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Témoignage : arrivée seule en France à l’âge de 13 ans, elle est devenue médecin

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L’incroyable parcours de Maïla .

Maïla est née en Guinée, il y a trente ans, à Timbi Madina, un village à 400 km de Conakry au confort sommaire. Les premières années de sa vie sont difficiles. À l’âge de 3 ans, elle perd ses parents emportés par le sida qui par miracle l’épargnera. Dix ans plus tard, elle perd son grand-père qui l’élevait jusqu’alors.

Le choc la bouleverse tant qu’il réveille en elle une maladie qui sommeillait. “C’est là que tout a commencé”, se souvient Maïla pour BFMTV.com. Elle perd l’usage de son œil droit et la vue de son œil gauche baisse de manière inquiétante. Elle appelle à l’aide sa tante qui vit en France. Sa santé faiblit, il faut agir, vite.

C’est alors qu’une étonnante chaîne de solidarité se créée pour la faire soigner. Blandine*, dont le neveu est marié à la tante de Maïla, remue ciel et terre pour lui venir en aide. “Faire sortir une fillette aveugle et orpheline d’Afrique, ce n’est pas de la tarte”, pointe pour BFMTV.com cette professeure de danse qui a mis à contribution famille, amis, élèves et parents d’élèves dans son projet.

Après avoir réussi à convaincre Air France d’offrir des billets d’avion et l’ambassade de fournir un visa, Maïla pose enfin le pied à Paris. “Quand elle est arrivée, elle n’avait qu’un tee-shirt, un pagne, une paire de tongs et un sac en plastique”, se remémore celle qui la considère maintenant comme sa fille.

Un médecin parisien accepte de la prendre en charge. Mais les soins sont longs. Maïla, qui ne venait en principe en France que pour une courte durée, intègre finalement l’internat d’un collège de la région parisienne en classe de 3e grâce aux aides et soutiens. Mais l’adolescente parle très mal le français, ne l’écrit pas et doit s’adapter à cette nouvelle vie. “Les six premiers mois ont été très durs”, reconnaît Maïla. Car si elle retrouvait sa tante le week-end, elle restait seule la semaine.

“Je ne connaissais personne et je me souviens que la nourriture me paraissait très différente. Les sauces africaines et le piment me manquaient, et puis surtout ma grand-mère.”

Sa professeure principale, Josette*, se prend d’affection pour cette adolescente discrète et souriante qui ne laisse rien transparaître des épreuves qu’elle traverse. Et lui donne des cours le week-end pour rattraper son retard. “Je me souviens de cette jeune fille frêle. Derrière une apparence de grande fragilité se cachait déjà cette volonté de fer”, confie l’enseignante à BFMTV.com.

Malgré ses lacunes, la jeune fille est avide d’apprendre. Il suffit d’évoquer le titre d’un livre pour qu’elle s’empresse de le lire. Une adolescente volontaire qui suscitait l’admiration du personnel enseignant. “Elle écoutait beaucoup, ne se distrayait pas et travaillait énormément, se rappelle Anne-Marie*, sa professeure d’anglais. Elle ne se plaignait jamais et voulait toujours progresser.”

Le diagnostic tombe un an plus tard: elle est atteinte d’une toxoplasmose congénitale occulaire. Le traitement est lourd, elle est hospitalisée à plusieurs reprises puis tombe à nouveau malade, une méningite. Sa scolarité chaotique et ses soucis de santé ne compromettent pourtant pas son succès au brevet des collèges.

« Josette et Blandine m’ont toujours encouragée mais sans pression et sans obligation, se souvient Maïla. Elles ont cru en moi et m’ont donnée confiance. C’est grâce à elles si j’en suis là. Je ne leur dirai jamais assez merci. »

Elle décroche un BEP sanitaire et social, un baccalauréat technologique sciences médico-sociales puis professionnel avec mention. Devant ces réussites scolaires, elle se prend à rêver: et si elle allait plus loin et tentait médecine? Ses proches rassemblent les fonds pour lui financer une préparation scientifique.

“Pendant cette année, je n’ai fait que travailler, je ne pense pas être allée une seule fois au cinéma, se rappelle Maïla. Il y avait tellement de personnes qui me soutenaient que je ne pouvais pas les décevoir.”

Mais le plus dur reste à faire: le très sélectif concours de médecine, qui recale près de 80% des candidats. Un cap qu’elle franchit pourtant allègrement, classée 147e sur 1017. “C’était écrit dans les étoiles”, admire Blandine. Cette force tranquille, c’est son grand-père qui lui a transmise, lui l’a éduquée dans la liberté et qui se plaisait à dire: “Le premier mari d’une femme, c’est toujours son diplôme”.

Pour l’accompagner dans des études qui s’annoncent longues se crée une association. Amis, relations, contacts acceptent volontiers de soutenir la jeune fille. “C’est étonnant de voir à quel point elle rassemble autour de son histoire. Il y a des petits miracles permanents”, se réjouit Josette. Une bourse de 10.000 euros lui est également remise par l’association Soroptimist international, une ONG de femmes au service des femmes.

“Il fallait que j’obtienne mon diplôme, pour moi, mais surtout pour ceux qui m’ont aidée, déclare la jeune femme, aujourd’hui enceinte de son premier enfant. Je me devais de réussir.”

À l’exception de son conjoint, Maïla n’a jamais raconté son histoire, ni à ses camarades de classe au lycée, ni à ses amies étudiantes. “Ma meilleure amie, que je connais depuis nos débuts en médecine, sait vaguement.” Par pudeur mais aussi par volonté de ne pas faire de différence. “À l’école, c’était le seul endroit où j’étais comme tout le monde, explique-t-elle, et ça me permettait aussi de ne pas m’apitoyer sur mon sort.”

Avec BFMTV