Pris à leur propre piège. Les enfermés volontaires de La Casa de Papel sont dans de sales draps alors qu’est mise en ligne, ce vendredi, la saison 4 de la série de Netflix. Pour mémoire, les braqueurs au grand cœur se sont cette fois attaqués à la Banque d’Espagne, dans l’espoir de faire libérer l’un des leurs. Mission accomplie : Rio leur a été rendu. Mais entre-temps, la police, et surtout la maléfique Alicia Sierra, ont resserré leur étreinte et, avec Nairobi blessée par balle et le Professeur blessé au cœur, Tokyo et sa bande semblent piégés comme des rats.
La saison 4 promet donc d’être explosive et désespérée. Moins calme en somme que les trois premières parties qui brodaient un scénario autour du motif du huis clos. Plusieurs huis clos à vrai dire. Il y avait celui du lieu du braquage, avec des otages. Celui de la maison où, dans un flash-back, on découvre les braqueurs préparer leur casse en suivant les cours du Professeur. Et, dans une moindre mesure, le huis clos de la tente de la police.
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Une contrainte pour point de départ
Alors qu’une bonne partie du pays est confinée, le scénario de La casa de Papel est riche en enseignements sur la manière dont un huis clos peut tourner au tragique. Pour les scénaristes en revanche, le motif du huis clos est un formidable terrain de jeu. De Douze hommes en colère, dans la salle de délibération d’un jury populaire, à 8 Femmes, variation féminine des 10 petits nègres, en passant par Funny Games, Panic Room ou La jeune fille et la mort, le cinéma a souvent utilisé le motif du huis clos. En séries, c’est un peu plus rare – citons Servant, sortie récemment sur Apple TV+ et Oz ou Lost pour les nostalgiques –, mais toujours aussi efficace.
« Un huis clos, c’est une contrainte. Et la contrainte peut nourrir la créativité. C’est souvent un point de départ pour commencer à imaginer des histoires », explique Antonin Martin-Hilbert, scénariste pour de nombreuses séries françaises dont, dernièrement, Criminal, sur Netflix. « L’écriture d’un scénario passe forcément, à un moment donné, par des contraintes. Une contrainte de temps pour commencer, en fonction du format. L’autre limite essentielle que l’on pose rapidement quand on écrit un scénario, c’est le nombre de personnages. Il peut également y avoir des contraintes budgétaires, de décor, de saison… »
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Tous enfermés
Pour Marine Francou, scénariste pour Un village français et directrice d’écriture de Engrenages, le huis clos est d’ailleurs, en quelque sorte, la matérialisation d’un enfermement que chaque personnage porte en lui. « Toute série traite de l’enfermement au sens psychologique, du moins les très bonnes séries. » Pour revenir à La Casa de Papel, on pourrait ainsi dire que chacun des braqueurs porte en lui les barreaux de sa propre prison. Rio s’en libère un peu. Nairobi y plonge encore plus, etc.
« C’est ce qui fait, selon moi, la différence entre une bonne série de divertissement et les chefs-d’œuvre, dans lesquels les personnages semblent prisonniers de leurs névroses, explique Marine Francou. C’est le cas dans Mad Men, dans Succession… Au fil des saisons les personnages butent toujours sur les mêmes névroses. Il y a différentes épreuves, qui vont crescendo souvent, mais toujours le même enfermement. Et quand le personnage arrive enfin à verbaliser sa névrose, il sort. Et c’est souvent la fin de la série. Par exemple les 20 dernières minutes de Mad Men. »
La Casa de la vraie vie
Dans le cas de La Casa de Papel, on a donc une flopée de personnages « enfermés » dans leurs névroses (coucou toc-toc Tokyo) enfermés pour de bon ensemble. Forcément, c’est explosif. « Le huis clos est intéressant parce qu’il limite le nombre d’interactions entre personnages. Il faut donc les pousser dans leurs retranchements, creuser les situations, les scènes, plutôt que les multiplier. Ça peut amener les scénaristes à complexifier et approfondir leurs personnages. »
Pour caricaturaux qu’ils soient parfois, les personnages de La Casa de Papel nous touchent dans leur manière de se débattre avec les autres et avec eux-mêmes. « Dans le travail d’écriture, un personnage doit être enfermé pour être intéressant, analyse Marine Francou. C’est un enjeu dramatique fort parce que ça les bloque dans leurs rapports aux autres. Et parce que c’est comme ça que ça se passe dans la vraie vie : les chances de se libérer de nos névroses sont assez faibles, même s’il nous arrive de progresser… Bien sûr, dans la fiction, il faut que ça soit plus saillant. »
Avec 20minutes