Le président ivoirien Alassane Ouattara ne briguera pas un 3e mandat lors de la présidentielle d’octobre 2020. Mais avant de quitter le pouvoir, il souhaite, en qualité d’ex patron à la FMI, s’assurer de la solidité de son pays et de la sous-région ouest-africaine sur le plan monétaire. Connu pour être un fervent défenseur du Franc CFA dont la transition à l’Eco est en cours, dans un entretien accordé à Jeune Afrique cette semaine, l’ex-gouverneur de la BCEAO est revenu sur ce sujet qui est l’objet de tension entre Anglophones et Francophones de la sous-région ouest-africaine.
Où en est la réforme du franc CFA, annoncée le 21 décembre à Abidjan ?
Il était important de clarifier la relation que nous avions avec la France par rapport au franc CFA, même si beaucoup de choses inexactes ont été dites.
Passage du Franc CFA à l’ECO : Kako Nubukpo devant le Sénat français
Ayant été gouverneur de la BCEAO, j’estimais qu’il était temps de faire un certain nombre de réformes. Nous en avons parlé avec le président Macron et les chefs d’État de l’Uemoa. Ceux-ci m’ont demandé de mener ces négociations avec les autorités françaises.
Le résultat est qu’aujourd’hui il n’y a plus de Français au conseil d’administration de la BCEAO, ni au Comité de politique monétaire, ni à la Commission bancaire. La deuxième réforme concerne nos avoirs placés au compte d’opérations auprès du Trésor français. Ils seront restitués à la BCEAO, qui pourra les gérer en fonction de son programme de trésorerie. Le compte d’opérations sera donc fermé. Enfin, le nom de la nouvelle monnaie : l’eco remplacera le franc CFA dans le cadre de la Cedeao.
Cette évolution se fera par étapes, en fonction des pays qui auront respecté les critères de convergence.
Nous avons, à l’unanimité, préféré maintenir à ce stade la parité fixe vis-à-vis de l’euro, ce qui est une bonne décision car notre commerce se fait en grande partie avec l’Europe.
Nous avons assisté à de petites tensions avec certains pays anglophones, notamment le Nigeria, qui a exprimé ses réticences
Il faut distinguer deux choses : la réforme du franc CFA d’une part, et la mise en place de l’eco par la Cedeao d’autre part.
Le Nigeria n’a rien à voir avec la réforme du franc CFA, qui ne concerne que les huit États membres de l’Uemoa.
Dans le cadre de la Cedeao, en revanche, nous avons arrêté des décisions pour les quinze États membres.
La réforme doit se faire de manière graduelle, avec les pays qui respecteront les critères de convergence.
Nous devons également nous accorder sur le statut de la Banque centrale fédérale, le régime de change et d’autres éléments techniques. Je peux affirmer qu’il n’y a pas de difficultés avec les autres pays de la Cedeao, y compris le Nigeria.
Présidentielle 2020 en Côte d’Ivoire : Alassane Ouattara a désigné son successeur
Lorsque la réforme du CFA a été annoncée, le 21 décembre, cela s’est fait en présence d’Emmanuel Macron. Est-ce que vous comprenez que cela puisse choquer ?
Que certains critiquent ou fassent des commentaires, c’est leur droit. Nous parlons ici de souveraineté monétaire. C’est une question qui relève des chefs d’État, et mes pairs de l’Uemoa m’ont donné mandat pour mener cette réforme et faire signer les textes issus des négociations avec la France, qui est directement concernée par cette réforme.
La déclaration faite avec le président Macron à l’occasion de sa visite en Côte d’Ivoire en décembre est conforme à cette réalité.
J’ai du mal à comprendre cette polémique.
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Extrait de JA n°3088 du 15 au 21 mars 2020