La taxe dite Gafa, acronyme désignant les géants du numérique Google, Amazon, Facebook et Apple, dont le projet est porté par la France, n’est pas appréciée du côté américain. Et Donald Trump vient de le faire savoir avec des tweets enflammés ce vendredi 26 juillet.
Dans une publication ce jour, Donald Trump a dénoncé ce vendredi la «stupidité» du président français Emmanuel Macron, menaçant de taxer le vin français en représailles à l’imposition de cette taxe française sur les géants américains du numérique.
«La France vient d’imposer une taxe numérique à nos grandes entreprises technologiques américaines. Si quelqu’un devait les taxer, cela devrait être leur pays d’origine, les Etats-Unis», a tweeté le président américain.
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«Nous annoncerons bientôt une action réciproque substantielle après la stupidité de Macron. J’ai toujours dit que le vin américain était meilleur que le vin français!», a-t-il ajouté.
Bruno Le Maire répond aux attaques de Washington
Quelques minutes après le message de Donald Trump dénonçant sur Twitter la taxe GAFA française, le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, a assuré que la France “mettra en œuvre ses décisions nationales” sur la taxation du numérique. “La taxation universelle des activités digitales est un défi qui nous concerne tous. Nous souhaitons parvenir à un accord sur ce sujet dans le cadre du G7 et de l’OCDE. En attendant, la France mettra en œuvre ses décisions nationales”, a déclaré Bruno Le Maire.
Plus tôt dans la journée, le principal conseiller économique du président américain, Larry Kudlow, avait estimé que cette taxe était «une très, très grosse erreur». «Nous ne sommes pas contents que la France soit allée de l’avant avec cette sorte d’impôt sur le numérique», a-t-il déclaré sur la chaîne CNBC.
Pourquoi taxer les géants du numérique ?
En moyenne, les grandes entreprises du secteur paient 14 points d’impôt de moins que les autres entreprises en Europe (9% contre 23%), selon une évaluation de la Commission européenne. Une situation qui prive les Etats membres d’importantes recettes fiscales.
La taxe à la française doit concerner les entreprises qui font un chiffre d’affaires sur leurs activités numériques de 750 millions d’euros dans le monde et de plus de 25 millions d’euros en France. L’idée est de les imposer à hauteur de 3% du chiffre d’affaires réalisé en France sur les publicités en ligne, la vente à des tiers des données personnelles et l'”intermédiation” (mise en relation, par des plateformes, entre entreprises et clients).
France just put a digital tax on our great American technology companies. If anybody taxes them, it should be their home Country, the USA. We will announce a substantial reciprocal action on Macron’s foolishness shortly. I’ve always said American wine is better than French wine!
— Donald J. Trump (@realDonaldTrump) July 26, 2019
Elle devrait s’appliquer à une trentaine de groupes comme Meetic, Amazon, Airbnb, Instagram ou encore la française Criteo et rapporter 400 millions d’euros en 2019, puis 650 millions en 2020-2022.
Pourtant, la taxe Gafa hexagonale n’est que l’énième étape d’un long serpent de mer. Avant d’être un projet de loi national, le texte est une volonté européenne inaboutie, en raison des réticences de quatre pays: Irlande, Suède, Danemark et Finlande.
Un projet franco-allemand
Les pays européens discutaient donc depuis le mois de mars 2018 d’une directive présentée par la Commission européenne qui prévoyait la mise en place d’une taxe sur le chiffre d’affaires des Gafa, le temps qu’une solution soit négociée à l’échelle mondiale pour mieux imposer les géants du net.
La France, à l’origine de cette proposition, espérait à l’origine faire approuver avant le 31 décembre cette directive. Mais plusieurs pays européens, comme l’Irlande et le Danemark, se sont opposés au projet. L’Allemagne – qui craint des mesures de rétorsion américaines pour son industrie automobile – avait également montré des réticences.
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Réticence des pays nordiques et de l’Irlande
Après des mois de discussion, la France et l’Allemagne ont réussi à se mettre d’accord en décembre dernier sur une version du projet, prévoyant l’adoption de la directive européenne au plus tard en mars 2019, pour une entrée en vigueur en 2021. Cette nouvelle proposition réduisait considérablement l’assiette de taxation par rapport à ce que la France souhaitait, puisqu’elle propose de se concentrer seulement sur la taxation de la vente de publicités en ligne, par conséquent essentiellement sur Google et Facebook.
Mais en dépit de ces compromis, le projet franco-allemand a achoppé en mars, devant la réticence de plusieurs partenaires européens. Pour le Danemark, la Suède, la Finlande et l’Irlande, la taxe remettait en cause le principe de la fiscalité internationale en taxant sur le lieu de consommation et non sur le lieu de production, affaiblissant les pays exportateurs. Tous ont renvoyé l’adoption d’une taxe numérique au niveau de l’OCDE d’ici à 2020.
Des projets similaires au Royaume-Uni, en Italie et en Espagne
Dès décembre, Bruno Le Maire avait prévenu que “si les États européens ne pren[aient] pas leurs responsabilités”, la France “taxer[ait] les géants du numérique”. Le Royaume-Uni, l’Espagne et l’Italie ont également des projets visant à taxer ces services.
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Pour le ministre, la taxe Gafa à la française servira de “levier” dans les négociations internationales. Il espère un accord d’ici 2020 au sein de l’OCDE et assure qu’alors la France retirera “naturellement sa taxe nationale”.
“Avec ce geste, la France ouvre la voie”, a estimé lundi la commissaire européenne à la Concurrence, Margrethe Vestager sur France Inter, jugeant “important” que les Etats européens “qui ressentent le besoin d’aller de l’avant le fassent”, avant que ce ne soit “harmonisé” à plus grande échelle.