“Les cheveux ne sont pas simplement des cheveux.” C’est ce que rapporte cette étude, réalisée par l’école de commerce Fuqua de l’Université de Duke, aux Etats-Unis, qui paraîtra le 19 août dans le journal Social Psychological and Personality Science. Elle révèle que les femmes noires qui laissent leurs cheveux au naturel, sont moins susceptibles de décrocher un entretien d’embauche.
Perçues comme “moins professionnelles que les femmes noires aux cheveux raides”, elles sont particulièrement touchées dans les professions où l’apparence, essentielle, est dite “conservatrice”.
En France, les femmes noires sont aussi victimes de discrimination à l’embauche. Même si elles sont diplômées, elles “n’échappent pas à l’infériorisation sur le marché de l’emploi français : ‘Être femme, fille d’immigrés, noire: la triple discrimination!’, écrit la chercheuse Carmen Diop dans la revue Hommes & Migrations en 2011. Ces caractères réactivent les inégalités sociales et les tiennent éloignées des filières valorisées. Elles doivent user de stratégies particulières pour réussir à entrer dans l’entreprise.”
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Des préjugés qui se retrouvent avant l’embauche
Depuis le meurtre de George Floyd et des manifestations qui ont suivi, de nombreuses entreprises se focalisent désormais “sur des tactiques visant à éradiquer le racisme à des niveaux systémiques et structurels”, rapporte Ashleigh Shelby Rosette, professeure de gestion qui a mené les recherches, dans le communiqué de presse de l’Université de Duke.
Pour autant, “nos préjugés individuels précèdent souvent des pratiques racistes qui se développent et se normalisent au sein des organisations”. En France, une étude comparable n’a pas été menée. Cependant, les personnes “qui rapportent être vues comme noires se déclarent plus souvent discriminées du fait de leur couleur de peau” dans l’accès à l’emploi, détaille le Défenseur des droits en 2016. (…) Les personnes qui considèrent n’avoir connu qu’une seule expérience de discrimination sont peu nombreuses, surtout parmi les personnes qui se disent vues comme (…) noires (7%).”
Et aux Etats-Unis, cette étude prouve la différentiation des femmes noires. Les chercheurs ont engagé plusieurs centaines de participants selon CNN, de différentes couleurs de peau, pour jouer le rôle des recruteurs. Ils leur ont ensuite donné des profils de femmes noires et blanches, à noter en fonction de leur professionnalisme, leurs compétences et d’autres facteurs.
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La norme, c’est “l’apparence physique des blancs”
Le résultat est sans appel: les femmes noires avec une coiffure au naturel ont reçu des notes sur leur professionnalisme et leurs compétences plus basses que les autres candidates. Elles sont moins recommandées que leurs concurrentes, des femmes noires aux cheveux raides et des femmes blanches aux cheveux raides ou bouclés.
Pour Ashleigh Shelby Rosette, l’explication est relativement simple. “Dans de nombreuses sociétés occidentales, les blancs ont historiquement été le groupe social dominant et, par conséquent, la norme pour l’apparence professionnelle est souvent basée sur l’apparence physique des blancs. Pour les cheveux des femmes, cette référence est d’avoir les cheveux lisses.”
Cette constatation vaut aussi pour les femmes noires en concurrence, en fonction de leur coiffure. Lorsque deux groupes de recruteurs ont dû évaluer la candidature d’une même femme noire, l’une avec une photo aux cheveux raides, l’autre sur laquelle elle avait les cheveux bouclés, le résultat est frappant. Le premier groupe a considéré la candidate plus professionnelle que le second.
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Comprendre la différence
Ashleigh Shelby Rosette rappelle que les produits pour lisser les cheveux peuvent avoir des conséquences sur la santé des cheveux et du crâne, et coûtent une fortune. “Lorsqu’une femme noire choisit de se lisser les cheveux, ce devrait être un choix personnel”, et non dicté par les normes de la société.
L’objectif de cette étude n’est pas de pousser les femmes noires à se lisser les cheveux, mais plutôt de “demander aux gens de comprendre que la différence existe”, confie la chercheuse à CNN. Car aujourd’hui, il est très facile pour un recruteur, s’il ne dispose pas de photo sur un CV, d’en trouver sur Internet et les différents réseaux sociaux.
Avec huffinpost