Rechercher
Fermer ce champ de recherche.

>

Togo : Affaire d’élèves qui ont ensorcelé leurs enseignants ; ce qui s’est réellement passé

Facebook
Twitter
WhatsApp

La semaine dernière, des images ont circulé sur les réseaux sociaux faisant état d’élèves dans la préfecture de la Kozah qui auraient capturé spirituellement tous les enseignants de leur école et les auraient emprisonnés dans un arbre.

L’ONG Creuset National a tenté, à travers ses investigations de faire la lumières sur ces allégations.

L’intégralité du communiqué

« Ce vendredi 7 mai 2021, suite à des informations virales sur les réseaux sociaux togolais accusant certains enfants de sorcellerie à l’EPP Pya Pittah (Préfecture de la Kozah), une équipe de l’ONG CREUSET TOGO s’est immédiatement transportée sur les lieux pour s’enquérir de la situation et de l’état des enfants.

Une fois dans la localité, l’équipe s’est d’abord présentée à la gendarmerie pour une démarche collective et concertée.  Après l’équipe s’est rendue au sein de l’établissement scolaire en question. Sur place les membres de CREUSET ont rencontré quatre enseignants de l’école, le président APE et le responsable du centre social de la localité.

Selon les enseignants, c’est depuis mardi que l’affaire aurait commencé.

En effet dans la soirée du 04 mai 2021 un élève âgé de 7 ans serait allé informer à son enseignant de CP2 que deux de ses amis ont déclaré qu’ils ont attrapé et campé (spirituellement) dans un tronc d’arbre, 4 enseignants et 13 élèves.

Suite à ces allégations, les deux enfants ont été invités par les enseignants pour un interrogatoire. Le même jour, les parents des enfants ont été mis au courant de la situation. Pour délivrer les âmes des enseignants et des élèves, les parents ont été sommés de trouver des charlatans pour procéder aux rituels. Ce qui a été fait le mercredi et le jeudi.

Ce vendredi 7 mai 2021, les cours ont normalement repris dans l’établissement mais les enfants accusés de sorcellerie n’étaient pas présents sans doute traumatisés par cette épreuve. L’équipe de CREUSET, l’action sociale et le président APE se sont rendus dans les deux familles. Les enfants ont été retrouvés ainsi que leurs parents et tuteurs. Les parents et les enfants ont été écoutés. Les informations recueillies ont permis de formuler conjointement les stratégies d’accompagnement de ces enfants très traumatisés et désormais stigmatisés.

L’une des actions importantes qui est envisagée est surtout d’ordre psychologique au profit des enfants et parents concernés.

Grâce à ces démarches les 2 enfants reprendront les classes ce lundi. Un suivi régulier de ces enfants sera organisé par CREUSET TOGO et les autres acteurs impliqués dans la gestion de cette situation.

En effet ce n’est pas la première fois que nous sommes confrontés à ces situations totalement absurdes sous d’autres cieux.

Le phénomène de la sorcellerie est une question sensible et très délicate dans certaines régions de notre pays.

Les accusations de sorcellerie sont impossibles à vérifier. Mais de notre expérience sur la thématique, nous avons constaté que, très souvent, ce sont les personnes vulnérables, c’est à dire les enfants, généralement dont les parents sont analphabètes, vivent une précarité absolue, orphelins d’un ou des deux parents, les enfants surdoués, vivant avec un handicap sans oublier les personnes âgées surtout les femmes qui sont régulièrement visés par ces accusations.

CREUSET TOGO travaille toujours sur la thématique des enfants dits sorciers car la problématique prend de l’ampleur et nous interpelle en tant qu’acteur de protection des enfants. Grâce aux actions entreprises durant cinq ans environ, cette problématique est de plus en plus dénoncée et plusieurs enfants victimes sont sauvés et accompagnés. Malheureusement le cas présent vient nous rappeler que le travail n’est pas encore achevé et beaucoup reste à faire.

Pour arriver à déconstruire les normes et croyances fortement ancrées dans les mentalités et communautés afin d’avoir une approche plus rationnelle devant certaines allégations, toute la communauté est appelée à faire évoluer les réflexions sur la question. Devons-nous continuer par soutenir et encourager certaines schèmes de pensées qui empoisonnent nos relations intercommunautaires détruisant la vie de nos enfants  ou devons-nous faire l’effort de porter un autre regard sur les difficultés de la vie ? Des difficultés que nous tendons malheureusement à attribuer aux autres ? Ces enfants, sorciers ou pas, méritent une réelle protection au même titre que d’autres enfants.

Au niveau de CREUSET TOGO, nous continuerons le combat pour protéger les enfants de toutes les formes de menaces et violences exercées sur eux au nom de la loi qui considère que l’enfant est un être fragile et que son intérêt supérieur doit être la considération primordiale.

Nous espérons que dans un futur proche, les débats vont pouvoir évoluer pour insérer dans l’arsenal juridique des dispositions spécifiques qui protègent efficacement les enfants accusés de sorcellerie ».