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Une femme de 66 ans sanctionnée par la justice pour avoir refusé de coucher avec son mari

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Article 215 du Code civil : les époux s’obligent mutuellement à une communauté de vie. « Communauté de vie », est-ce que cela implique l’obligation d’avoir des rapports sexuels entre conjoints ? C’est la fameuse notion de « devoir conjugal » que deux associations féministes souhaitent voir définitivement retourner dans les limbes du droit canonique de l’Eglise catholique du Moyen Âge.

Pour la première fois, une femme, accompagnée par le Collectif féministe contre le viol (CFCV) et la Fondation des femmes, vient de déposer un recours contre la France devant la Cour européenne des Droits de l’Homme (CEDH) pour ingérence dans la vie privée et atteinte à l’intégrité physique. La Cour d’appel de Versailles, en 2019, l’a sanctionnée en prononçant un divorce à ses torts exclusifs en retenant pour faute son « refus à des relations intimes avec son mari ». La Cour de cassation a rejeté, en septembre dernier, le pourvoi de cette femme de 66 ans ayant de nombreux problèmes de santé.

« C’est une justice encore patriarcale et archaïque »

Bien que l’expression « devoir conjugal » soit totalement absente du Code civil, la jurisprudence a bel et bien déduit du devoir de fidélité (article 212), l’obligation de relations sexuelles entre époux. Il n’existe donc pas dans la loi. « Il existe de fait parce que des juges ont choisi de l’interpréter à leur manière. C’est une justice encore patriarcale et archaïque qui dit aux femmes : si tu es mariée, prière d’écarter les cuisses !, s’insurge la Dr Emmanuelle Piet du CFCV. Cela revient à imposer aux personnes mariées d’avoir des relations sexuelles et, par là même, contredit les textes sur le viol conjugal. Refuser d’avoir des rapports sexuels au sein du couple est une faute civile, mais obliger son conjoint est un crime de viol… Depuis 2006, c’est même une circonstance aggravante ! »

« Les rapports sexuels entre époux sont notamment l’expression de l’affection qu’ils se portent mutuellement tandis qu’ils s’inscrivent dans la continuité des devoirs découlant du mariage ». Cet arrêt de la Cour d’Appel d’Aix-en-Provence, du 3 mai 2011, concerne, cette fois, un homme. Il avait alors été condamné par la justice française à verser 10 000 euros à sa femme pour avoir manqué à ses « devoirs » conjugaux pendant plusieurs années causant ainsi un « dommage » à réparer.

En conséquence, ne pas respecter ce devoir conjugal peut être considéré comme un comportement fautif lors du divorce. Le refus d’avoir des relations sexuelles doit être répété et s’inscrire dans la durée. Par exemple, dans un arrêt de la Cour de cassation du 28 janvier 2015, les juges ont reconnu que refuser d’avoir des relations sexuelles pendant plus de huit ans constitue une faute. A noter : le refus ne doit pas être dû à un problème médical. Si l’époux ou l’épouse est dans l’incapacité physique d’avoir des relations sexuelles, il ne peut pas lui être reproché son comportement.

En 1995, le Royaume-Uni est condamné par la Cour européenne

Pourtant, depuis la loi de 2006, la présomption de consentement entre époux a complètement disparu. « C’est insupportable. Comment vont faire les victimes de viol conjugal pour porter plainte demain ? La France doit être condamnée une bonne fois pour toutes par la CEDH pour que cette notion de devoir conjugal disparaisse. C’est le sens de notre bataille auprès de cette femme qui nous a sollicités, avec la Fondation des femmes. »

Dans un communiqué commun, « le Collectif Féministe Contre le Viol et la Fondation des Femmes rappellent que la liberté sexuelle implique la liberté d’avoir des relations sexuelles entre adultes consentants… ainsi que celle de ne pas en avoir. L’enjeu est grave : dans 47 % des 94 000 viols et tentatives de viols par an, l’agresseur est le conjoint ou l’ex-conjoint de la victime. Il a fallu de nombreuses années de lutte pour en finir avec la zone de non-droit que représentait le lit conjugal, où l’on sait que se produisent la majorité des viols. »

Avec Le Parisien