À quoi reconnaît-on un pays pressé ?, se demande Jeune Afrique dans son édition spéciale de 30 pages consacrée au Togo cette semaine.
« Chaque décision prise va dans le sens de l’accélération. Quitte à ce que leurs détracteurs accusent les dirigeants de confondre vitesse et précipitation », écrit le journal en guise de réponse.
« Le 13 juin, à l’heure où le Forum économique Togo-Union européenne (UE) s’ouvrira à Lomé, la nouvelle Commission de l’UE, issue des élections du 26 mai, n’aura pas encore été mise en place. Les actes du forum porteront donc la signature de l’exécutif européen sortant, dont le mandat court jusqu’au 31 octobre.
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Sceptique, une partie du gouvernement togolais estimait qu’il valait mieux attendre que soient distribués les postes clés européens. Mais l’entourage du chef de l’État n’était pas de cet avis.
Pour Faure Gnassingbé, il n’y avait pas une minute à perdre depuis que, le 4 mars, il a lancé le Plan national de développement (PND) 2018-2022. D’autant que, le 14 juin, jour de clôture du forum, s’ouvrira la campagne pour les élections locales, les premières organisées depuis plus de trente ans au Togo. Et pourquoi donc ajourner le forum alors que ce rendez-vous constitue une occasion rêvée pour les entreprises européennes et locales de prendre connaissance des possibilités de financement offertes par l’UE et ses différents États membres ?
Financement dont les investisseurs pourraient bénéficier dans le cas où ils planifieraient des projets au Togo… Du reste, les changements attendus à Bruxelles n’inquiètent pas Lomé. Le pays le plus réformateur du continent a hissé la barre si haut qu’il se sait capable de séduire et convaincre n’importe quel partenaire.
Pour cela, le Togo peut s’appuyer sur sa bonne trajectoire en matière de climat des affaires, avec 19 rangs gagnés dans le classement « Doing Business » 2019 de la Banque mondiale, tandis que sa gouvernance économique est elle aussi saluée par une amélioration de sa notation souveraine (BBB) par l’agence Bloomfield.
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Pédagogie
Le PND a donc été conçu pour accélérer encore la tendance haussière de la croissance. « Nous venons de finir une revue avec le FMI, qui a révisé notre taux, estimé sur la base des réalisations 2018, à 4,9 %, contre les 4,8 % initialement projetés, précise Sani Yaya, ministre de l’Économie et des Finances. Ce qui correspond aux résultats publiés par nos propres services. Le Fonds a également révisé à la hausse le taux projeté pour 2019 de 5 % à 5,1 %, et a d’ailleurs salué tous les efforts que nous avons fournis. Notre ambition est de parvenir à 7,6 % à l’horizon 2022. »
Accélérer la croissance, mais avec quels moyens ? « Ce plan vise à transformer structurellement l’économie pour créer de la richesse, avoir une croissance forte, durable et inclusive, qui devrait permettre, selon nos prévisions, la création de 500 000 emplois. Au bout du compte, notre objectif ultime est d’améliorer le bien-être des Togolais », répond Victoire Tomégah Dogbé, directrice de cabinet du président.
« Le PND n’est pas issu d’une démarche prospective impliquant les populations. C’est une vision portée par le chef de l’État, elle ne s’étend pas automatiquement à la base, relativise Kako Nubukpo, économiste et ancien ministre togolais. Il y a un enjeu de pédagogie et de gouvernance. Le PND devrait être mieux expliqué. La présidence compte de très bons techniciens, mais ce plan ne représente qu’une phase pilote. Et puis il faut aussi composer avec le contexte local, les pesanteurs de nos ministères et la difficulté de faire adhérer des gens qui se demandent si ce plan ne sert pas un agenda électoraliste. »
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La réforme constitutionnelle ayant été votée par l’Assemblée nationale, Faure Gnassingbé a en effet toute latitude pour briguer un quatrième mandat en 2020. « Cette échéance électorale rend la question de l’adhésion au PND plus sensible parce qu’il faut transcender les clivages partisans pour montrer la pertinence du plan. C’est pour cela que l’équipe qui porte le projet doit être constituée de personnalités crédibles, qui ne peuvent être soupçonnées d’arrière-pensées carriéristes ou électoralistes », explique un bon connaisseur du milieu. Une forte croissance, se traduisant par le recul de la pauvreté, y contribuerait aussi largement.
« Changer de paradigme »
En dépit de ces risques, Faure Gnassingbé semble avoir un boulevard devant lui pour emmener son pays vers l’émergence socio-économique. Le pouvoir a toutes les cartes en main et semble même disposé à « changer de paradigme », selon Victoire Tomégah Dogbé.
« Il n’est plus possible de travailler comme avant. Si nous voulons accélérer et intensifier nos actions, il faut revoir d’urgence la manière de penser et d’agir », estime-t-elle.
La majorité n’a même plus grand-chose à craindre de la part d’une opposition radicale qui n’est plus vraiment en position de gêner le gouvernement.
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Pour avoir choisi de boycotter les élections législatives, elle s’est placée elle-même en dehors du jeu institutionnel et n’a donc d’autre choix que de s’exprimer dans la rue. Mais, affaiblie par les divisions et plombée par des affaires de corruption, elle mobilise beaucoup moins que par le passé. Laissant à « l’État stratège » tout loisir d’en profiter pour dérouler son plan ».
Avec Jeune Afrique