“Il était temps de quitter mon canapé!” Depuis une vingtaine d’années, malgré l’éclat d’une poignée de films (Bowfinger, Dreamgirls), la carrière d’Eddie Murphy était à la peine, loin des succès de ses débuts. Avec Dolemite is my name, l’humoriste découvert à l’âge de 19 ans dans Saturday Night Live fait un éclatant comeback.
Il y incarne Rudy Ray Moore, acteur, chanteur et humoriste ringard devenu dans les années 1970 une star de la communauté noire-américaine. Avec son personnage de Dolemite, maquereau flamboyant au karaté approximatif et à l’humour potache, Rudy Ray Moore a signé plusieurs comédies d’action à succès. Eddie Murphy a voulu rendre hommage à cette figure fantasque, qu’il avait déjà découvert en 1975 grâce à son frère Charlie.
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“Je l’avais découvert étant adolescent et son humour très cru m’avait bluffé”, a raconté Eddie Murphy dans les colonnes du Point. Si Rudy Ray Moore “n’avait rien d’un sex-symbol”, il “possédait un truc unique irrésistible”, se souvient-il: “Sans être toujours le plus drôle, il croyait en lui sans que rien ne puisse ébranler sa détermination à faire aboutir ses projets et poursuivre ses rêves. Ni les rejets, ni les passages à vide ou les critiques.”
Une histoire aussi passionnante qu’inspirante
Tout commence en 2004. Cette année-là, Eddie Murphy contacte le duo Scott Alexander et Larry Karaszewski, scénaristes remarqués de plusieurs biopics consacrés à des personnalités atypiques de la culture américaine (le cinéaste de série Z Ed Wood, l’humoriste Andy Kaufman). Une rencontre a rapidement lieu avec Rudy Ray Moore, qui les aide à bâtir un scénario grâce à ses anecdotes croustillantes, mais le projet est enterré après la mort de Moore en 2008. Dix ans plus tard, auréolés du succès de la minisérie The People vs. O.J. Simpson, Scott Alexander et Larry Karaszewski obtiennent carte blanche pour leur prochain projet. En quelques jours, le projet est exhumé et trouve acquéreur chez Netflix.
Il faut dire que l’histoire de Rudy Ray Moore est aussi passionnante qu’inspirante. Moore a joué dans les années 1970 dans une demi-douzaine de films qu’il a lui-même produits et distribués indépendamment du système hollywoodien. Un fait rare à cette époque. Si plusieurs personnalités noires (Bill Cosby, Richard Pryor, Sidney Poitier) étaient parvenues à cette époque à toucher le public blanc américain, voir un acteur noir obtenir un rôle principal dans une production était rarissime. Les chiffres sont d’ailleurs éloquents: entre 1929 et 1970, seulement neuf acteurs et actrices noirs ont été nommés aux Oscars.
Pour exister à l’écran, ils ont dû créer eux-mêmes les opportunités en s’offrant les rôles dont ils rêvaient. C’est ainsi qu’est né au début des années 70 la Blaxploitation, avec des films comme Shaft ou Foxy Brown. Dans une scène clef de Dolemite is my name, Rudy Ray Moore se rend au cinéma voir Spéciale Première (1974), une comédie de Billy Wilder. Dans la salle, il découvre un public hilare. Lui ne rit pas: il n’y a aucun acteur noir à l’écran. En sortant de la salle, Rudy Ray Moore décide de produire ses propres films. Une scène qui fait écho aux premiers sketches très engagés d’Eddie Murphy dans SNL.
Un come-back?
Si Dolemite is my name propose un portrait d’Eddie Murphy, l’acteur évacue toute ressemblance avec Rudy Ray Moore: “Dans la vie, je ne ressemble en rien aux personnages que j’ai interprétés”, raconte-t-il au Point. Et, contrairement au personnage, il ne tente pas un comeback après plusieurs années loin des plateaux: “Je ne vois pas du tout ça comme ça, même si c’est perçu ainsi. Simplement, je ne fonctionne plus comme à l’époque où j’enchaînais film sur film avec un rythme frénétique.”
Grande star des années 1980 et 1990, avec 48 heures, Un fauteuil pour deux, Le Flic de Beverly Hills ou encore Un Prince à New York, La Famille Foldingue et Docteur Doolittle, Eddie Murphy est rapidement devenu paresseux, prêtant son image à des comédies indignes de son talent. Les échecs répétés de plusieurs grosses productions peu inspirées dans les années 2000 (Pluto Nash, Showtime, Appelez-moi Dave) ont poussé l’acteur à réduire ses apparitions à l’écran. Ses années 2010 ont été peu productives, avec seulement trois nouveautés (Le Casse de Central Park, Mr Church et Mille mots).
La tournée des adieux
Si Eddie Murphy prépare des suites de ses plus gros succès (Un Prince à New York, Le Flic de Beverly Hills), il envisage ce retour comme une tournée d’adieux. Il ne s’en cache pas dans une interview accordée à People: “Je suis toujours dans un état d’esprit de pré-retraite.” L’humoriste a d’ailleurs parfaitement conscience qu’il ne retrouvera jamais l’énergie comique de ses débuts:
“Je ne serai plus jamais comme je l’étais à 20 ans. Ce que j’adore aujourd’hui c’est de ne rien avoir sur mon agenda et d’être à portée de voix de mes enfants. C’est ce que je préfère.” “Pendant cinq ou six ans”, poursuit-il, “J’étais sur mon canapé. Je ne faisais rien. Je ne préparais rien et je ne travaillais pas. J’avais des idées en développement, mais je ne faisais rien.”
Quand on lui demande pourquoi il a passé autant de temps inactif, il répond: “Je me reposais. J’étais fatigué. Je fais des films depuis si longtemps que j’avais besoin de passer du temps sur mon canapé. Maintenant c’est terminé et Dolemite a ravivé la flamme. Le film est vraiment bien et ça a relancé la machine.” Il ajoute, dans le New York Times cette fois: “Je ne voulais pas juste réapparaître. Je voulais faire une comédie qui soit drôle pour rappeler à tous pourquoi ils m’aimaient. Le film est tellement bien que c’est un excellent moyen pour revenir sur le devant de la scène.”
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Le retour dans Saturday Night Live
Ce désir de tranquillité est aux antipodes de sa débauche d’énergie déployée lors de ses premiers pas sur le plateau de SNL. Plus de trente ans après, son sketch parodique de James Brown, son personnage d’imbécile heureux Buckwheat ou encore son faux documentaire où il se grime en Blanc sont des classiques de la culture populaire américaine.
Pour la première fois depuis 1984 (sans compter sa brève apparition pour les 40 ans de SNL), l’humoriste sera de retour le 21 décembre sur le plateau de l’émission satirique. Un événement. Brouillé avec les producteurs de SNL, il n’avait pas apprécié dans les années 1990 les moqueries de David Spade sur ses choix de carrière, comme Le Vampire de Brooklyn. Depuis, la tension s’est apaisée. Et Eddie Murphy espère rejouer ses personnages cultes comme Buckwheat.
Le retour au stand-up
Galop d’essai avant son grand retour au stand-up, son monologue d’ouverture de SNL sera scruté par tous les journalistes américains. Selon Deadline, Murphy serait en négociation avec Netflix pour produire une série de spectacles filmés de stand-up. Le contrat serait de 70 millions de dollars, d’après le New York Times. Ses deux captations filmées, Delirious (1983) et Raw (1987), comptent parmi les plus populaires de la plateforme, selon le site américain.
L’idée de revenir à la scène lui a été suggérée par Barack Obama lui-même en 2015 lorsque l’humoriste a reçu le prestigieux Mark Twain Prize for American Humor.
“Quand vous entrez dans le bureau ovale et que le président vous demande quand vous faites du stand-up, il est temps de se remettre à écrire des blagues”, s’est amusé Eddie Murphy lors d’une interview accordée à USA Today.
Mais écrire quoi? Son prochain spectacle devrait être moins vulgaire que ceux des années 1980 (qu’il a reniés), et s’inspirera de son histoire personnelle: “La dernière fois que j’ai fait du stand-up, je n’avais pas d’enfants, je n’avais jamais été marié et j’avais 27 ans. Maintenant j’en ai 58, j’ai dix enfants, j’ai été marié et divorcé. J’ai beaucoup choses à raconter.”
Eddie Murphy a révélé au New York Times qu’il écrivait et enregistrait des blagues pour son spectacle depuis trois ans. Murphy dit avoir presque 20 minutes de blagues prêtes pour la scène. Il va passer les prochains mois, jusqu’au printemps 2020, à préparer un spectacle de 90 minutes.
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Après cette dernière tournée, Eddie Murphy n’envisage pas de continuer sa carrière. Il tirera sa révérence et retrouvera son canapé: “Ces films, [ces spectacles] et SNL, c’est comme une apothéose”, a-t-il raconté à Collider. “Si je décide de rester pour toujours chez moi sur mon canapé, ce serait une manière amusante de terminer [ma carrière].”