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Forum de Lomé sur les faux médicaments : l’intégralité du message de Faure Gnassingbé

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Il s’est ouvert depuis ce 18 janvier 2020 à Lomé, un sommet sur la lutte contre le trafic des faux médicaments en Afrique.

Pour les gouvernants, les impacts sont énormes pour la santé publique et l’économie des États.

A l’issue de la rencontre, l’initiative de Lomé portée pour la première fois par des États africains, sera lancée.

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Elle repose sur un fondement politique fort, à savoir l’engagement des Chefs d’Etat à adopter un accord cadre et une feuille de route qui seront, après accord des instances gouvernementales des États concernés, signés lors d’une deuxième conférence tenue dans les mêmes formes que la déclaration politique.

C’est ce qu’explique Faure Gnassingbé dans son discours d’ouverture ce samedi 18 janvier 2020.

Voici l’intégralité du discours de Faure Gnassingbé

Permettez-moi tout d’abord de vous souhaiter la bienvenue à Lomé à l’occasion de cette initiative sur la lutte contre les faux médicaments.

Le peuple togolais est heureux et fier de vous accueillir.

II mesure toute l’importance de l’événement car ce qui se joue aujourd’hui concerne directement tous les peuples du monde et plus particulièrement d’Afrique.

Nous menons ici un combat pour la santé, le bien-être de tous, l’accès à des soins de qualité et à des tarifs abordables.

Un combat qui témoigne de notre foi dans l’avenir, le futur de nos enfants, celui de l’Afrique.

Nos populations, représentées ici par leurs dirigeants pourront également mesurer l’importance de l’événement à l’aune des décisions que nous allons prendre.

Et je ne doute pas que l’ensemble du continent soutienne cette initiative.

Je suis particulièrement honoré de présider cette réunion au cours de laquelle nous allons solennellement engager nos pays respectifs dans une initiative sans précédent : lancer une lutte résolue et efficace contre le trafic des médicaments falsifiés.

Aujourd’hui nous commencerons par signer une déclaration politique, qui sera suivie –dans quelques mois- de la signature d’un accord cadre et d’une feuille de route qui permettra et garantira la réalisation effective de cet engagement.

Merci à la Fondation Brazzaville pour avoir lancé ce processus.

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Je forme le vœu qu’elle nous accompagne dans la mise en œuvre de l’engagement que nous allons signer aujourd’hui, ainsi que dans la formulation de l’accord-cadre qui le sera ultérieurement.

Ce jour est important à plus d’un titre.

II est important car c’est la première fois que nous africains, nous emparons nous-mêmes problème des faux médicaments et de leur trafic ; un fléau dont notre continent est la première victime et dont les conséquences sont dramatiques pour nos populations.

L’Afrique doit prendre en main son destin et s’engager dans la lutte contre ce trafic mortifère.

II est important car c’est la première fois que des chefs d’État du continent, conscients des enjeux de santé publique mais aussi de sécurité collective que constitue le trafic de faux médicaments, s’engagent personnellement dans cette lutte.

Nous avons décidé de mettre en place les structures et les législations nécessaires pour endiguer ce trafic et en criminaliser les différentes formes.

Ce jour est important, enfin, car notre initiative réveillera la conscience des nations et convaincra la communauté internationale de nous suivre, en s’engageant à son tour.

Je forme le vœu que les autres États du continent, l’Union Africaine et demain les Nations unies rejoignent l’Initiative de Lomé.

II y a urgence.

Le trafic des produits médicaux falsifiés tue aujourd’hui un million de personnes par an dans le monde, particulièrement en Afrique.

Qui pourrait tolérer que plus de 120.000 enfants de moins de cinq ans perdent la vie chaque année à cause des médicaments falsifiés censés les guérir ?

L’ampleur du trafic est telle que, selon l’Organisation Mondiale de la Santé, la proportion de faux médicaments représenterait sur notre continent 60% des produits médicaux en circulation.

S’il y a urgence à agir en faveur du climat et de l’environnement, ne perdons pas de vue qu’il y a une extrême urgence à sauver des millions de vies menacées par les faux médicaments.

Ce danger n’est pas simplement une menace mais une réalité à laquelle nos peuples sont tout particulièrement confrontés chaque jour.

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II y a urgence car ce trafic international, dirigé par des organisations criminelles, se développe de façon exponentielle.

Qu’on en juge : de 75 milliards de dollars US en 2010, le chiffre d’affaires du trafic des produits médicaux falsifiés est évalué â 200 milliards de dollars en 2014, presque le triple en quatre ans.

Les bénéfices tirés de ce trafic sont supérieurs à celui de la drogue ou des armes. À cette rentabilité financière sans équivalent s’ajoute un risque très faible et une quasi-impunité.

Les produits médicaux falsifiés empruntent les mêmes circuits d’approvisionnement que les produits authentiques et toutes les techniques, y compris les plus sophistiquées utilisées par les laboratoires pour sécuriser leurs conditionnements ont été déjouées, tant la capacité financière des réseaux criminels est considérable.

Quant aux condamnations, elles sont dérisoires voire inexistantes y compris dans les pays occidentaux.

Face á ce scandale, la communauté internationale n’est pas restée inactive pour autant :

En 2010, le Conseil de l’Europe a préparé la convention internationale MEDICRIME consacrée à la lutte contre les médicaments contrefaits que nous encourageons à être signée.

En 2011, le Conseil européen a adopté une directive pour renforcer la lutte contre les médicaments falsifiés en durcissant notamment la répression des infractions liées à ce trafic.

L’Organisation des Nations Unies contre la drogue et le crime a recommandé, quant à elle, d’inclure le trafic des produits médicaux falsifiés dans la convention de Palerme sur le crime transnational…

Pour sa part, l’Organisation Mondiale de la Santé, dont je salue la présence du Directeur

General, s’est engagée dans la lutte en organisant des réunions internationales et en fournissant un appui logistique aux États membres.

En 2006, elle a ainsi mis sur pied le Groupe spécial international de lutte contre la contrefaçon de produits médicaux.

Quant à INTERPOL, il a constitué en son sein une unité dénommée Contrefaçon de produits médicaux et criminalité pharmaceutiques, et lancé les programmes annuels PANGEA destinés à déstabiliser par des opérations de police les réseaux de criminalité organisée impliqués dans ces trafics.

L’Afrique, bien que plus discrète, a pris quelques initiatives au travers des instances de L’Union

Africaine ou avec la conférence des pays francophone en mai 2018 à Genève.

Par ailleurs, en appui à des initiatives prises par les organisations internationales, des ONG comme la Fondation Chirac avec l’appel de Cotonou en 2009 sont très actives pour nous aider â lutter contre les faux médicaments et nous tenons â saluer et encourager leur action.

Sur le terrain, force est d’admettre que le bilan des interventions de l’ensemble des acteurs publics et privés est relativement limité, et n’est pas encore à la hauteur de nos attentes légitimes.

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Pourquoi ?

Le constat, tout d’abord, que les actions que je viens d’évoquer sont conduites de façon ponctuelles et non coordonnées, c’est-à-dire sans plan d’ensemble, sans stratégie cohérente.

Jusqu’à présent, elles ont été majoritairement décidées par des organismes publics ou privés qui n’appartiennent pas au continent et qui se substituent trop souvent aux États.

Cette situation provoque des dysfonctionnements, un manque d’initiative, ou d’anticipation et des erreurs d’appréciation sur les facteurs qui favorisent le développement de cette activité criminelle.

Ces facteurs sont de plusieurs ordres :

– La non-ratification des conventions internationales ou l’insuffisance de leur mise en œuvre

– L’absence d’une harmonisation systématique entre les cadres législatifs ou réglementaires des États

– La faiblesse de la coopération internationale, notamment dans le domaine judiciaire, faute d’une convention d’entraide et d’extradition alors que ce trafic est par nature transnational.

– la corruption qui est un facteur déterminant, décuplé par les capacités financières des trafiquants

– Enfin la faible sensibilisation de nos concitoyens au risque sanitaire présenté par la consommation de faux médicaments.

Certains s’interrogent sur la pertinence et l’utilité de I ’initiative de Lomé. II lui serait reproché de vouloir remplacer la convention MEDICRIME par un projet de cadre légal sans spécificité claire.

Notre ambition pour l’Initiative de Lomé réside essentiellement dans sa dimension politique, assumée et revendiquée. Celle qui a -jusque-là- fait défaut dans la plupart des actions entreprises à ce jour pour éradiquer le trafic des médicaments falsifiés.

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Pour preuve, l’échec en 2004 d’un projet de convention internationale sur la lutte contre les médicaments falsifiés ou de qualité inférieure préparé par I’OMS, faute d’un accord politique entre les États-parties au projet.

L’originalité de l’initiative de Lomé est double : pour la première fois, elle est portée par des

États africains et elle repose sur un fondement politique fort, à savoir l’engagement que nous allons prendre tout à l’heure en signant la déclaration de Lomé.

Ce fondement politique servira, à l’adoption d’un accord cadre et d’une feuille de route qui seront, après accord des instances gouvernementales des États concernés, signés lors d’une deuxième conférence tenue dans les mêmes formes que la déclaration politique.

Je souhaiterais que cette deuxième conférence puisse se tenir avant la fin de l’année dans l’une de nos capitales.

C’est donc restant convaincu de l’aboutissement heureux de notre lutte commune que je souhaite plein succès à l’Initiative africaine de Lomé.

Je vous remercie.