit qu’elle découvre que de nombreuses femmes ont, comme elle, été victimes d’une mutilation génitale et d’un mariage forcé, avant de s’efforcer de mettre fin à ces pratiques culturelles néfastes. C’est donc pour l’ensemble de son travail qu’elle remporte la première place, face à près de 24 000 candidats issus de 184 pays. « Je n’aurais pas pu imaginer dans mes rêves les plus fous que je serais reconnue et célébrée de cette manière. C’est une victoire pour le Kenya, pour l’Afrique et les filles des villages », a-t-elle déclaré devant le public, vêtue d’une robe traditionnelle.
Les expériences personnelles d’Anna Qabale Duba, mère d’un enfant et mariée, ont façonné ses convictions. « Il n’est pas facile de parler de ces choses en public mais je fais vraiment de mon mieux », a-t-elle fait savoir à la BBC. « J’utilise l’éducation pour mon travail de plaidoyer, afin de faire campagne contre ces pratiques ». L’organisme rappelle que bien que les mutilations génitales féminines soient illégales au Kenya, environ 91 % des filles et des jeunes femmes les subissent dans les régions du nord du pays. L’UNICEF estime quant à lui qu’au moins 200 millions de filles et de femmes âgées de 15 à 49 ans et originaires de 31 pays ont subi une mutilation génitale féminine.
Selon ses collègues, l’engagement de la jeune femme a permis aux femmes et aux jeunes filles de prendre conscience de leurs droits en matière de santé. « Elle connaît bien les défis auxquels les jeunes filles sont confrontées. Beaucoup d’entre elles ne manquent plus les cours, car on leur donne des serviettes hygiéniques à utiliser lorsqu’elles ont leurs règles. », a déclaré à la BBC Hassan Halakhe, directeur de la prévention médicale à l’hôpital du comté de Marsabit, au Kenya.
« L’infirmière Qabale a apporté des transformations tangibles dans sa communauté d’origine, dans de multiples dimensions de la société. Aujourd’hui, le succès de ses actions inspire d’autres personnes à lui emboîter le pas. », peut-on lire en guise de conclusion sur sa page de profil. Reste que selon l’Unicef, dans de nombreux pays, les mutilations génitales féminines sont pratiquées par des professionnels de la santé eux-mêmes, formés à cet effet : près d’une adolescente victime sur trois a été excisée par du personnel médical.
A noter qu’en dehors du vainqueur final, la cérémonie a récompensé également neuf autres finalistes avec des prix monétaires. Comme le souligne France Info, il s’agit de soignants Afghans, Indiens, Australiens, Britanniques, ou encore Émiratis, qui ont reçu un prix de 5 000 dollars, pour mettre en lumière, explique la fondation Aster, ce métier trop souvent sous-valorisé. « La fondation estime que 27 millions de femmes et d’hommes sont infirmières et infirmiers dans le monde, ce qui représente plus de la moitié des travailleurs de la santé, pour une paie qui ne s’élève en moyenne qu’à un dixième de celle des médecins. », conclut la chaîne.
Avec Femina