L’Assemblée nationale a adopté le mercredi 7 août une nouvelle loi sur les réunions et manifestations publiques au Togo. Selon les autorités, celle-ci intervient pour des raisons de “sécurité”.
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Désormais, « les réunions ou les manifestations pacifiques sur la voie publique et dans les lieux publics ne peuvent se tenir avant 11h00 et au-delà de 18h00 », souligne la nouvelle loi votée par les députés togolais. Celle-ci modifie un précédent texte datant de 2011.
Voici l’intégralité de la nouvelle loi sur les réunions et manifestations publiques au Togo :
Chapitre I : DISPOSITIONS GENERALES
Article premier : La présente loi fixe les conditions d’organisation des réunions et manifestations publiques et sans instruments de violence.
Cette loi ne s’applique pas :
- aux réunions et manifestations privées ;
- aux réunions et manifestations se déroulant à l’occasion des campagnes électorales ;
- aux attroupements et aux manifestations spontanées.
Article 2 : Les réunions et les manifestations pacifiques publiques sont libres, sous réserve du respect des dispositions de la présente loi.
Article 3 nouveau : Au sens de la présente loi, on entend par :
- réunion : tout rassemblement momentané de personnes, concerté et organisé, quel qu’en soit l’objet ;
- réunion publique : celle à laquelle tout citoyen a librement accès que cette réunion ait lieu dans une propriété privée close ou non ou dans un lieu public, même si elle ne concerne qu’une catégorie de citoyens ;-
- réunion privée : celle qui se tient dans un lieu clos, privé ou non et qui est strictement réservée à certaines personnes nominativement et spécialement invitées ou conviées ;
- manifestation : tout cortège, défilé, rassemblement de personnes, quel qu’en soit l’objet ;
- réunion-manifestation : tout rassemblement momentané de personnes, concerté et organisé, quel qu’en soit l’objet qui débouche sur un cortège, un défilé, un rassemblement ;
- réunion et manifestation pacifiques : tout rassemblement momentané de personnes, concerté et organisé, quel qu’en soit l’objet, ou tout cortège, défilé, rassemblement de personnes n’ayant pas un objet violent ou n’étant pas destiné à créer, encourager ou inciter à la violence, sans instruments de violence, ou encore ne portant pas atteinte à l’ordre public ;
– organisation ou structure : tout parti politique, toute association, tout syndicat, tout regroupement de partis politiques, d’associations ou de syndicats ;
- voie publique : toute aire de passage ou de circulation habituellement et notoirement ouverte à l’usage du public, qu’elle appartienne à une personne privée ou publique même en l’absence d’une décision d’affectation ou de classement ;
- lieu public : toute aire ouverte habituellement et notoirement à l’usage public conformément aux usages locaux qu’elle soit close ou
Article 4 : Les réunions et manifestations pacifiques publiques telles que définies à l’article 3 ci-dessus, sont soumises aux seuls régimes d’information ou de déclaration préalable auprès de l’autorité administrative compétente.
Article 5 : Les dispositions régissant les réunions et les manifestations pacifiques publiques s’appliquent à toute personne physique ou morale.
CHAPITRE II : REGIME JURIDIQUE DES REUNIONS ET MANIFESTATIONS PACIFIQUES PUBLIQUES
Section 1 : Des réunions ou manifestations publiques en dehors des lieux publics
Article 6 nouveau : Les réunions et manifestations pacifiques publiques organisées dans des lieux privés sont libres.
Toutefois, elles font l’objet d’une simple information écrite adressée au gouverneur ou au préfet territorialement compétent.
Article 7 nouveau : Sont exclus du champ d’application de l’article 6 ci-dessus, les cultes religieux et les manifestations à caractère coutumier et celles des organes d’institutions légalement reconnues.
Article 7-1 nouveau : Pour qu’une manifestation ou une réunion autre que celles visées à l’article 7 ci- dessus soit exclue du champ d’application de l’article 6, il faut qu’elle ait un caractère répétitif dûment validé par décision écrite de l’autorité administrative compétente, statuant sur une demande formelle à elle adressée par la structure ou l’organisation demanderesse.
Article 8 : L’autorité administrative compétente ne peut prononcer l’ajournement ou l’interdiction d’une réunion ou d’une manifestation publique organisée dans un lieu privé que lorsque celle-ci est susceptible de troubler l’ordre public.
La décision d’ajournement ou d’interdiction ne peut être prise que si l’autorité administrative compétente et les organisateurs de la réunion ou de la manifestation n’ont pas trouvé ensemble, dans le cadre de discussions préalables, des moyens adéquats pour éviter ces éventuels troubles à l’ordre public.
Dans tous les cas, cette décision doit être motivée.
Section 2 : Des réunions ou manifestations pacifiques sur la voie publique et dans les lieux publics
Article 9 nouveau: Toute réunion ou manifestation pacifique sur la voie publique et dans les lieux publics est soumise à une déclaration préalable adressée :
- au ministre chargé de l’administration territoriale pour les réunions ou les manifestations à caractère national ou de portée internationale ;
- au gouverneur ou au préfet territorialement compétent dans les autres
Article 9-1 nouveau : Dans le cadre des réunions ou manifestations pacifiques publiques, l’itinéraire comporte un seul point de départ, un seul tronçon de route et un seul point de chute.
Le nombre de localités pouvant recevoir des manifestations d’un même objet, d’une même structure ou organisation de façon simultanée est limité par l’autorité administrative compétente en fonction de la disponibilité des forces de l’ordre affectées à l’encadrement desdites manifestations.
Toute tentative de contourner la précédente disposition par éclatement d’une même structure ou organisation est interdite.
Article 9-2 : Pour des raisons stratégiques, économiques et sécuritaires :
- les manifestations sont interdites sur certains axes et zones notamment :
- toutes les routes nationales ;
- les axes et zones où se déroulent de fortes activités économiques dans les centres urbains ;
- les axes et zones proches des institutions de la République ;
- les axes et zones proches des chancelleries et résidences des ambassadeurs et représentants d’organisations internationales ;
- les axes et zones proches des camps militaires et des camps de service de sécurité.-
- Le nombre de manifestations organisées par semaine dans une ville peut être limité par l’autorité administrative compétente en fonction de la disponibilité des forces de sécurité et de l’ordre devant être affectées à l’encadrement desdites manifestations.
Article 10 : La déclaration préalable, visée à l’article 9 ci-dessus, doit indiquer l’identité complète des trois (03) principales personnes organisatrices de la réunion ou de la manifestation, leur qualité, leur domicile ou le siège de l’organisation, le lieu ou l’itinéraire, le jour, l’heure et le but de la réunion ou de la manifestation.
L’autorité administrative compétente qui reçoit la déclaration en accuse réception ou en donne immédiatement décharge.
Article 11 : La déclaration préalable doit être faite au moins cinq (5) jours ouvrables et aux heures de service, avant la tenue de la réunion ou de la manifestation.
Ce délai court à compter de la date de réception de la déclaration préalable par l’autorité administrative compétente.
La déclaration préalable ne dispense pas les organisateurs des formalités d’occupation des lieux ou de couverture sécuritaire de la réunion ou de la manifestation.
Article 12 nouveau : L’autorité administrative compétente qui reçoit la déclaration fait connaître ses observations et ses recommandations motivées notamment en ce qui concerne le lieu, l’itinéraire, la sécurité et les secours d’urgence raisonnables, dans un délai de soixante-douze (72) heures avant la date prévue pour la réunion ou la manifestation.
Les organisateurs sont tenus de respecter les recommandations formulées par l’autorité administrative compétente.
Article 13 : L’autorité administrative compétente vérifie le respect des prescriptions visées à l’article 12 ci-dessus avant la tenue de la réunion ou de la manifestation.
Pour vérifier le respect des prescriptions qu’elle a formulées pour la tenue de la réunion ou de la manifestation, l’autorité administrative compétente peut se déplacer sur le ou les lieux concernés, en présence des organisateurs.
A l’issue de ces constatations, l’autorité administrative compétente peut, par décision motivée, soit différer la manifestation, soit l’interdire, s’il y a des risques sérieux de troubles à l’ordre public.
Article 14 : Les observations, recommandations et constatations de l’autorité administrative compétente sont notifiées aux organisateurs, par remise en mains propres contre récépissé, par télécopie ou par tout autre moyen écrit avec accusé de réception, au plus tard soixante-douze (72) heures avant la date prévue pour la tenue de la réunion ou de la manifestation.
Article 15 nouveau : La déclaration prévue à l’article 9 ci-dessus ne s’applique pas aux cortèges funèbres et aux cortèges religieux.
Les cortèges funèbres, selon qu’ils sont situés dans le périmètre de la préfecture ou de la commune, font l’objet d’une simple information écrite adressée au préfet territorialement compétent.
En ce qui concerne les cortèges religieux, l’information doit être faite soixante-douze
(72) heures au moins avant la date de la manifestation.
Article 16 : Nonobstant l’absence d’objection de l’autorité administrative compétente, lorsque des éléments nouveaux objectifs surviennent et sont de nature à troubler gravement l’ordre public, l’autorité administrative compétente peut différer ou interdire la réunion ou la manifestation par décision motivée.
Article 17 nouveau : Les réunions ou les manifestations pacifiques sur la voie publique et dans les lieux publics ne peuvent se tenir avant onze (11) heures et au- delà de dix-huit (18) heures.
CHAPITRE III : INFRACTIONS CONNEXES ET SANCTIONS
Article 18 : Les infractions autres que la destruction ou la dégradation volontaire de biens, commises à l’occasion des réunions ou manifestations publiques, sont punies conformément aux dispositions du code pénal.
Article 19 : Toute personne qui s’introduit dans une réunion ou une manifestation, et incite d’autres participants à commettre des violences, destructions ou dégradations, est passible d’un emprisonnement d’un (01) à cinq (05) an(s) et d’une amende de cinq cent mille (500.000) à un million cinq cent mille (1.500.000) francs CFA.
Article 20 nouveau : Toute personne qui, à l’occasion de réunions ou manifestations pacifiques publiques, s’introduit par des menaces contraintes ou violences dans un édifice public ou privé, dans une maison d’habitation, dans un bâtiment à usage commercial ou dans un lieu de culte, sera punie conformément aux dispositions du code pénal et du code de procédure pénale.
La présente disposition ne s’applique pas aux personnes à la recherche d’un refuge.
Article 21 : Quiconque, au cours d’une réunion ou manifestation publique, aura volontairement occasionné des destructions ou dégradations de biens, meubles ou immeubles, privés ou publics, sera puni d’une peine d’emprisonnement de six (06) mois à cinq (05) ans ou d’une amende de deux cent mille (200.000) à un million (1.000.000) de francs CFA.
Article 22 : Quiconque, au cours d’une réunion ou d’une manifestation publique, est trouvé porteur d’une arme ou d’un objet dangereux pour la sécurité publique, sera puni « d’un emprisonnement d’un (01) à cinq (05) an(s) et d’une amende de cent mille (100.000) à cinq cent mille (500.000) francs CFA ou de l’une de ces peines.
En cas de récidive, la peine et portée au double.
CHAPITRE IV : DISPOSITIONS TRANSITOIRES ET FINALES
Article 23 : Les décisions de l’autorité administrative compétente sont susceptibles de recours pour excès de pouvoir.
En cas de saisine, le juge administratif compétent statue en urgence dans un délai de quarante-huit (48) heures par décision exécutoire sur minute.
Article 24 : La chambre administrative de la Cour suprême est compétente pour connaître des cas de recours pour excès de pouvoir prévus dans la présente loi en attendant l’opérationnalité des juridictions administratives de proximité.
Article 25 : Sont abrogées, toutes dispositions antérieures contraires à la présente loi.
Article 26 : La présente loi sera exécutée comme loi de l’Etat.
Délibéré et adopté le 07 août 2019
La Présidente de l’Assemblée nationale
Yawa Djigbodi TSEGAN