Au Sénégal, l’ancien président Macky Sall échappe de peu à une tentative de traduction devant la Haute Cour de Justice.
Le Bureau de l’Assemblée nationale sénégalaise a en effet rejeté lundi 27 octobre 2025 une proposition visant à traduire Macky Sall devant la Haute Cour de justice. La décision a été prise à l’unanimité.
L’ancien chef d’État, au pouvoir de 2012 à 2024, était visé pour haute trahison. La proposition émane du député Guy Marius Sagna, membre du Pastef, le parti actuellement au pouvoir.

Le texte avait été déposé en avril dernier. Sagna y dénonçait une gestion opaque des finances publiques durant la présidence de Macky Sall. Il évoquait notamment une dette de 2 517 milliards de francs CFA contractée en dehors des circuits légaux, sans autorisation parlementaire. Bref, des accusations lourdes. Le député parlait de manipulations comptables et d’un endettement dissimulé qui aurait compromis l’avenir du pays.
Mais le Bureau de l’Assemblée a déclaré le texte irrecevable. La raison invoquée tient au non-respect du règlement intérieur de l’institution. Selon le président du groupe parlementaire Ayib Daffé, le Bureau a jugé irrecevables tous les projets déposés individuellement par des députés, en violation de l’article 103 du Règlement intérieur. Cet article impose que de telles propositions soient présentées par un groupe parlementaire ou par un dixième des membres de l’Assemblée, pas par un seul élu.
Le communiqué officiel du Bureau précise que les députés peuvent toutefois se conformer au règlement et réintroduire leurs demandes. Le Bureau encourage d’ailleurs les députés à respecter le règlement intérieur s’ils souhaitent réintroduire leurs demandes. La porte reste donc ouverte à un nouveau dépôt, cette fois conforme aux exigences procédurales.
Guy Marius Sagna, figure engagée du Pastef, a réagi à la décision. Il affirme prendre acte du rejet tout en le qualifiant de discutable. Selon lui, ses propositions avaient été déposées sous l’ancien règlement intérieur et le Bureau se serait appuyé sur le nouveau texte pour justifier son refus. Le député annonce qu’il compte améliorer ses propositions et les réintroduire prochainement.
La Constitution sénégalaise encadre strictement la mise en accusation d’un président ou ancien président. La procédure nécessite un vote à la majorité des trois cinquièmes des membres de l’Assemblée nationale. Enfin, la notion de haute trahison demeure floue dans le droit sénégalais, aucun texte ne la définissant précisément.
Le climat politique reste tendu autour de l’ancien président. Le frère de Macky Sall a été inculpé il y a deux semaines pour blanchiment de capitaux et corruption. Cinq anciens ministres font également l’objet de poursuites devant la commission d’instruction de la Haute Cour de justice. Le président actuel, Bassirou Diomaye Faye, élu en mars 2024, et son Premier ministre Ousmane Sonko ont promis de faire rendre des comptes aux anciens dirigeants qu’ils accusent de mauvaise gestion des finances publiques.
Ce rejet procédural n’éteint pas le débat. Au contraire. La question de la responsabilité de l’ancien chef d’État dans la gestion du pays reste posée au sein même du Parlement. Les prochaines semaines diront si le dossier refait surface sous une forme conforme au règlement.