Elles ont renoncé à la sécurité d’un emploi à l’étranger pour revenir au pays et lancer leur propre affaire. Dans sa parution n°3048, Jeune Afrique consacre des portraits à trois (3) créatrices togolaises qui ont fait ce choix malgré les pesanteurs.
Essy Kodjo, Mablé Agbodan et Sonya Tomégah font partie de cette nouvelle génération d’entrepreneuses qui inspirent aujourd’hui la jeunesse togolaise à travers leurs projets et leur foi en en l’avenir du pays.
Essy Kodjo, Perles et Pagnes
Essy Kodjo se présente toujours avec une petite pointe d’humour. « En quelques années, je suis passée des fonds de pension aux chiffons. » Cette diplômée de HEC Montréal se destinait à vivre une carrière sans histoire au sein de grandes entreprises quand, après une expérience dans un fonds de pension canadien, elle décide de faire ses valises pour rentrer au Togo.
Là, elle ne tarde pas à s’investir dans ce qu’elle aime vraiment, à savoir le design et la création. En 2012, elle lance sa société, Perles et Pagnes, spécialisée dans les accessoires de mode ethniques, avant de se diversifier dans la décoration d’intérieur.
Dans son atelier installé à Hedzranawoe, un quartier populaire de Lomé, seize artisans fabriquent des objets à la main avec des matériaux majoritairement locaux : des sacs perlés ou tressés, des porte-documents, des coussins et oreillers, des nappes, des dessous-de-verre, toutes sortes d’étuis…
La créatrice y impose sa rigueur, même si elle-même reconnaît qu’elle apprend en même temps. Elle souhaite maintenant nouer quelques partenariats avec des artisans européens, « pour assurer un transfert de technologies ».
En attendant, elle a ouvert plusieurs boutiques, non seulement au Togo mais aussi en Côte d’Ivoire et dans d’autres pays de la sous-région. Sa société emploie une vingtaine de personnes.
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Mablé Agbodan, Mille Couleurs
L’agenda de Mablé Agbodan est plein jusqu’en juillet. Le 1er juin, cette créatrice de 44 ans a ouvert un magasin de mode à Lomé, sur la route de l’aéroport. Elle exposera dans ce showroom de 60 m² les créations qu’elle a développées ces dernières années : une ligne de mobilier de maison pouvant être réalisée sur mesure, ainsi que de multiples accessoires, des objets d’art, etc. Le tout fabriqué avec des matériaux recyclés.’
Courant juillet, Mablé Agbodan prendra ensuite part à une semaine de sensibilisation à la protection de l’environnement en organisant un défilé de mode écologique. Entre-temps, elle aura préparé pour 2020 une exposition itinérante de ses productions dans plusieurs pays grâce au soutien du réseau des Alliances françaises.
Depuis qu’elle a commencé sa carrière au musée d’Orsay, à Paris, où elle a passé six ans, cette diplômée en architecture d’intérieur voue un véritable culte au beau et au design, culte qu’elle a affermi tout au long d’un parcours qui l’a ensuite menée à Londres. Elle y vit toujours et y a même installé sa marque, Mille Couleurs.
Depuis 2014, elle partage son temps avec Lomé, où elle a lancé, deux ans plus tard, le Club des métiers d’art et d’artisanat. Elle veut mettre en valeur la créativité des artisans togolais et ambitionne, grâce à l’apprentissage, d’améliorer un savoir-faire haut en couleur.
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Sonya Tomégah, Nyah’s Touch
Qu’est-ce qui peut conduire une architecte de 32 ans à s’investir dans la confection d’accessoires de mode plutôt qu’à concourir pour le prix Pritzker, le Nobel d’architecture ? Réponse de l’intéressée : « Je mets tout en oeuvre pour matérialiser mes rêves et marquer mon temps. » Quels rêves ? Magnifier le textile africain, le dépoussiérer pour le mettre en pleine lumière.
Sonya Tomégah a lancé Nyah’s Touch en 2012, une entreprise spécialisée dans la création et la confection, entièrement manuelle, d’accessoires à base de wax ou de textiles africains, tels que le bogolan, le danfani ou le kenté. Sans oublier le cuir. Nyah’s Touch propose également ses services dans le design d’espace, notamment dans le conseil et la conception d’intérieurs, qui reste trop souvent le parent pauvre de la construction en Afrique subsaharienne.
Diplômée de l’École africaine des métiers de l’architecture et de l’urbanisme (Eamau) de Lomé, Sonya Tomégah est également titulaire d’un BTS en arts appliqués, avec une spécialité design d’espace acquise au lycée des métiers de l’habitat et de l’aménagement urbain Adolphe-Chérioux de Vitry-sur-Seine, en France.
Aujourd’hui, elle veut construire une véritable usine pour passer au stade de l’industrialisation. Ce qui lui ouvrirait des débouchés à l’export. Notamment vers le marché américain, auquel les artisans togolais ont un accès privilégié grâce au mécanisme de l’African Growth and Opportunity Act (Agoa).
Avec Jeune Afrique