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Coronavirus : qu’est-ce que le R0, et en quoi est-il déterminant pour le déconfinement ?

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Les Français se préparent à sortir progressivement de chez eux dès le 11 mai, après huit semaines de confinement. 

Les activités reprendront, mais dans le respect des gestes barrières, avec un accent particulier mis sur les mesures de distanciation sociale, essentielles pour garder le coronavirus à bonne distance. Il ne faudrait surtout pas que le R zéro (R0) reparte à la hausse. 

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Défini comme étant le taux de reproduction de base d’un virus, R0 joue un rôle déterminant dans le processus de déconfinement.

R0 permet de connaître en moyenne, le nombre de personnes qu’un individu contaminé par le virus peut infecter. S’il est supérieur à 1, un malade va contaminer plus d’une personne et l’épidémie va progresser. S’il est inférieur à 1, les malades contaminent moins de personnes et l’épidémie régresse, voire disparaît.

Selon le président du comité scientifique qui conseille les autorités françaises, Jean-François Delfraissy, le R0 du Covid-19 « était à 3,4 ou 3,5 » avant le confinement en France, soit un niveau suffisant pour une diffusion exponentielle de la maladie, alors que celui de la grippe saisonnière était estimé cette année à 1,3. Il a donc fallu faire appel au confinement pour briser la chaîne de transmission du virus.

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« L’impact du confinement a été très important, il a permis de réduire le taux de transmission du virus de 84 %, souligne le Dr Simon Cauchemez, responsable de l’unité de modélisation mathématique des maladies infectieuses à l’Institut Pasteur. Avant le confinement, une personne infectée transmettait le virus à 3,3 personnes en moyenne. Grâce au confinement, le R0 est passé à 0,5, avec environ 700 admissions en réanimation par jour avant, à environ 200 à la mi-avril. Au 11 mai, on attend de 10 à 50 admissions en réanimation chaque jour ».

« le R0 du coronavirus en France est de 0,6 » aujourd’hui, comme l’a indiqué à 20 Minutes le Dr Benjamin Davido, infectiologue à l’hôpital Raymond-Poincaré de Garches (Hauts-de-Seine) et médecin référent de crise Covid-19.

« Les mesures annoncées autour du déconfinement ne valent que si le R0 reste à 0,5 », avertissait le Pr Arnaud Fontanet, épidémiologiste à l’Institut Pasteur, le 21 avril dernier. Pourquoi ? « Parce qu’avec un R0 inférieur à 1, on contrôle une épidémie, répond le Dr Davido. S’il grimpe à 1,3 ou 1,5, cela signifie que le virus circule de nouveau et que l’épidémie repart », avec un risque de nouvel engorgement des services de réanimation, et de reconfinement.

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Bien que comme l’Allemagne, la France assure que le confinement a fait baisser le R0 au-dessous de 1, le déconfinement le fera mécaniquement remonter.

« A 1,1, nous pourrions atteindre les limites de notre système de santé en termes de lits en réanimation d’ici à octobre », prévenait mi-avril la chancelière allemande Angela Merkel. « A 1,2, nous atteindrons les limites de notre système de santé en juillet. Avec un taux à 1,3, nous y arriverons déjà en juin ».

« Le paradoxe du confinement, c’est qu’il est nécessaire pour réduire la progression de l’épidémie et désengorger les hôpitaux, mais en sortir nous mène à la case départ, résume le Pr Fontanet, qui appelle à maintenir la pression sur le virus tout en permettant une reprise de la vie économique et sociale ».

Le déconfinement se fera progressivement malgré l’étroitesse de la marge de manœuvre.

« On ne va pas passer du noir au blanc, mais du noir au gris foncé », a insisté le Pr Delfraissy. En pratique, « à la sortie du confinement, il va falloir être capable de maintenir la transmission du virus à un niveau très faible, rappelle le Dr Cauchemez. Il faudra donc maintenir toutes les mesures barrières et une distanciation sociale forte ».

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La réouverture des écoles étant au programme de cette reprise progressive,nombreux sont les parents qui redoutent que leurs enfants n’y contractent le virus et le rapportent à la maison. 

Afin d’évaluer les risques sanitaires liés à cette réouverture, Santé publique France a compilé la littérature scientifique sur le Covid-19 chez l’enfant. 

Il en ressort que « pour un objectif de suppression de l’épidémie à long terme qui repose sur la diminution du taux de reproduction en dessous de 1 pour que la circulation interhumaine s’arrête, la fermeture des écoles est plus efficace, en combinaison avec une distanciation sociale généralisée. (…) Pour assurer cet effet suppresseur, ces mesures doivent être maintenues de nombreux mois pour éviter un rebond ». 

Mais après deux mois de fermeture des écoles françaises, l’agence sanitaire n’émet pas de recommandations particulières sur le prolongement de cette mesure.

Une réouverture des écoles en Italie par contre, est impossible, car cela ferait « immédiatement » repartir à la hausse la pandémie, a estimé le 30 avril l’Institut supérieur de la Santé (ISS). « La réouverture des écoles porterait immédiatement le R0 à 1,3 », a affirmé le chercheur Stefano Merler, lors d’une conférence de l’ISS.

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Cependant, le Dr Davido ne partage pas cette inquiétude. « On sait que les enfants sont peu malades et peu contaminants, on l’a vu avec le cas du petit garçon qui a contracté le covid-19 aux Contamines-Montjoie et qui n’a transmis le virus à aucune des 172 personnes avec lesquelles il avait été en contact durant cette période de maladie », rappelle l’infectiologue. 

« Il faut aussi regarder ce qu’ont fait nos voisins européens : en Autriche, les écoles ont rouvert et il n’y a pas eu de rebond », rassure-t-il. « En France, le risque est faible et calculé, d’autant qu’a priori, moins d’un tiers des enfants vont retourner à l’école. »

Les adultes doivent quand même faire preuve d’une extrême vigilance, car, « si les enfants sont peu vecteurs de la maladie, la plupart de ceux qui ont eu le coronavirus ont en réalité été contaminés par leurs parents, relève le Dr Davido. Si les adultes, qui travaillent et prennent les transports, ne respectent pas scrupuleusement les gestes barrières, eux risquent de contracter le Covid-19 et de le transmettre à leurs enfants, qui à leur tour le diffuseront à l’école ».

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20 Minutes rapporte que le médecin infectiologue aborde ce déconfinement avec optimisme. 

« Le confinement a fonctionné, les Français l’ont respecté, donc il n’y a pas de raison que ce déconfinement très progressif ne se passe pas bien. Ils ont très largement intégré la gravité potentielle de ce virus, et compris l’importance du respect des gestes barrières. On le voit avec l’explosion des ventes des masques : aujourd’hui, le grand public est conscient que son port généralisé est une mesure de protection déterminante. Et si tout le monde a envie que l’épidémie s’arrête et que la vie reprenne son cours normal, cela ne signifie pas que tout le monde est prêt à aller se masser aux terrasses de café, parce que la peur du virus reste très présente. Et c’est une bonne peur, une peur qui protège ».