Si l’espoir d’un vaccin libérateur de la Covid-19 se concrétise, son déploiement à grande échelle va prendre du temps et doit être priorisé en fonction des populations les plus à risque. En attendant, le gouvernement français, à l’instar de ses homologues européens, prépare une première campagne de vaccination dont les enfants sont exclus dans un premier temps.
“Les enfants jeunes sont peu à risque de formes graves et peu actifs dans la chaîne de transmission du coronavirus”, a déclaré le ministre de la Santé, Olivier Véran, deux semaines après la rentrée des classes de septembre.
D’après l’étude des cas signalés en Europe, moins de 5% d’entre eux concernent des enfants de 18 ans et moins, souligne Santé publique France. « En cas de diagnostic positif de la Covid-19, les enfants sont beaucoup moins susceptibles d’être hospitalisés ou d’avoir une issue fatale que les adultes », précise l’agence nationale de santé publique.
Les enfants sont par ailleurs difficiles à dépister car ils ne présentent souvent aucun symptôme bien qu’étant autant contaminants qu’un adulte testé positif. Une analyse partagée par le professeur Robert Cohen, infectiologue et coordinateur du Conseil national de pédiatrie, au micro de franceinfo junior.
Les autres pays européens devraient suivre la même stratégie en excluant pour l’instant les plus jeunes, car ils n’ont pas été inclus dans le panel des testeurs par les différents laboratoires pharmaceutiques œuvrant à l’élaboration d’un vaccin.
Une pratique courante, souligne le professeur Robert Cohen. “Il est d’usage, que ce soit pour un nouveau vaccin ou un nouveau médicament, de ne jamais commencer un essai clinique avec une population d’enfants ou d’adolescents, chez qui les conséquences du produit à long terme sont plus difficiles à évaluer”.
Il est donc logique, comme le précise la HAS dans sa note de cadrage, “qu’en raison de la faible inclusion (voire de l’exclusion) des femmes enceintes et des moins de 18 ans dans les essais cliniques en cours, la vaccination de ces populations n’est pas priorisée, à ce stade”.
D’autant que pour pouvoir vacciner des enfants de moins de 18 ans, il faut une demande d’autorisation de mise sur le marché spécifique pour cette catégorie d’âge. “Or comme elles n’ont pas été demandées par les firmes, les premières autorisations vont exclure les moins de 18 ans”, complète le vice-président de la commission technique des vaccinations de la HAS, au Parisien.
Mais mi-novembre, l’Académie américaine de pédiatrie (AAP) a appelé les laboratoires à élargir rapidement leurs essais aux enfants. « Si nous n’ajoutons pas très prochainement d’enfants à ces essais de recherche, il y aura un retard important avant qu’ils puissent accéder à des vaccins potentiellement vitaux. C’est inadmissible », a déclaré Sally Goza, la présidente de l’AAP, dans un récent communiqué de presse.
Cette demande de l’AAP a été devancée par le laboratoire Pfizer, qui a lancé fin septembre un appel à candidatures afin de recruter des testeurs parmi les enfants américains âgés de 12 à 17 ans.
Car si un vaccin fonctionne chez l’adulte, il n’est pas dit qu’il fonctionne de la même manière chez l’enfant. Ce dernier a en effet “un système immunitaire différent de celui d’un adulte”, précise Sallie Permar, professeure de pédiatrie, de microbiologie et d’immunologie à l’Ecole de médecine de l’université Duke, aux Etats-Unis, interrogée par la National Public Radio.
“Il existe certains vaccins qui fonctionnent mieux chez les enfants que chez les adultes. Et il y a certains vaccins qui fonctionnent moins bien chez les enfants que chez les adultes. Ils doivent donc être spécifiquement étudiés dans la population pédiatrique”.
Aujourd’hui, la communauté scientifique ignore combien de temps les vaccins protègent du coronavirus et s’ils empêchent aussi de le transmettre. Les recommandations émises par la HAS supposent “que la balance bénéfice/risque des vaccins soit favorable dans les populations considérées”.
« Si les résultats de la campagne de vaccination auprès des adultes ne font état d’aucun effet secondaire et que [les vaccins] protègent fortement de la contagion, la question de leur intérêt pour les jeunes se posera alors », indique le professeur Daniel Floret au Parisien.
Mais il faudra probablement attendre fin 2021, “que nous ayons suffisamment de données sur les patients pédiatriques, pour avoir une approbation pour ce groupe d’âge”, estime Sallie Permar.
Avec Franceinfo