Franc CFA : « Les billets usés ne sont pas remplacés dans les pays de l’AES »

Franc CFA AES Burkina Faso Mali Niger

Crédits photo : Studio Yafa

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Dans les marchés des trois pays de l’AES (Burkina Faso, du Mali et du Niger), une réalité s’impose : les billets neufs du franc CFA se raréfient, cédant progressivement la place aux coupures fatiguées, aux fragments de papier-monnaie qui racontent mille transactions, selon les informations du le360 Afrique.

Fousseynou Ouattara, expert en finance de marchés et membre du Conseil national de transition burkinabè, livre une analyse de ce phénomène.

« C’est la BCEAO qui est chargée de la ramification des billets de banque auprès des banques de second rang. C’est elle également qui est chargée de retirer les billets usés de la circulation et de les remplacer par de nouveaux », explique-t-il.

Cependant, poursuit l’expert, « il ressort des constats que récemment, les billets usés ne sont pas remplacés, surtout dans les trois pays de l’Alliance des États du Sahel ».

La Banque Centrale des États de l’Afrique de l’Ouest rappelle pourtant que tous les billets portant les lettres A, B, C, S, D, H, K, et T ont cours égal dans chaque État membre.

Néanmoins, selon Fousseynou Ouattara, « il y a des codifications sur ces billets qui désignent l’appartenance de ces billets aux trois pays de l’AES ».

L’expert burkinabè livre alors une confidence lourde de sens : « Chacun doit comprendre pourquoi les trois désirent créer leur propre monnaie ». Ce qui fait écho aux velléités d’émancipation monétaire exprimées dès novembre 2023. Les pays de l’Alliance des États du Sahel (le Burkina Faso, le Mali et le Niger) ont identifié leur prochaine cible après la sortie de la CEDEAO : le Franc CFA.

Les ministres des Finances du Mali, du Niger et du Burkina Faso avaient effectivement annoncé leur intention d’étudier la création d’une Union monétaire.

Le projet d’une monnaie commune pour l’AES serait déjà sur la table, comme l’a évoqué le chef de la transition nigérienne lors d’un entretien télévisé.

Franc CFA : de nouveaux billets rares ; des conséquences lourdes pour le Burkina Faso, le Mali et le Niger de l’AES

Sur le terrain, les répercussions de cette situation apparaissent à brûle-pourpoint. Issa Diakité, commerçant, témoigne avec amertume : « Quand on n’a pas de solution à un problème, on est obligé de rester inactif ».

Les anciens billets de 500 et 1 000 francs CFA, devenus omniprésents, « causent de sérieux problèmes » aux commerçants. Toutefois, la résignation l’emporte face à l’adversité économique.

« Beaucoup de personnes acceptent les billets usés à cause de la conjoncture économique que connaît le pays », observe-t-il.

« Les clients ont compris et c’est pour cela qu’ils n’exigent plus de nouveaux billets », poursuit Issa Diakité. Derrière cette compréhension mutuelle se cache malheureusement une précarité monétaire qui vient mettre un point d’interrogation sur l’efficacité du système bancaire de la sous région.

Pire, un marché parallèle voit le jouir et grandit dans l’ombre de cette pénurie. Lors des célébrations sociales – mariages, baptêmes, funérailles – les billets neufs réapparaissent comme par magie. Ces coupures immaculées proviennent de « canaux informels, parfois liés à des réseaux bancaires ou à des circuits non régulés ».

La situation pourrait bien s’aggraver puisque le Burkina Faso, le Niger et le Mali ont clairement fait connaître leur ambition d’abandonner le franc CFA, qualifié de « monnaie coloniale », pour restaurer leur souveraineté monétaire.

La future monnaie commune de l’AES devrait théoriquement s’appuyer sur les ressources naturelles des pays membres de la Confédération bien loin de la méthode actuelle d’arrimage à l’euro via le Trésor français.

Cependant, si les impacts de la sortie de la CEDEAO sont plutôt supportables, la sortie de la zone CFA risque d’être beaucoup plus complexe. En laissant s’user les coupures sans les remplacer, les autorités préparent-elles psychologiquement les populations à un changement monétaire ?

Fousseynou Ouattara redoute quant à lui « la démonétisation des anciens billets de banque ». Son inquiétude n’est pas infondée compte tenu des enjeux politiques et économiques en cours. La transition vers une nouvelle monnaie nécessiterait effectivement le retrait progressif des anciennes coupures.

En attendant, les trois pays de l’AES naviguent dans une zone d’incertitude. Les billets usés deviennent les témoins d’une époque de transition, où l’ancien monde monétaire s’effrite sans que le nouveau ne soit encore pleinement défini.

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